Voilà comment Sarko et Hollande ont sauvé l’Huma (avec votre argent)!

« Rendez à César ce qui appartient à César », dit l’adage. Voilà pourtant un fait d’armes que le « héros » de l’histoire s’est bien gardé de revendiquer. Entre 2008 et 2009, les services de l’État se sont afférés à un sauvetage un peu particulier, piloté directement depuis le palais de l’Élysée : celui du journal L’Humanité. L’ancien organe du Parti communiste français (PCF) fait alors face à de lourdes difficultés financières qui mettent son avenir en péril. Touchée à la fois par la crise de la presse et celle du PCF, la Société nouvelle du journal L’Humanité affiche des résultats déficitaires : elle perd ainsi 2,72 millions d’euros en 2007 puis 3,17 millions en 2008. Pour assurer sa survie, le journal, endetté à hauteur de plus de 8 millions, se résigne à mettre en vente son siège basé à Saint-Denis.
Le bâtiment, conçu par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer célèbre pour avoir également dessiné le siège du PCF place du Colonel-Fabien, à Paris, attise la convoitise d’un investisseur suisse, le comte Richard Von Goetz. Un obscur montage financier est signé en 2007 entre les deux parties. Le siège doit être racheté par Le Paris Saint-Denis immeuble Niemeyer, une société-écran basée en France, dont les parts sociales sont en réalité détenues dans leur totalité par la Sodit Sarl, une autre société immatriculée au Luxembourg.(…)

La vente tombe à l’eau

Mais la crise financière qui éclate entre-temps fait capoter la vente. Face à la pénurie des crédits bancaires, l’investisseur suisse renonce au rachat du bâtiment en juillet 2008. Le journal se trouve alors plus que jamais en difficulté. Dès le 21 juillet, son directeur, Patrick Le Hyaric, lance « une grande souscription » auprès de ses lecteurs.(…)
Le salut de L’Humanité viendra d’ailleurs. En mai 2008, le président Nicolas Sarkozy a annoncé que des états généraux de la presse écrite, télévisée et radiophonique seraient organisés à l’automne. Objet de ce grand raout : mettre à plat les difficultés économiques du secteur des médias. La concordance des temps ne pouvait pas mieux tomber pour L’Humanité. Emmanuelle Mignon, l’ex-directrice de cabinet du président tout juste renommée conseillère spéciale, est chargée d’organiser l’événement. Très vite, elle apprend l’ampleur des difficultés auxquelles le quotidien communiste est confronté et fait remonter l’information au président. Une solution est alors envisagée : faire racheter par l’État le siège de L’Humanité.

Une facture trop salée
Dès le courant de l’été 2008, une étude est commandée à France Domaine, le service de l’État chargé de l’acquisition, de la cession et de la gestion des biens domaniaux, pour évaluer la valeur du bâtiment. L’idée est d’y déménager la sous-préfecture de Saint-Denis. L’antenne, créée en 1993 pour alléger la gestion des flux étrangers de la préfecture de Bobigny, souffre de locaux particulièrement exigus répartis sur trois étages dans un immeuble HLM. Dans ce contexte, le bâtiment Niemeyer avec ses 6 600 m2 de surface utile apparaît comme le point d’ancrage idéal. Mais les services du ministère de l’Intérieur sont loin de goûter l’idée de cet achat.
Un premier avis de France Domaine, rendu le 4 août 2008, évalue la valeur vénale de l’ancien siège de L’Humanité à 13,258 millions d’euros. Une somme largement supérieure aux moyens investis dans la même période pour la modernisation des sous-préfectures. À Aix-en-Provence et à Mulhouse, où la construction de bâtiments flambants neufs est prévue, deux sommes de respectivement 7,4 et 7,52 millions d’euros ont été budgétées. Des montants presque deux fois inférieurs au coût du siège de L’Humanité. Cela, sans compter les travaux nécessaires au réaménagement des locaux dont la facture promet elle aussi d’être salée. Et pour cause : le bâtiment a été classé au patrimoine historique en 2007.(…)

20 millions de travaux de réaménagement
Un nouvel avis d’évaluation est livré en juillet 2009 par France Domaine avant la finalisation du rachat. Le siège de L’Humanité y est réévalué à 12 millions d’euros. Une révision à la baisse que l’agence publique justifie en raison de l’absence d’acquéreur autre que l’État, de la baisse du marché immobilier et de l’ampleur des travaux estimés à un minimum de 7 millions d’euros.
Le rachat du siège de L’Humanité est signé dans les locaux de la préfecture de Bobigny, le 22 décembre 2009. Le prix a été fixé à 12,5 millions d’euros. Somme à laquelle viendra s’ajouter pour l’État le montant des travaux nécessaires au réaménagement du bâtiment finalement évalués à 20 millions d’euros soit près de trois fois l’estimation de France Domaine ! Mais le coût de l’opération ne s’arrête pas là. Avant de boucler la procédure de rachat, les services de Bercy se sont afférés en catimini dans le courant de l’année 2009 au réaménagement de prêts octroyés par l’État à L’Huma en 2001 et en 2002. Dans un point presse organisé en juin 2002 sur la situation de son journal déjà en grande difficulté, Patrick Le Hyaric avait déclaré avoir contracté un prêt participatif de 6,9 millions d’euros auprès de la Banque de développement des PME, l’ancêtre de l’actuelle Banque publique d’investissement. Le remboursement de la dette avait alors été échelonné sur 14 ans, et surtout, le siège du journal avait été apporté comme garantie des prêts.
Silence du Trésor public
Or en 2009, les créances contractées en 2001 et en 2002 ne sont que partiellement remboursées. Au moins 4 millions d’euros d’emprunts participatifs restent encore à solder. (…)

Une ardoise effacée quatre ans plus tard
Le journal communiste n’aura en réalité jamais à rembourser ses dernières créances avec l’État. L’ardoise restante, d’un montant de 4,1 millions d’euros, a en effet été entièrement effacée quatre ans plus tard par un amendement présenté en toute discrétion à l’Assemblée nationale par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault dans le cadre de la loi de finance rectificative du 29 décembre 2013.
Interrogé début 2014 dans une question écrite par le sénateur UDI Jean-Léonce Dupont sur les motifs de cette décision, le ministère du Budget a répondu le 3 avril 2014 : « Le maintien de ce prêt signifiait à court terme la disparition du quotidien. Un abandon de créance a donc été adopté en loi de finances rectificative pour 2013 au vu de l’importance de la voix et de l’histoire de L’Humanité dans le paysage médiatique national, du souci démocratique du gouvernement de préserver la pluralité de la presse et de l’épuisement de l’ensemble des leviers existant pour viabiliser le paiement de cette créance. »

Trois ans plus tard, en 2016, les comptes de L’Humanité sont toujours dans le rouge et la survie du journal est encore menacée.

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