Né en 1948 en Rhodésie (l’actuel Zimbabwe), où il a grandi, l’Ecossais Alexander McCall Smith vit à Edimbourg où il a exercé les fonctions de professeur de droit appliqué à la médecine. Rayon polar, il est connu pour avoir créé le personnage de la truculente Mma Precious Ramotswe, la première femme détective du Botswana (dix-sept volumes parus à ce jour).
Mais on lui doit aussi – et notamment – les aventures d’Isabel Dalhousie, présidente du Club des philosophes amateurs, directrice d’une revue confidentielle, la Revue d’éthique appliquée. Le dixième volume de cette série, Un peu de recul, chère Isabel ! (JC Lattès), vient de paraître.
De titre en titre – du tout premier Le Club des philosophes amateurs à ce dixième en passant par Amis, amants et chocolat, La Douce Tranquillité des samedis, Les Lointains Tourments de la jeunesse, etc. –, nous suivons les tribulations de cette jeune femme qui se fait un devoir d’aider les gens dans le malheur. Quitte à se mettre dans des situations impossibles.
A l’origine, on a connu Isabel mariée à un Irlandais. Ce mélange trop celto-celte n’a pas tenu. Ils se sont séparés. Et elle a fait la connaissance de Jamie, un Ecossais comme elle (au moins en partie car elle est née d’une mère américaine). Ils se sont mariés et ont eu un premier enfant, Charlie. Dans cette dixième aventure, le couple a un second enfant, Angus, ce qui n’est pas du goût de Charlie qui serait bien resté fils unique.
Quand elle ne donne pas un coup de main à sa nièce, la très fantasque Cat, qui tient une épicerie fine branchée à Edimbourg, Isabel se mêle, nous l’avons dit, un peu de ce qui ne la regarde pas, au grand dam de Jamie, son mari.
Il y a eu des cas douloureux. Comme celui de cet homme hanté par un visage inconnu depuis qu’il a subi une greffe du cœur. D’autres plus anodins, mais exaspérants, comme le cas du professeur Dove, rédacteur à la Revue d’éthique appliquée, qui estime n’être pas reconnu à sa juste valeur. Et puis des cas plus excitants qui déclenchent des enquêtes dans les Highlands. Quelques-uns paisibles comme celui du dernier volume paru. Dont il eût été bien de conserver au plus près le titre original : A Distant View of Everything. Ce Un peu de recul, chère Isabel !rappelle plutôt les titres de la série Imogène (une Ecossaise, elle aussi) de l’excellent Charles Exbrayat (je pense particulièrement à Ne vous fâchez pas, Imogène !).
Une vieille copine de lycée, Bea, qui joue volontiers les marieuses, demande à Isabel de la tirer d’une situation embarrassante. Elle a présenté une de ses riches amies à un chirurgien plastique dont on vient de lui dire que c’est un croqueur de fortune indélicat. Isabel part bille en tête. Pour découvrir, une fois de plus, que les choses ne sont pas toujours aussi tranchées qu’elles semblent l’être. Et qu’il faut prendre – comme le recommande le titre original du livre – une vue distanciée de toutes choses pour en tirer un meilleur point de… vue justement.
Au fil de ses aventures, on s’est attaché à Isabel qui cultive un charmant côté bas-bleu. Prononcer devant elle les noms de Shakespeare, Longfellow, Yeats, Auden, c’est courir le risque de l’entendre déclamer les poèmes des susdits et entamer une longue dissertation sur leurs œuvres.
Dans le même temps, elle joue les femmes d’intérieur, bien secondée qu’elle est par la fidèle Grace qui tient de la nounou, de l’intendante et de la cuisinière. Ce qui exaspère Jamie qui n’a plus guère accès à la cuisine, lui qui se prétend cordon-bleu. « Les psychopathes préfèrent la cuisine au beurre. Les sociopathes font la cuisine à l’huile », professe-t-il en préparant – au beurre – un risotto aux cèpes et au madère.
Si Miss Marple n’avait pas été Anglaise, mais Ecossaise, si elle avait été plus jeune et passionnée de philosophie plutôt que de tricot, elle aurait aimé cette consœur qui, comme elle, s’appuie sur l’expérience des êtres. A Edimbourg la très policée, entre les galeries d’art, les salons de thé, les parcs, les belles et nobles maisons historiques, il y a place pour de passionnants mystères. Isabel est certes moins exubérante que la rousse Imogène, la pétulante héroïne d’Exbrayat évoquée plus haut, mais elle partage avec elle un même amour de la patrie et de la recherche de la vérité. Scotland the Brave !
Alain Sanders – Présent