L’organisation britannique de lutte contre l’extrémisme Quilliam a lancé une campagne contre les départs de jihadistes en zones de combat. Nom de code : #NotAnotherBrother (pas un autre frère), décliné sur un site, un compte Twitter et en vidéos sur YouTube.
Quilliam s’adresse en priorité à un public musulman. Dans sa vidéo, publiée mardi, un jeune homme, visiblement gravement blessé dans une zone de combat, lit une lettre écrite par son grand frère, plein de remords, à la voix étranglée de sanglots : «C’est pas moi qui avais dit qu’il fallait se battre pour ce en quoi on croit ? Quand j’ai dit se battre… pas comme ça.» Il s’excuse d’avoir involontairement contribué à sa radicalisation et l’implore : «Tu es mon héros depuis le jour où tu es né, alors, s’il te plaît, rentre à la maison.» Et le clip se termine par un appel : «Ne laissez pas vos mots transformer nos frères en armes.»
La vidéo, très sombre, a été réalisée par l’agence Verbalisation, après une opération de financement collaboratif, précise la fondation Quilliam dans un communiqué, qui présente son initiative comme un exemple de «contre-récit». Ces campagnes de contre-propagande se sont multipliées depuis un an.
Le Département d’Etat américain avait lancé à l’été 2014 «Repenses-y, détourne-toi» (#ThinkAgainTurnAway). Même dispositif : une présence sur les réseaux sociaux et des vidéos de présentation pour toucher un public connecté. La France aussi s’y est mise début 2015 avec Stop Djihadisme, un portail d’informations articulé autour de quatre axes (Comprendre, Agir, Décrypter, Se mobiliser), et promu là aussi par une série de vidéos.
Destinées à des jeunes qui manifestent l’envie de partir en zones de combat, elles présentent des idées reçues avant de les casser : «Ils te disent : “sacrifie-toi à nos côtés, tu défendras une juste cause”. En réalité, tu découvriras l’enfer sur terre et mourras loin de chez toi.» Une forme de vérification des faits, adaptée à la propagande jihadiste, dont les réalisations vidéo ont surpris par leur degré de perfectionnement.
«Pour opposer une parole officielle à la parole des jihadistes et ne pas leur laisser l’espace numérique», le Premier ministre Manuel Valls a annoncé au printemps que des «bataillons de community managers» («gestionnaires de communauté en ligne») seraient prochainement mis en place.
Le gouvernement compte sur le soutien des géants du Net, Google, Facebook et Twitter pour contester le monopole de la propagande aux jihadistes. Des réunions et ateliers ont été organisés pour les mettre en relation avec les acteurs de la société civile et choisir quels contenus promouvoir. Après la tentation de la censure – à laquelle la France a largement cédé –, la diffusion de contre-propagande devient l’outil privilégié des Etats et organisations pour lutter contre le jihadisme.