C’est officiel : Christine Lagarde va prendre la tête de la Banque Centrale Européenne, pour succéder à Mario Draghi. Deux-tiers des Français applaudissent cette nomination, qui vient, nous dit-on, donner une nouvelle fois une reconnaissance à la compétence de niveau international de certains de nos hauts fonctionnaires et dirigeants. Cela signifie que deux Français sur trois ont la mémoire bien courte…
Quelques commentateurs ont tenté de tempérer l’enthousiasme général, en rappelant qu’elle n’est « ni une experte en politique monétaire, ni une spécialiste des marchés financiers » (La Tribune). C’est le moins que l’on puisse dire. Jusqu’à présent, ce sont toujours d’anciens gouverneurs de banque centrale qui avaient été choisi. Les résultats n’étaient pas forcément très heureux, mais ils avaient à tout le moins le profil de l’emploi. En fait d’expérience, outre le FMI, Madame Lagarde devrait surtout se rappeler à notre bon souvenir par son expérience comme ministre des Finances à l’époque de Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2011. Un petit retour en arrière s’impose. En 2012, deux journalistes, Marianne Delattre et Emmanuel Levy, publiaient un essai ravageur, Un quinquennat à 500 milliards, pour rappeler que sous l’ère bienveillante de Lagarde et Sarkozy, la France avait battu les records d’endettement de son histoire. Durant cette période, la dette de la France a augmenté de 630 milliards d’euros, passant de 1 150 milliards à 1 780 milliards d’euros. La crise de 2008, en son temps, fut avancée comme explication commode, mais largement insuffisante. Les experts montrèrent que la crise de 2008, en abaissant les recettes et en grevant les dépenses, aurait alourdi la dette de 109 milliards d’euros. Mais le reste, pour la coquette somme de 520 milliards, restait entièrement de la responsabilité de Nicolas Sarkozy et de son brillant ministre. Ce triste bilan ne devait pas empêcher Madame Lagarde, au lendemain de sa nomination au FMI, à New-York, de fustiger avec un certain toupet l’endettement de la France et la gestion financière irresponsable de ses dirigeants. On ne le lui fait pas dire.
Mais les hauts faits d’arme de Christine Lagarde ne s’arrêtent pas là. Si sa compétence économique et financière laisse à désirer, nous ne sommes guère mieux servis sur le plan des symboles, de l’anthropologie et de la vision politique. Madame Lagarde est en effet aussi celle par laquelle la finance islamique s’est véritablement installée en France, et y a acquis droit de cité, dans une conception totalement dévoyée du libéralisme, chère à une partie de la droite dite gouvernementale. Le 3 novembre 2009, elle présidait à Bercy une grande conférence sur le thème « La finance islamique : quelles opportunités pour les entreprises françaises ? » A ses côtés, le Cheikh Abdullah Bin Bayyah, vice-président de l’Union internationale des savants musulmans, qui commença son intervention par une prière en arabe. Que n’eut-il prié en latin : nous aurions alors peut-être pu espérer une dénonciation publique de l’immixtion de l’intégrisme religieux dans la sphère publique. Une fois au FMI, Christine Lagarde devait récidiver, en multipliant les déclarations en faveur d’une finance inspirée par la charia, « facteur de stabilité » (sic).
Voilà donc le personnage auquel l’Union européenne vient de confier la lourde charge de veiller sur sa politique monétaire. Il y a de quoi être passablement inquiet, quand ni les compétences, ni le programme politique ne sont au rendez-vous.