« Quelle haine, quelle rage de la part des européistes. Merci, mes chers amis, de montrer votre vrai visage. Au lendemain du Brexit, j’avais fait une conférence de presse en disant aux Français : écoutez-les bien, regardez-les bien dans les jours qui viennent et vous verrez, alors, le vrai visage de l’Union européenne et de ses défenseurs. » C’est par ces paroles que Marine Le Pen s’adressait à ses collègues du Parlement européen mardi 5 juillet. Quelle haine, quelle rage, effectivement ! Le même jour, Daniel Cohn-Bendit, invité de la matinale de France Inter, n’y est pas allé par quatre chemins : « Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison », phrase qui pourrait devenir culte (à 6’30 mn) et n’est pas sans rappeler celle-ci : « Lorsque le peuple est roi, la populace est reine. » On la prête souvent à Talleyrand, mais elle serait de Rivarol, répondant à Mirabeau pour qui « la souveraineté ne pouvant être que dans la volonté générale, le peuple seul était roi ».
Cohn-Bendit, disciple d’Antoine Rivarol, le pamphlétaire royaliste, mort en exil à… Berlin en 1801 ? Je n’irai pas jusque-là, mais avouez qu’il y a des similitudes étranges. Rivarol était un esprit brillant, aimant fréquenter les salons, polémiste en diable, doté d’une facilité rare d’élocution. « Il avait de l’ambition sous un air de paresse », écrivait Sainte-Beuve à son propos. Ne pourrait-on pas, en effet, reprendre cette description pour notre Dany multinational ?
« Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison. » Par cette phrase, Daniel Cohn-Bendit, député européen durant 20 ans (de 1994 à 2014), défenseur inconditionnel de l’Union, en révèle ainsi le vrai visage : celle d’une construction hors-sol aux mains d’une élite apatride s’estimant au-dessus des peuples. La souveraineté résida, durant des siècles, en la personne du monarque. Puis vint le temps du peuple souverain. « La rue est son palais ; une borne son trône. Son sceptre est une torche ; un bonnet sa couronne », écrivait Rivarol. Cohn-Bendit le dit un peu différemment en évoquant les pires heures de notre histoire : « Quand un peuple vote pour l’extrême droite, quand un peuple vote pour le nazisme, il n’a pas raison. Même si c’est le peuple. »
Tout comme Rivarol (le style en moins), Cohn-Bendit n’a jamais fait dans la nuance, et enchaîner sur la faute du peuple britannique, après cette évocation du nazisme, il fallait quand même oser : « Et quand les Anglais savent qu’ils se sont trompés, le peuple anglais a voté à 52 % pour le Brexit, maintenant 10 à 20 % des Brexitiens, ils le regrettent. Donc, faisons attention avec ces arguments d’un Montebourg complètement crétin contre les peuples… »
Cohn-Bendit, les années et les kilos en plus, retrouve sa rage adolescente, non plus pour mettre à bas la société bourgeoise dont il a tant profité sa vie durant, mais pour défendre l’Union, cette sorte de cité aristocratique qui se vengerait à la fois des peuples et des monarques. C’est là, peut-être, que l’on arrêtera la comparaison, que d’aucuns trouveront incongrue, entre Dany le Rouge et Rivarol le Blanc.
Cohn-Bendit va même jusqu’à proposer des listes « transeuropéennes » dans un collège unique de l’Union européenne pour les prochaines élections européennes. Les peuples disent plus de nations ? Eh bien, Cohn-Bendit répond : plus d’Europe ! Il crachera sa dernière dent avec ce mot dans la bouche, peut-être à Berlin. Quelle haine, quelle rage !