La naissance en Suède, en octobre 2014, d’un enfant porté par une femme qui avait bénéficié d’une transplantation utérine, a éclairci l’horizon des patientes nées sans utérus (voire sans utérus fonctionnel) ou ayant dû subir l’ablation de cet organe en raison d’une maladie. Et cela, d’autant plus que, depuis, deux autres patientes de ce groupe de 9 femmes inclus dans un essai clinique ont donné naissance à un bébé en bonne santé, selon un récent communiqué de l’European Society for Human Reproduction and Embryology. L’Académie nationale de médecine a donc choisi de s’intéresser à cette nouvelle possibilité, à ses implications, pour la donneuse (vivante), la receveuse et l’enfant.
Après avoir rappelé les difficultés rencontrées par les différentes équipes ayant travaillé dans ce domaine, le rapport de l’Académie fait un état de la situation en France. Deux équipes se préparent à effectuer ce type de chirurgie. Celle de Limoges, menée par Tristan Gauthier et Pascal Pivert, teste les conditions dans lesquelles des utérus peuvent être prélevés chez des femmes en état de mort cérébrale, avec l’accord de l’Agence de la biomédecine (ABM). À l’hôpital Foch de Suresnes, l’autre équipe, animée par Jean-Marc Ayoubi et René Frydman, envisage le recours à des donneuses vivantes, l’utérus étant recueilli lors d’une hystérectomie pour une pathologie n’intéressant pas l’utérus, comme un prolapsus (une « descente d’organes ») ou un changement de sexe (une femme qui veut devenir un homme). Elle va déposer une demande de recherche expérimentale auprès de l’ABM et de l’Agence du médicament (ANSM).
Le rapport rappelle que le prélèvement sur donneuse décédée est plus facile à réaliser, mais que ce type de greffe n’a encore jamais permis de mener une grossesse à terme. La transplantation à partir de donneuses vivantes présente un certain nombre d’avantages. D’abord, il est possible de « sélectionner la donneuse et effectuer un bilan préopératoire complet, d’une part chez la donneuse à la recherche d’une pathologie pouvant interférer avec la grossesse telle une lésion précancéreuse du col utérin, d’autre part chez la receveuse à la recherche d’anomalies associées à l’absence d’utérus », susceptibles de compromettre le résultat. Autre avantage : le prélèvement et la greffe peuvent être programmés le même jour et dans le même lieu. En revanche, l’intervention est beaucoup plus longue et n’est pas dénuée de risques pour la donneuse. Quant à la receveuse, elle s’engage dans un long parcours médical et chirurgical sans garantie de succès.
L’Académie recommande donc que le programme de recherche soit strictement encadré, que les patientes concernées (donneuse et receveuse) soient bien informées et que toutes les données soient recueillies lors des recherches menées en France comme dans d’autres pays. Mais elle souligne qu’il existe une disproportion flagrante entre les demandes – une centaine d’utérus par an – et les possibilités. Même si la greffe d’utérus peut être considérée dans l’avenir comme une alternative à la gestation pour autrui (le recours à des mères porteuses), ce sera toujours pour un nombre très limité de femmes en mal de maternité.