Les idées fusent pour lutter contre la surpopulation carcérale. Dernière en date: la construction d’une prison française avec une entrée suisse!La surpopulation carcérale, c’est un casse-tête pour les cantons chargés de l’application des peines. Il n’y a que huit places pour 10 000 habitants, bien moins qu’autrefois. Pourquoi ne pas simplement construire de nouvelles prisons? La réponse est simple: ça coûte cher, très cher!
La solution viendra-t-elle de l’étranger? Le Genevois Pierre Maudet suggère de renvoyer les criminels dans leur pays d’origine, tandis que le Jurassien Charles Juillard propose de remplir les prisons limitrophes. Mais la palme de l’originalité revient à Pierre Kohler, le maire de Delémont (JU).
Coûts moins élevés
«Construisons une prison en France avec une porte en Suisse», propose l’ancien conseiller national. Quel est l’intérêt de placer des détenus suisses hors frontière? Il est financier. «Les coûts de construction et les salaires des matons sont moindres», indique le PDC Pierre Kohler. Président de la Conférence latine des chefs des Départements de justice et police, le ministre jurassien Charles Juillard apprécie le raisonnement de son collègue de parti, lui-même propose de placer les détenus romands dans les prisons allemandes. «Quand elle sera construite, je louerai des cases dans cette prison.»
Un long chemin
Musique d’avenir tout cela, alors que le temps presse. «Le chemin est encore long jusqu’à la conclusion d’un accord transfrontalier, c’est pourquoi ma préférence va à des prisons étrangères déjà construites», précise Charles Juillard, en relevant que les deux maires n’ont aucune compétence pour concrétiser leur idée. La force du projet de Pierre Kohler, c’est de reposer sur un terrain constructible, non loin de la douane routière de Boncourt-Delle, autre exemple de coopération transfrontalière avec ses bureaux juxtaposés. «La présence des gardes-frontière plaide en faveur d’une prison», soutient Pierre Kohler. Côté suisse, à Boncourt, l’horlogerie occupe le terrain, mais côté français, à Delle, rien ne se construit.
Indépendance préservée
A Belfort, ville jumelée avec Delémont, l’idée d’une prison binationale enthousiasme le maire Damien Meslot. «Cela aurait l’avantage de mutualiser les fonds», a-t-il déclaré. Qui portera ce dossier? Côté français, l’UMP Damien Meslot, sous sa casquette de député, approchera la ministre française de la Justice, Christiane Taubira. Son discours: «La garde se ferait sur un site, mais chacun garderait son indépendance en matière de justice et de peines.» Les deux régions ont un intérêt commun: le Territoire de Belfort doit remplacer une prison vétuste et surpeuplée, tandis que le canton du Jura devra construire une nouvelle prison. 16 places à Porrentruy et 14 projetées à Delémont, c’est trop peu. Qui défendra le dossier chez Simonetta Sommaruga? Le flop de son projet de placement dans les prisons allemandes a d’ores et déjà refroidi Charles Juillard…
Les coûts de construction pour la France, les frais d’exploitation pour la Suisse: c’est le raisonnement imaginé par Pierre Kohler. L’idée ayant été exprimée il y a une semaine à peine, tout reste à faire. «Ce qui était possible pour un aéroport le sera pour une prison», estiment Pierre Kohler et Damien Meslot, allusion faite à l’EuroAirport binational de Bâle-Mulhouse.
Mais Pierre Kohler veut déjà exporter son idée: pourquoi ne pas construire des prisons binationales au Locle (NE), à Vallorbe (GE) ou à Bardonnex (GE). Trop occupé hier, le conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet n’a pas eu le temps d’y penser, mais sa philosophie recoupe celle de Charles Juillard: toutes les idées sont les bienvenues, surtout si leur faisabilité est démontrée…
Les idées ne manquent pas
1. Construire des établissements coûteux: Vaud ouvrira 80 places dans la plaine de l’Orbe, le Jura projette une prison de 45 à 70 places évaluée à 50 millions.
2. Exporter des détenus dans le sud de l’Allemagne, où des places sont libres, plutôt qu’au Tessin, c’est l’idée du ministre jurassien Charles Juillard.
3. Reconduire des criminels dans leur pays d’origine, c’est possible avec le Maroc et bientôt le Kosovo, comme le souhaite le conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet.
4. Planifier un fichier national des places disponibles pour faciliter la répartition entre cantons, ça vaut une fois passés les interrogatoires en détention préventive.
5. Assouplir provisoirement la base légale limitant le nombre de détenus par cellule, c’est une perspective qui doit respecter les droits et la sécurité
des prisonniers.
EN CHIFFRES
390
En francs, le coût journalier de la détention ordinaire en Suisse.
120
En francs (98 euros), le coût journalier de la détention ordinaire en France.
720
Le nombre de places manquantes dans les prisons suisses (500 en Romandie).
593
Le nombre de places planifiées dans les cantons suisses (445 en Romandie).