On connaissait les « j’menfoutistes », voici les « toutestfoutuistes ». Depuis la dernière élection présidentielle, c’est un cercle qui recrute sec. Croissance exponentielle des adhérents. À côté d’eux, le prophète Philippilus fait figure de grand optimiste : « tout est foutu, on vous dit. » Ça, c’est le refrain. Vient ensuite le couplet démographique : que voulez vous faire contre la submersion migratoire ? Puis culturel : qu’est devenu notre terreau commun ? Puis spirituel : les chrétiens ne représentent plus rien ! Puis politique : le système est trop fort, Macron est trop fort… Puis historique : la chute de l’empire romain, ça ne vous rappelle rien ? Je m’arrête, il y en a près de 25, tous aussi gais. À les écouter, il n’y a plus qu’à se flinguer. D’ailleurs, on en a même fait un bouquin : Le Suicide français.
Mais contre la tentation du toutestfoutuisme, il y a le pèlerinage de Chartres. Plus de dix-mille pèlerins, partis de Notre-Dame de Paris et lancés sur les plaines de la Beauce, dont l’âge moyen est… 21 ans. Ils chantent, ils prient, ils rient, ils avancent, ils ont affreusement mal aux pieds, des coups de soleil sur le nez, et ne donneraient pas leur place pour un boulet de canon.
Allez donc leur dire, à eux, que tout est foutu, mort, plié, affaire classée, que la France, la chrétienté, allez, faut pas s’illusionner, c’est terminé. Vous allez voir comme ils vont vous recevoir.
Aucun des médias qui couvraient avec gourmandise « Nuit debout » ne s’intéresse à ces étudiants, ces lycéens, ces enfants-là. Ils sont la jeunesse invisible de la France bien élevée dont la presse n’a rien à cirer. Pas grave. ils savent bien, eux, que leur heure viendra.
Où est passée l’âme française ? se lamente-t-on souvent. Je crois, moi, qu’en ce week-end de Pentecôte, elle marchait, joyeuse, sur les routes de Chartres. Et qu’elle s’est mise à genoux, lorsqu’au loin, très loin, derrière les arbres, elle a aperçu pour la première fois les flèches de la cathédrale. Elle était belle à voir.
Gabrielle Culzel – Boulevard Voltaire