L’Assemblée nationale fonctionne au ralenti, mais on n’est jamais à la merci d’une surprise.
Et la surprise vient de Mme Cécile DUFLOT qui, le 10 mai dernier a fait enregistrer une proposition de loi « tendant à̀ la réparation des préjudices résultant de la traite et de l’esclavage colonial ».
L’ancienne ministre demande la mise en place, d’une part d’un comité́ de personnalités qualifiées chargées de déterminer le préjudice subi et d’examiner les conditions de réparation due au titre de la traite et de l’esclavage colonial et, d’autre part, la restitution à Haïti de la rançon payée à la France à partir de 1825.
L’argumentation de la députée parisienne repose sur l’argument suivant : la loi dite « Taubira », adoptée en 2001, a reconnu que la traite négrière et l’esclavage étaient (à juste titre) des crimes contre l’humanité, mais faisait l’impasse sur les réparations. Or, selon l’auteur de la proposition :
« Réparer les préjudices dus au titre des crimes reconnus en 2001, de l’esclavage et de la traite négrière, c’est remettre la justice au service des victimes, lorsqu’elle a été́ auparavant mise au service des bourreaux. »
Or, lors de l’abolition de l’esclavagisme en 1848 par le célèbre décret de Victor Schoeler (que Mme DUFLOT date de 1948 dans l’exposé des motifs), seules l’indemnisation des colons était prévue afin de les dédommager du préjudice que leur causait la fin du système esclavagiste :
« Ainsi en France et dans ses anciennes colonies, les réparations ont été́ faites en faveur des maitres et non des esclaves, et dans le cas d’Haïti les maîtres ont été indemnisés directement par leurs anciens esclaves. «
L’ancienne ministre de François Hollande fait du reste de son argumentaire un Panthéon des grandes voix qui se sont élevés pour l’indemnisation des esclaves où l’on croise aussi bien Cyril Charles Auguste Bissette, Félix Milliroux, Abraham Lincoln, Martin Luther King, Malcom X.
L’auteure de la proposition de loi mélange et confond tout: l’histoire des colonies françaises et la conquête de l’ouest américain, la guerre de Sécession et la guerre du Koweït, les réparations aux survivants de la Shoa et les dommages de guerre exigées 1919 par la France envers l’Allemagne, mettant sur un même pied d’égalité des évènements survenus aux XVIIIème et XIXème siècles comme ceux du XXème sans la regard de l’histoire des Droits de l’Homme.
Il s’agit là d’une démarche purement corporatiste qui n’aura pour effet que d’accentuer la fracture nationale en jetant d l’huile sur le feu en Métropole, mais surtout dans les outre-mers qui n’ont pas besoin de ça. En répondant favorablement à ce genre de revendications, nous enclenchons un processus incontrôlable : les descendants des travailleurs immigrés italiens ou espagnoles du début du XXème siècle, mais aussi les descendants des ouvriers agricoles (dont je fais parti) sont-ils en droit de réclamer réparation ? Les descendants des Chouans ne peuvent-ils pas exiger réparation de la République ? Les descendants des Cathares n’ont-ils pas droit à réparation ? Etc…
Et quels critères retenir ? La plupart des descendants de esclaves sont nés de métissage.
Puis-je être coupable d’un crime commis par mes aïeuls ? Je réponds par la négative. Les dommages de guerre auxquels Mme DUFLOT associe les dédommagements des esclaves, sont du par la génération à l’origine du conflit. Si non la France serait en droit de réclamer des dommages à l’Angleterre pour la Guerre de Cent Ans. On voit bien la limite du raisonnement.
Certes, la réparation participe à la justice, mais la priorité de la justice c’est d’assurer la paix. La reconnaissance comme crimes contre l’humanité de l’esclavagisme était fondamental pour assurer le devoir de mémoire.
Dans un monde où les Droits de l’Homme sont bafoués chaque jour, je pense qu’il y a d’autres combats.
N° 4641
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2017.
PROPOSITION DE LOI
tendant à la réparation des préjudices résultant de la traite et de l’esclavage colonial,
présentée par Mme Cécile DUFLOT, députée.
Article 1er
Il est institué un comité de personnalités qualifiées chargées de déterminer le préjudice subi et d’examiner les conditions de réparation due au titre des crimes contre l’humanité que sont la traite négrière et l’esclavage. Les compétences et les missions de ce comité seront fixées par décret en Conseil d’État.
Article 2
Il est institué un comité de personnalités qualifiées chargées d’évaluer les sommes dues par l’État français à Haïti au titre de la rançon de quatre-vingt-dix millions de francs or payée en 1825 par Haïti à la demande de la France et d’étudier les modalités possibles de restitution par l’État français de ces sommes à Haïti.
Lu sur La gauche m’a tuer