Après avoir été chanteur et pianiste en de nombreux piano-bars et cabarets pendant dix ans, Michel-Marie Zanotti-Sorkine est devenu le curé de la paroisse catholique Saint-Vincent-de-Paul, dite « Les Réformés », à Marseille sur la célèbre artère de La Canebière. Son ministère dans la cité phocéenne a été marqué par le retour en masse des fidèles, grâce en partie à son charisme, mais aussi à ses talents de prédicateur, de chanteur et d’écrivain. Le père Michel-Marie a baptisé plus de mille personnes en dix ans à Marseille, dont un grand nombre de musulmans. Aujourd’hui, il partage son temps entre le sanctuaire de Notre-Dame du Laus (Hautes-Alpes) où la Vierge serait apparue au XVIIe siècle, et Paris où il enregistre en ce moment un album de chansons qu’il a composées lui-même. Il a écrit pas moins de dix livres, et considère avec bienveillance le monde des médias, car il les estime indispensable pour annoncer l’Evangile.
Cependant, sa popularité lui a déjà joué des tours : le père Michel-Marie s’est vu refuser le poste de confesseur à la Chapelle de la Médaille Miraculeuse, rue du Bac, à Paris, pour engouement populaire. Serait-ce là le signe que l’Église catholique ne vise pas son développement ? Le père Michel-Marie livre en exclusivité à Vice sa vision d’une Église aux portes grandes-ouvertes, en harmonie avec notre époque, sans pour autant dénaturer la force de la doctrine chrétienne.
En prenant vos fonctions à l’église Saint-Vincent-de-Paul, « les Réformés », aviez-vous en tête un plan pour provoquer cet afflux de fréquentation sans précédent ?
Aucun plan. J’ai probablement agi par inspiration divine… Je veux le croire puisque rien de grand ne se fait sans que Dieu ne mette sa main. Cependant, j’étais convaincu qu’il fallait tout réorganiser en ce lieu qui ne réunissait plus qu’une petite communauté d’une cinquantaine de fidèles.
Avant de prendre mes fonctions, j’avais pris pour seule décision de me consacrer entièrement à ma mission sans m’accorder un seul jour de repos, car sans investissement passionné, sans concentration sur la mission confiée, il eût été impossible de redonner un nouvel élan à ce lieu agonisant. Les trois premières années, assisté de nombreux bénévoles aux cœurs généreux, j’ai travaillé, avec l’aide de Jésus et de Marie, bien sûr, à la renaissance du lieu : présence continue du prêtre, ouverture de cœur maximale pour comprendre les situations et les êtres, liturgies magnifiques, Messes du Dimanche somptueuses, pleines de foi et de beauté, prédications de feu, confessions tous les jours et prières inlassables adressées à la Vierge Marie. Cet agencement a suffi pour que la foule se presse et que les conversions abondent. J’allais oublier un point essentiel : très rapidement, j’ai consacré l’église à Marie, c’est dire je la lui ai donnée pour qu’elle en soit l’âme. Quand Marie est là, Jésus débarque ! Au Ciel, ils sont ensemble et depuis 2000 ans sur la terre et ils aiment à travailler l’un avec l’autre, cœur contre cœur.
Vous avez baptisé plus de mille personnes, parmi lesquels deux cent quatre-vingts adultes. Comment avez-vous fait ?
La méthode est simple, elle repose essentiellement sur l’amour offert à ceux qui se présentent, autrement dit en réservant un accueil inconditionnel à ceux qui se présentent… en éprouvant un profond respect pour chaque personne et en proposant une préparation soignée mais réduite dans le temps, car aujourd’hui, il me semble que l’on ne peut plus demander à notre monde en perpétuel mouvement de consacrer des années à la réception d’un sacrement. D’autant plus que la majorité des personnes vit dans un rythme effrayant et conduit une vie professionnelle et familiale stressante et donc éprouvante. Il est vraiment dommage que des exigences démesurées dans ce domaine (deux à trois ans selon les diocèses) découragent de nombreuses personnes jusqu’à renoncer à leur baptême. L’église n’est pas une administration, elle doit s’adapter à chaque personne, comme le Christ s’est adapté à chacun. Espérons que demain, les prêtres seront de plus en plus libres intérieurement et baptiseront à tour de cœurs ceux qui ont rencontré Jésus et qui désirent recevoir sa grâce.
Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous dans l’Église ?
Moi, qui ne suis pas complètement asservi à l’Evangile ! En vérité, il est difficile de répondre à votre question car toute généralisation conduit à des erreurs de jugement. Il me semble qu’il serait bon que l’église qui est en France s’affranchisse de tout esprit de système, se concentre sur la communication de la foi, manifeste l’amour de Jésus et de Marie pour chaque homme. Tout est là !
Comment réagissent les gens lorsqu’ils vous voient avec votre soutane ?
Extrêmement bien dans l’ensemble. Ma tenue ne génère jamais de haine. Ce qui est frappant, c’est que les plus marginaux de nos frères, en me voyant, ouvrent grand leur cœur. La soutane permet au prêtre d’être visible dans les rues, et ainsi tout homme, quelle que soit sa foi ou sa non foi, peut entrer en contact avec lui. Cette soutane offre aussi comme avantage d’être un signe anachronique au milieu du monde. Pourquoi se priver de cette originalité dans un monde saturé de conformisme ? En outre, c’est tout de même regrettable qu’il faille aller à un enterrement pour avoir un contact avec l’Église!
D’autres chrétiens attendent l’aide de leurs frères européens. La France en fait-elle assez pour venir en aide aux chrétiens d’Orient persécutés?
En matière d’amour, personne n’est au point, on n’en fait jamais assez. En ce qui concerne les chrétiens d’Orient, leur persécution passe sous silence. Le gouvernement reconnaît sans nul doute le carnage, mais ne veut pas le révéler par politique politicienne. Lorsque vingt-et-un coptes ont été décapités, le communiqué du gouvernement faisait état de vingt-et-un « égyptiens ». C’était inadmissible, car ces hommes sont morts au nom de leur foi chrétienne et non de leur nationalité.
Dernièrement, le président de la République a accepté d’accueillir un certain nombre de familles syriennes. Je m’en réjouis, c’est un premier pas, mais il faudrait aller plus loin. Il faudrait que chaque famille française catholique, qui en a les possibilités matérielles, accueille une famille syrienne. Ce serait l’idéal.
Actuellement, il y a 200 millions de chrétiens persécutés dans le monde. Je crains fort que ce chiffre ne fasse qu’augmenter. Que voulez-vous, quand la foi est profondément ancrée dans un cœur, et que la volonté de vivre selon les principes de l’Evangile irriguent un esprit, la persécution se lève immanquablement, c’est l’éternelle lutte entre la lumière et les ténèbres.
Craignez-vous les menaces proférées l’Etat islamique contre le Vatican ?
Pas du tout. L’Église ne craint rien, le Christ est avec elle. Mais si par impossible, ce péril approchait, on observerait alors une résurgence spirituelle, une croissance dans l’amour et la prière aux cœurs des chrétiens, et ce ne serait pas l’intérêt de Daesh ! La persécution des chrétiens fait naître la foi, et le sang des martyrs irrigue la société. Et puis, j’ai la certitude que la pensée de Jésus, « qui utilise l’épée, périt par l’épée », reste un principe indétrônable. Alors, avis aux amateurs !
De son côté, l’Occident doit cesser d’offrir des signes d’irrespect voire de mépris à l’égard des religions. Vous n’êtes pas sans savoir que la parution de Charlie Hebdo au lendemain des attentats a provoqué des massacres au Niger. Je remarque que souvent le monde musulman s’imagine que ce sont les chrétiens qui au nom de la liberté d’expression les offensent. Non, les disciples de Jésus, malgré leurs limites, font tout leur possible pour respecter les êtres. Quant à la liberté d’expression, elle ne peut pas être absolue, puisqu’en démocratie, il n’y a pas de pouvoir absolu !
Et l’islamisme tel qu’il a sévi contre les chrétiens au Kenya vous inquiète-t-il ?
Le massacre de Garissa m’a laissé sans voix, mais je l’ai vite reprise surtout dans ma prière pour demander à Dieu notre Père d’éclairer les barbares qui ont tué ces 150 pauvres étudiants avec une cruauté digne des nazis. Dieu doit pleurer dans le ciel en voyant ce que des hommes font en se réclamant de lui !
Que vous inspirent les projets d’attentats contre des églises qui ont été évités en France ?
Nous ne sommes qu’au début de nos malheurs. J’attends simplement que les autorités religieuses musulmanes condamnent sévèrement à la une des journaux et sur les plateaux de télévision les actes et les tentatives terroristes perpétrés par les prétendus défenseurs de l’islam, et qu’elles s’expriment avec force, et que cette déclaration soit affichée dans les quelques 2500 mosquées qui accueillent les 7 millions de musulmans présents en France.
En tant que prêtre, quelle est votre mission sur terre ?
Rappeler aux hommes que la vie éternelle existe. Tout homme, au moment de sa mort, qu’il soit chrétien, musulman, juif, ou même athée rencontre Jésus et découvre qu’il a été sauvé par Lui. Je le crois. Aujourd’hui, la majorité des gens se retrouve sans espérance, convaincu que la vie s’arrête à quatre-vingts ans ou quatre-vingt-dix ans. Ce qui génère un désespoir ambiant. L’église doit rappeler inlassablement que la mort n’est pas un mur mais une porte qui ouvre sur un bonheur infini.
Vous considérez-vous comme un prêtre moderne ?
Quelle horreur ! Je ne suis pas moderne, je suis actuel parce que j’entends servir un être éternel que l’on appelle Dieu, et s’il est éternel, il est actuel ! Je suis donc un prêtre au service de mon temps et qui a besoin de la pure lumière de l’Evangile. J’espère en donner un éclat.
Comment par la musique et après avoir fréquenter le monde de la nuit, êtes-vous arrivé à devenir prêtre ?
Ma vocation est née à l’âge de 8 ans et il m’a fallu beaucoup de temps – grâce à Dieu ! – pour la réaliser. Mes dix années passées dans les cabarets parisiens ont constitué une étape essentielle dans la marche vers le sacerdoce. Comment servir l’âme humaine si on ne la connaît pas dans sa beauté et ses combats. J’ai croisé en des lieux d’enfer des êtres lumineux, j’ai vu les amours se faire et se défaire, j’ai senti la foi palpiter dans des cœurs d’enfants prodigues ou de brebis égarées. Grâce à toutes ces rencontres, j’ai cessé de porter des jugements péremptoires, de partager l’humanité entre les purs et les impurs, et même entre les bons et les méchants. La pensée du Christ est plus subtile. Elle repose sur une connaissance approfondie de l’âme humaine qui ne cesse d’offrir mille complexités.
Si vous deviez résumer conceptuellement la raison de votre engagement, que diriez-vous ?
Les concepts ne sont pas ma tasse de thé. Je préfère le café fort des images ! Alors, je choisis le beau visage du Christ, avec ses longs cheveux, sa barbe taillée, ses yeux clairs souriant au monde et serrant contre lui pour les féliciter deux êtres qui s’aiment.
À quoi attribuez-vous l’accroissement du nombre d’athées en France ?
D’une manière générale, il me semble que les opposants à la foi le sont parce qu’ils ont l’impression que la religion, et donc que l’église, va leur imposer une manière de vivre. Les athées ne veulent pas mettre en péril leur liberté, et permettez-moi de penser qu’ils ont raison. Faisons découvrir la beauté de la foi à tous ces êtres apeurés par des systèmes de pensées qui peuvent sembler clos, et ces derniers découvriront alors que Dieu notre Père leur accorde une liberté totale pour conduire leur vie dès l’instant où ils adhèrent au commandement de l’amour révélé par son Fils.
Dans votre livre intitulé L’ Amour, une affaire sacrée, une sacrée affaire, vous mettez en garde les jeunes contre les rapports sexuels précoces. Ne craignez-vous pas qu’ils vous rient au nez ?
Tant pis pour leur réaction. S’ils acceptent de m’écouter, c’est déjà bien. Et je suis sûr qu’ils reconnaîtront dans mes propos mon désir de travailler à leur bonheur. Aujourd’hui, l’évidence est là : peu de personnes réussissent leur amour : que de ruptures, que de divorces, que de pleurs versés en raison d’amours meurtries. Sans compter, mais en comptant, les 280 000 avortements par an. Quel massacre ! Cela serait évitable, dès l’instant où l’on voudrait bien lier le don des corps, la beauté de l’étreinte, à un véritable attachement entre deux personnes. L’amour n’est pas un jeu, et ce n’est pas être moralisateur que de l’affirmer. Quand on a quinze ans, si l’on se jette dans les bras du premier ou de la première venue, on risque de vite déchanter. Et moi, je suis pour l’enchantement de la vie ! Je le répète : l’étreinte des corps sans attachement réciproque n’apporte pas grand-chose, si ce n’est un peu de plaisir immédiat, et souvent de la peine au cœur. On a tout donné à un être : son corps, ses baisers, on a atteint jusqu’à la nudité de l’autre et au petit matin, on se dit « bye-bye » pour ne jamais se revoir. C’est nul ! Je souhaite à tous les jeunes de vivre des amours plus denses qui font danser le cœur et pas que le corps !
Pensez-vous qu’un personnage comme Dominique Strauss Kahn cristallise ces dérives mieux que quiconque ?
Pas du tout. On a stigmatisé Monsieur Strauss Kahn, mais en vérité, il n’a exprimé que les faiblesses propres à l’être humain. Si Jésus était sur la terre, et que Monsieur Strauss Khan le rencontrait, ce dernier sentirait son amour, sa compréhension et son pardon. Et puisque j’y suis, permettez-moi de penser que si par impossible, Monsieur Strauss Khan venait me voir, je lui ouvrirais grand mes bras, et je lui dirais : « Enfant de la terre, tu as cru comme la majorité des hommes que la sexualité pouvait se vivre détacher de l’amour. Ce n’est pas la fin du monde. Mais tu vois où cela t’a conduit … » Et sur l’instant, j’en suis sûr, d’autant plus qu’il est juif et qu’il est donc dans son être orienté à savourer l’éternel, il retrouverait toute sa dignité et sa place au milieu d’une humanité qui n’est pas meilleure que lui.
Et les homosexuels qui veulent se marier, comment les recevez-vous ?
Comme des personnes qui ne méritent pas d’être rejetées en raison de leur choix. La légalisation des chemins particuliers me semble inutile. C’est encore faire preuve de conformisme que de vouloir marier tout le monde ! Que la société défende les droits de chacun, voilà son rôle, mais qu’elle fiche la paix à chacun en laissant chacun vivre sa vie dans sa lumière. Je suis convaincu que si Jean Cocteau et Jean Marais étaient là, ils tireraient à boulets rouges sur le mariage gay, qui est le summum du conventionnel.
En revanche l’amour entre deux êtres doit être enveloppé de respect. Il y a ce verset de l’épître de saint Jean qui indique la route à suivre : « Celui qui demeure en l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. » Laissons les êtres vivre comme ils peuvent vivre !
Quel est le contenu du disque que vous enregistrez aujourd’hui ?
Ce sont des chansons dont j’ai écrit les paroles et la musique. Elles ne sont pas à proprement parler religieuses, si ce n’est qu’elles exaltent la vie, qu’elles invitent à l’élan, à l’enthousiasme qu’elle exige en plaçant l’amour très haut, à la source du bonheur. J’espère que ce disque sortira l’automne prochain et qu’il donnera lieu à un spectacle d’abord parisien.
Un autre événement qui me tient très à cœur et dont je vous dis deux mots, c’est la sortie, le 13 Mai, d’un coffret édité par les Editions Artège contenant 130 homélies que j’ai prononcées ; 33 heures d’écoute qui, je l’espère, feront le plus grand bien aux âmes dans leurs maisons mais aussi dans leurs voitures !
C’est vous donc qui allez chanter ces chansons, et chanter sur scène en soutane ?
Eh oui, qu’est-ce que vous croyez ! Si je mettais mon sacerdoce dans ma poche, je ne serai plus digne ni du Christ, ni d’un public qui, j’en suis sûr, aime le vrai, l’authentique, et non le faussement racoleur. S’adapter, c’est se nier. Etre dans le vent, disait Gustave Thibon, c’est l’ambition d’une feuille morte, et ce n’est pas la mienne !
Puisque l’on parle « musique », je suis triste de constater l’engouement d’une certaine jeunesse pour le métal, la techno où la mélodie est absente, où le goût est abîmé. Et pourtant, la mélodie correspond très profondément à la sensibilité humaine. La preuve, c’est que dans une boîte de nuit, quand, à la fin de la soirée le DJ passe une chanson de Claude François ou de Dalida, eh bien tout le monde est content et se met à danser ! C’est la preuve que le monde n’est pas fini. Aujourd’hui, bien des clips sont agressifs ou présentent les impacts d’amours échouées. C’est ainsi, c’est notre temps dépressif et sinistre qui se décrit. J’espère, de mon côté, (mais je ne suis pas le seul !) apporter un peu de clarté à notre monde assombri.
Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de passer trop de temps avec les médias plus qu’avec les fidèles ?
Je leur réponds qu’ils ne connaissent pas ma vie. Je rentre de Bruxelles où je viens de prêcher et de donner une conférence à de nombreux fidèles, et je m’apprête dans huit jours à donner trois enseignements sur la Vierge Marie à six-cents fidèles qui se sont inscrits à ces trois rendez-vous.
Et puis, je dis à chacun de s’occuper de sa pomme et de ne pas outrager le parcours d’un homme qui avec ses limites et ses grâces essaie de rejoindre le plus grand nombre.
Que faites-vous de l’argent que vous gagnez avec vos livres et vos disques?
Je mange du maïs, de la salade et de la Vache qui rit. Je fais le plein de ma voiture. Je donne trop d’euros à la SNCF pour mes voyages apostoliques. Et avec l’argent que je n’ai pas encore, je rêve de projets non pas démentiels mais paradisiaques !
Dernière question : quelle est votre ambition aujourd’hui ? Devenir évêque, voire Pape ?
Ceux qui me connaissent savent que dans l’Eglise, je fais une anti-carrière. Mon unique ambition, c’est de servir Jésus et Marie tant bien que mal. Et puis permettez-moi de vous faire une petite confidence : mes couleurs préférées ne sont ni le violet, ni le blanc, mais le rouge, couleur de l’amour et du sang, et le bleu, couleur de Marie et des océans aux rivages infinis…