Par Alain Sanders
• Leon Morell : Le Ciel de la chapelle Sixtine
Ecrivain allemand, Leon Morell nourrit une passion pour l’Italie et l’art de la Renaissance. Et donc, à ce double titre, pour Michel-Ange. D’où ce beau – et gros – roman,Le Ciel de la chapelle Sixtine où, par-delà des personnages fictifs, les personnages historiques sont très présents. Michel-Ange, bien sûr, mais aussi Raphaël, Bramante, Jules II, la belle Imperia, le banquier Chigi.
En 1508, Aurelio, un jeune et très beau paysan, vient à Rome pour se mettre au service de son « idole », Michel-Ange. Ce dernier vient de se voir confier par Jules II la réalisation de la chapelle Sixtine. Ce qui ne le ravit qu’à moitié : rappelons qu’il se voulait avant tout sculpteur plutôt que peintre. Un cadeau fait à l’artiste ? Plutôt une sorte de piège tricoté par son rival Bramante, enfiévré par la jalousie. Des intrigues, des coups bas, des chausse-trappes et, au final, un chef-d’œuvre. Ce roman, un des tout premiers du genre, est un grand livre sur un homme exceptionnel et une époque qui ne l’était pas moins.
HC Editions.
• Yves Aubin : La Promesse de Mangalore
Yves Aubin a lui aussi deux passions : les Indes (comme on disait jadis) et l’Amérique du Nord. Elles sont toutes deux réunies dans un grand roman d’aventures : La Promesse de Mangalore.
Né à Pondichéry (alors terre française), Louis de Reynac n’aime pas les Anglais. En 1776 (il a tout juste vingt ans), il décide donc de partir pour l’Amérique et de se joindre aux Insurgents en guerre contre les Habits rouges.
Placé sous les ordres de Lafayette (on eut préféré qu’il le fût sous ceux de La Roüerie, mais bon…), il découvre la Virginie, la guerre et l’amour en la personne d’Ann Buckridge. Mais le père de cette dernière, partisan des Anglais, l’a fiancée au colonel Banastre Tarleton, une sorte de criminel de guerre (avant que la notion ne soit inventée). Comme Louis est français, on trouve utile de l’envoyer au Québec pour essayer de rallier les Franco-Canadiens jamais en retard pour tailler des croupières aux Godons.
Quand la petite histoire, celle d’un jeune homme plein de sève, rejoint la grande histoire, celle des Etats-Unis en gestation, ça donne ça : une passionnante et palpitante fresque historique.
Editions de Fallois.
• Claude Durand : Rue de Babylone
Prix Médicis pour La Nuit zoologique, Claude Durand est par ailleurs l’auteur (aux Editions de Fallois) de deux petits bijoux : Lilette (2012) et Le Pavillon des écrivains(2013).
Son dernier roman, Rue de Babylone, est une sotie (ces farces satiriques du Moyen Age) pour notre temps. L’inspiration de ce livre lui est venue d’un ouvrage d’Umberto Eco, La Langue parfaite. Dans cent mille ans (ou peut-être avant), nos déchets nucléaires, enfouis n’importe comment sinon n’importe où, mettront la planète en danger. Comment prévenir – et en quelle langue – nos malheureux successeurs ?
Rue de Babylone à Paris, un colloque réunit des experts internationaux pour essayer de trouver une solution. Toutes les suggestions – et même les plus loufoques – sont proposées et étudiées par des spécialistes. Ce qui n’empêche pas le narrateur (après tout, ce qui va se passer dans cent mille ans…) d’entretenir un commerce de lit avec une jeune interprète islandaise aussi volcanique que sa terre natale. Cette sotie est un divertissement (à tous les sens du mot). Mais aussi un implacable réquisitoire avec, ici et là, une descente en flammes du principe de précaution, caricatural quand il est poussé à l’extrême.
Editions de Fallois.
• Jean-Luc Gendry : J’aimais tous vos secrets
On doit à Jean-Luc Gendry des romans historiques se déroulant dans des périodes qui le passionnent : 1939-1945, IVe et Ve République, etc. J’aimais tous vos secrets raconte une croisière de dix jours sur le Night And Day qui fait escale dans les ports de la Méditerranée occidentale. A bord du bateau, deux cents grands patrons et cinquante conférenciers. The cream of the cream pour traiter des problèmes de l’heure.
A la dernière minute, la responsable de cette croisière brain storming, Delphine, accueille à bord Grégoire, un jeune passager qui arrive là un peu comme un cheveu sur la soupe. Grâce à Delphine, il va découvrir les choses derrière les choses, les secrets des décideurs (à savoir ceux qui, bien qu’on ne le leur demande pas, décident pour nous…).
A part quelques personnages fictifs, tous les participants à cette croisière apparaissent sous leurs vrais patronymes. Si bien qu’au sortir de ce livre, on ne sait pas vraiment si on a lu un roman ou un récit ancré dans la réalité. Laquelle réalité, on le sait, dépasse souvent la fiction… Une vraie réussite littéraire.
Editions de Fallois