En juin, la première école pour les réfugiés ouvrira à Paris. Elle permettra aux demandeurs d’asile et aux réfugiés de décrocher, après 16 semaines de cours, le Diplôme d’études en Langue Française (DELF). Rencontre avec Jennifer Leblond, une des trois co-fondatrices. Elles sont trois, aux compétences complémentaires. Héloïse Nio, Judith Aquien et Jennifer Leblond s’associent pour lancer Thot, une école de langue française diplômante à destination des migrants non diplômés. Thot, comme Transmettre un HOrizon à Tous mais aussi comme le nom du dieu du savoir en Égypte. Car les trois jeunes femmes ont bien compris que savoir parler français, c’est la clé de l’intégration des migrants dans la vie sociale et économique. Mais les cours de qualité sont réservés à ceux qui ont des diplômes ou de l’argent…
Des professeurs expérimentés et rémunérés
Pour financer leur projet d’école, qui devrait ouvrir ses portes en juin, elles mènent une campagne de crowdfunding sur Ulule. « Le premier objectif de 22 500€, qui permettra d’ouvrir une classe de dix élèves, a été rempli hier, explique Jennifer Leblond. Mais dans l’idéal, nous avons besoin de 75 000€ pour donner une formation diplômante à cinq classes de dix personnes. »
Le salaire des professeurs pèse pour 90% dans le budget total. « Expérimentés, ceux que nous avons recrutés sont tous diplômés de Master Français Langue Etrangère et parlent chacun une langue native des réfugiés (arabe, farsi…). »
Leur enseignement devrait permettre à chaque élève de décrocher un diplôme d’études en langue française (DELF), reconnu par l’Etat mais aussi valable à l’international.
Des soutiens de poids
Deux médias tournés vers l’actualité internationale, TV5MONDE et RFI, ont déjà apporté leur soutien à Thot. Ils formeront gratuitement les professeurs et mettront à leur disposition leurs outils audiovisuels. L’espace de coworking et de fabrication ICI Montreuil prêtera de son côté ses locaux pour les cours d’une classe.
Mais l’équipe de Thot a besoin d’autres lieux pour faire vivre son programme pédagogique. « Il y a en revanche deux impératifs, précise Jennifer Leblond. La gratuité (zéro budget !) et la stabilité (une classe doit pouvoir y faire tout le programme, 10h hebdomadaires pendant 16 semaines). » Si vous connaissez un lieu susceptible de les intéresser, vous savez ce qu’il vous reste à faire : contacter le trio de choc !
L’école a déjà un prestigieux parrain : l’artiste Abd Al Malik, pour qui « la maîtrise linguistique est la clé d’autonomie de chacun ».
Autre partenaire important pour Thot, SINGA assurera l’accompagnement social des élèves quand il sera nécessaire, partagera avec eux son réseau et sa connaissance de l’interculturalité, mais il jouera aussi un rôle de prescripteur en adressant des élèves à l’école.
Un trio de choc féminin
Héloïse Nio et Judith Aquien se rencontrent à la Maison des Réfugiés, installée dans le lycée Jean-Quarré, occupé pendant plusieurs mois en 2015. Elles ont toutes les deux envie de se rendre utiles, et face au besoin vital des migrants d’apprendre le français, dans la vie quotidienne et pour leurs démarches administratives, elles donnent leurs premiers cours.
Après l’évacuation du lieu, elles décident d’agir : les associations sont débordées, et leur enseignement du français, inadapté. Elles imaginent alors un véritable enseignement d’école, avec un diplôme à la clé. « La réponse qu’on apporte est toute autre, poursuit Jennifer, même s’il ne s’agit pas de jeter la pierre aux associations mais plutôt de compléter leur offre. »
Jennifer Leblond découvre le duo sur l’opération de simulation de tsunami Caribe Wave, dont nous vous avions déjà parlé. Judith y assurait le storytelling et la création de contenus ; Héloïse, le calcul et la transmission radio. Jennifer faisait, elle, le lien avec la communauté et animait les réseaux sociaux. « Au départ, elles m’ont surtout parlé de leur projet de campagne de crowdfunding parce qu’elles savaient que c’était un peu ma spécialité. Et de fil en aiguille, c’est devenu une évidence que je les rejoigne. »
Très impliquée dans l’écosystème numérique, grande connaisseuse de l’économie collaborative, Jennifer Leblond a toujours été bénévole dans diverses associations. « J’ai toujours voulu que les migrants aient les mêmes chances que les autres, raconte-t-elle. Et j’étais persuadée que ce n’était pas en les laissant sous les ponts qu’on allait régler les choses. » Avec Thot, elle franchit un pas pour donner un sens supplémentaire à son travail. Un alignement.
Sur Thot, le trio de choc se répartit bien les rôles : Judith assure la communication et les partenariats, Héloïse, la réflexion pédagogique, et Jennifer, la campagne de crowdfunding et le lien avec la communauté. Il vous reste 24 jours pour rejoindre les 474 contributeurs qui ont déjà été conquis par le projet sur Ulule.