Née en 1915, très tôt orpheline, Ingrid Bergman est élevée par sa tante puis par son oncle. C’est en 1934, pendant ses études à l’Académie royale d’art dramatique de Stockholm, qu’elle fait ses débuts au cinéma, dans Munkbrogreven d’Edvin Adolphson et Sigurd Wallén. Elle s’éloigne alors du théâtre pour tourner six films sous la direction du metteur en scène suédois Gustaf Molander, dont Intermezzo en 1936, qui la fait remarquer du puissant producteur américain David O. Selznick. L’actrice est déjà très populaire dans son pays grâce à son charme sans apprêt et sa spontanéité, mais ce film lance sa carrière internationale et lui ouvre les portes d’Hollywood. En effet, Selznick rachète les droits du film et offre à Ingrid Bergman le rôle principal dans le remake qui sera tourné en 1939 aux États-Unis par Gregory Ratoff.
Ingrid Bergman, c’est la star hollywoodienne par excellence, mais aussi une femme aux vies multiples, qui incarna avec vérité certaines figures marquantes du cinéma moderne.
En novembre 1939, Ingrid Bergman quitte l’Europe qui vient d’entrer en guerre et rejoint Hollywood. Sous contrat avec Selznick International Pictures (mais elle tournera aussi pour d’autres majors hollywoodiennes), l’actrice commence une carrière prestigieuse. Elle tourne avec les plus grands metteurs en scène des années 1940, Victor Fleming ( Docteur Jekyll et Mister HydeJeanne d’Arc (1948) ou George Cukor (Hantise (1943). Pour Michael Curtiz, elle est l’inoubliable séductrice d’Humphrey Bogart dans Casablanca (1942). Ce rôle la propulse au firmament d’Hollywood. Dans cette première période américaine, Alfred Hitchcock va lui donner quelques-uns de ses plus beaux rôles, dans La Maison du Docteur Edwardes (1944), Les Enchaînés (1945), ou Les Amants du capricorne (1948). L’actrice y atteint une sorte de quintessence par son jeu subtil et dépouillé, et par la lumière intérieure qui affleure sur son visage. Par ailleurs, à l’encontre des usages de l’époque à Hollywood, Ingrid Bergman a refusé de se transformer pour correspondre aux canons des grandes productions américaines. Elle sera ainsi la première actrice ” naturelle ” d’Hollywood, qui ne changera pas son nom et jouera presque sans maquillage.
À New York, Ingrid Bergman a vu Rome ville ouverte (1945) et Païsa (1946) de Roberto Rossellini et découvert avec ces films une nouvelle façon de faire du cinéma. Fin 1948, lassée d’Hollywood qui, lui semble-t-il, ne peut plus rien lui apporter, Ingrid Bergman écrit une lettre au cinéaste italien pour lui faire part de son désir de travailler avec lui. En 1949, elle le rejoint en Italie pour le tournage de Stromboli. Leur rencontre sera aussi un coup de foudre amoureux. L’actrice ne cache pas sa liaison. Ce qui apparaît comme une fuite scandaleuse (Ingrid Bergman n’est pas divorcée et laisse derrière elle sa petite fille Pia, tandis que Rossellini est marié de son côté) déclenche aux États-Unis de violentes attaques de la part de groupements religieux, d’associations féminines et même de politiciens.
Le film sera interdit pour ” atteinte à la morale ” dans certains états. L’actrice adorée de l’Amérique sera bannie du cinéma américain pendant sept ans. Ingrid Bergman va tourner six films sous la direction de Roberto Rossellini : parmi ceux-ci, Europe 51 (1951), où elle incarne une femme déchirée tentant d’atteindre un idéal de pureté, Voyage en Italie (1953), sur la désagrégation d’un couple, film qui représente, notamment pour la Nouvelle Vague française, une oeuvre charnière du cinéma moderne. Avec Jeanne au bûcher (1954), captation de l’oratorio dramatique de Paul Claudel, Bergman renoue avec la figure de Jeanne d’Arc, la sainte extatique déjà incarnée dans le film de Victor Fleming en 1948. L’actrice avait une véritable obsession pour ce personnage, qu’elle interprétera plusieurs fois au théâtre. Son jeu très construit s’accommode des méthodes de tournage de Rossellini qui travaille sans scénario prédéterminé, et même sans synopsis. Le cinéaste lui permet de révéler encore un peu plus la vérité de son visage, en lui faisant traverser par la fiction des épreuves moralement éprouvantes. En 1955, Ingrid Bergman quitte l’Italie pour tourner à Paris Elena et les hommes sous la direction de Jean Renoir, puis Anastasia d’Anatole Litvak à Londres, qui lui vaut l’Oscar de la meilleure actrice en 1957. Finalement séparée de Rossellini, elle tourne à Londres une comédie romantique flamboyante de Stanley Donen, Indiscret, aux côtés de Cary Grant qu’elle retrouve douze ans après Les Enchaînés.
L’année 1957 marque le retour d’Ingrid Bergman aux États-Unis. L’actrice autrefois vilipendée retrouve son rang de star internationale. Elle accompagnera la fin du cinéma classique hollywoodien, tout en poursuivant intensivement une carrière théâtrale et télévisuelle. Pour L’Auberge du sixième bonheur de Mark Robson (1958), elle incarne à nouveau, avec une grande puissance expressive, une figure de femme à l’humanité héroïque. En 1960, elle retrouve Anatole Litvak pour Aimez-vous Brahms ? d’après le roman de Françoise Sagan. Dans Le Crime de l’Orient-Express de Sidney Lumet d’après Agatha Christie, elle joue en 1974, au milieu d’une pléiade d’acteurs prestigieux, le rôle d’une missionnaire suédoise. Elle tourne dans le dernier film réalisé par Vincente Minnelli, A Matter of Time (1975), excellant dans le rôle d’une vieille comtesse déchue et déraisonnable, aux côtés de Liza Minnelli.
La filmographie d’Ingrid Bergman se conclut par un retour en Suède. Dans Sonate d’automne, son compatriote Ingmar Bergman lui offre le rôle d’une pianiste de renommée internationale revenant en Norvège après une longue absence pour revoir sa fille (Liv Ullmann) qu’elle a délaissée pour se consacrer à sa carrière. Les deux femmes s’affrontent en une longue nuit d’insomnie. Pour Ingrid Bergman, déjà atteinte du cancer qui l’emportera, ce rôle dramatique a des résonnances intimes profondes. L’actrice succombe le 29 août 1982, le jour même de ses soixante-sept ans. Ses cendres sont dispersées sur la côte suédoise, près de l’île de Danholmen, qui fut souvent sa résidence d’été.