Par Yvan Blot
La nouvelle Russie n’est pas l’Union soviétique et il faut vraiment être de mauvaise foi pour ne pas l’admettre.
Après une période de profonde décadence, la fin de l’Union soviétique et la présidence Eltsine, La Russie connait une période de redressement politique, militaire, démographique, économique, culturelle et religieuse qui lui assure à nouveau un rang mondial.
Face à une société occidentale qui connait des processus de décadence culturelle et morale, la Russie apparait aujourd’hui comme le recours pour la défense des valeurs conservatrices et chrétiennes. Les Chrétiens d’Orient, notamment, ne voient de salut que dans l’action diplomatique russe.
Selon Aristote, tout phénomène humain doit être analysé en fonction de ses quatre causes, matérielle, formelle, motrice et finale. Pour un pays, la cause matérielle de son existence, sa « terre » comme dit Heidegger, est naturellement l’économie et ce qui lui est liée, le territoire, la technologie. On fera le point sur le redressement économique étonnant de la Russie où en dix ans, le niveau de vie fut multiplié par deux.
La cause formelle concerne les normes qui s’appliquent à la société, donc la politique et la force militaire qui y est liée. De Gaulle disait que la colonne vertébrale de l’Etat était l’armée. En effet, lorsqu’une armée est battue de façon totale comme ce fut le cas de l’Allemagne, l’Etat qui lui est lié disparait. Nous sommes ici dans le domaine de la souveraineté. Politique intérieure, politique étrangère, forces armées, tout est lié.
La cause motrice, ce sont les hommes. Le nombre des hommes est la première donnée : c’est la démographie, la croissance naturelle, les mouvements migratoires. Mais l’homme est « par nature un être de culture » comme disait l’anthropologue Arnold Gehlen, et il faut donc étudier le milieu culturel du pays, et notamment son éducation.
Enfin, la cause finale est ce qui permet de donner un sens à la vie, ce qui conduit à prendre en compte la religion et les valeurs transcendantes.
Commençons par la cause formelle, la vie politique et ses conséquences sur la politique étrangère et l’armée.
La politique en Russie.
Le démembrement
Le 8 décembre 1991, le président russe Boris Eltsine et se homologues d’Ukraine et de Biélorussie signent l’acte de décès de l’URSS. Le 25 décembre, Mikhaïl Gorbatchev démissionne et le drapeau rouge est retiré du Kremlin. Les 15 républiques qui composaient l’URSS prennent leur indépendance et la nouvelle Russie regroupe environ 150 millions d’habitants contre 260 à l’URSS. Les Etats-Unis deviennent de fait la seule super puissance. En 2005, Poutine dira que cette disparition de l’URSS est la plus grande catastrophe géopolitique du 20ème siècle. C’est le point de vue d’un patriote russe car désormais, des millions de Russes sont séparés de la mère-patrie, parfois avec un statut de citoyen de seconde zone comme aux Pays Baltes. Les Russes de ces pays sont plus d’un million. Il y en a presque autant en Moldavie, où une partie a fait sécession (la Transnistrie). En Biélorussie, tout le monde est bilingue et la Biélorussie est étroitement alliée à la Russie dans le cadre de l’Union douanière. En Ukraine, il y a des millions de russes et russophones. La région dite russophone de l’Ukraine compte 23 millions d’habitants sur 45. Mais la plupart des Ukrainiens parlent et comprennent le russe. Plus à l’est, il y a environ 5 millions de russes au Kazakhstan (sur 16 millions d’habitants). Il y en a 500 000 au Kirghizistan sur 5 millions d’habitants. Pour le grand dissident Alexandre Soljenitsyne, décoré par Poutine, la « vraie Russie » est composée de quatre Etats : la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine et le Kazakhstan.
La présidence Eltsine et l’effondrement économique
Elle se caractérise par une volonté de copier le modèle libéral occidental. En 1993 une nouvelle constitution est adoptée après le conflit entre Eltsine et le parlement. De 1990 à 1998, le Pib chute de moitié. En 1998, il y a une grande crise financière.
L’arrivée de l’officier Poutine
Le président Poutine est élu en 2000. Le redressement du pays va alors commencer. Poutine est élu deux fois président. Le mandat est de six ans depuis 2008 ; Après une présidence de Dimitri Medvedev, Poutine est réélu en 2012.
Il dispose d’une majorité importante à la Douma (parlement) : 238 sièges pour Russie Unie (les ours), alors que le parti communiste a 92 sièges, Russie juste (centre gauche) 64 sièges et le parti libéral démocrate de Jirinovski (droite nationaliste) 56 sièges.
La Russie bénéficie depuis l’arrivée de Poutine d’une grande stabilité politique. Cette stabilité a permis la continuité de la politique, notamment en politique étrangère et en politique de défense.
Les Occidentaux et notamment les Américains ont montré une grande hostilité à Poutine dont ils auraient voulu empêcher l’élection. Des actions d’agitation financées par les USA ont été menées lors de la campagne électorale mais sans succès réel. Que signifie Poutine politiquement et pourquoi certains dirigeants occidentaux lui sont-ils hostiles ?
Vladimir Poutine est un officier, un militaire comme le fut de Gaulle. Lorsque vous entrez dans l’Armée, c’est rarement par goût du lucre. Cela le différencie profondément des oligarques qui régnaient du temps d’Eltsine. Les USA sont hostiles à Poutine pour les mêmes raisons qui les rendirent hostiles à de Gaulle : ils ressentent comme des adversaires tous les patriotes non manipulables ni achetables. Poutine fut un officier du renseignement : mais en URSS le renseignement faisait partie de l’armée comme la DGSE en France. Disons que c’était l’élite intellectuelle généraliste de l’armée. Beaucoup d’anciens officiers de ce type jouent un rôle dans les rouages de l’Etat russe. Dans la tradition occidentale, les officiers ont souvent joué un rôle important, notamment dans les périodes tragiques : Franco en Espagne, De Gaulle en France et même Eisenhower aux Etats-Unis ont donné l’exemple de grands chefs d’Etat issus de l’armée. « Honneur et patrie, valeur et discipline » telle est la devise de la marine française. Cette devise est celle de tous les officiers du monde. On notera que ces officiers ont joué un rôle important dans la résistance aux dictatures fascistes ce qui ne fut jamais le cas, par exemple, des milieux bancaires ou de la majorité des parlementaires. La résistance allemande contre Hitler fut incarnée par le colonel Claus von Stauffenberg. Franco a certes dirigé un état autoritaire mais il a sauvé deux fois l’Espagne du totalitarisme, la première fois dans la guerre civile en empêchant la prise du pouvoir communiste, la deuxième fois en résistant à Hitler qui voulait l’utiliser contre les alliés. En France, des officiers comme le général de Gaulle ou l’amiral Thierry d’Argenlieu ont été parmi les premiers résistants. Politiciens et hommes d’argent ne furent pas le socle de la résistance au nazisme. Ils ne figurent pas non plus en général, parmi ceux qui résistent contre la colonisation de nos pays européens par l‘étranger, qu’il s’agisse de l’immigration incontrôlée ou des ingérences américaines.
Poutine, défenseur des valeurs chrétiennes
Poutine est aussi profondément chrétien, donc il aggrave son cas pour les dirigeants séculiers occidentaux. Il considère que sa mission à la tête de la Russie est de défendre « les valeurs chrétiennes et conservatrices » : voici un extrait de son discours au forum de Valdaï le 19 septembre 2013 : « un autre défi important pour l’identité de la Russie est lié aux évènements qui ont lieu dans le monde. Cela concerne les politiques étrangères et les valeurs morales. Nous pouvons voir comment beaucoup de pays euro-atlantiques sont en train de rejeter leurs racines, dont les valeurs chrétiennes qui constituent la base de la civilisation occidentale. Ils sont en train de renier les principes moraux et leur identité traditionnelle : nationale, culturelle, religieuse et même sexuelle. Ils mettent en place des politiques qui mettent à égalité des familles nombreuses avec des familles homoparentales ; la foi en Dieu est égale à la foi en Satan. Cet excès de politiquement correct a conduit à ce que des personnes parlent sérieusement d’enregistrer des partis politiques dont l’objectif est de promouvoir la pédophilie.[1] Dans beaucoup de pays européens, les gens sont embarrassés pour parler de leur religion. Les vacances d’origine religieuses sont abolies ou appelées différemment ; leur essence est cachée tout comme leur fondement moral. Et les gens essaient agressivement d’exporter ce modèle à travers le monde. Je suis convaincu que cela ouvre un chemin direct à la dégradation et au primitivisme, aboutissant à une profonde crise démographique et morale.
Quoi d’autre que la perte de la capacité à se reproduire pourrait être le meilleur témoignage de cette crise morale ? Aujourd4hui, presque toutes les nations développées ne sont plus capables de se reproduire par elle-même, même avec l’aide des flux migratoires. Sans les valeurs présentes dans la chrétienté et dans les autres religions du monde, sans les standards moraux qui se sont formés durant des millénaires, les gens perdront inévitablement leur dignité humaine. Nous considérons cela naturel et juste de défendre ces valeurs. On doit respecter le droit de chaque minorité à être différente mais les droits de la majorité ne doivent pas être remis en question. Dans le même temps, nous voyons des tentatives pour relancer le modèle standardisé d’un monde unipolaire et pour brouiller les institutions de la loi internationale et de souveraineté nationale. Un tel monde unipolaire standardisé n’a pas besoin d’Etats souverains : il a besoin de vassaux. Historiquement, cela représente un rejet de sa propre identité et de la diversité mondiale. La Russie est d’accord avec ceux qui croient que les décisions clés doivent être prises collectivement plutôt que dans l’ombre pour servir les intérêts de certains pays ou groupes de pays ».
L’impérialisme américain justifié par M. Brzezinski
Cette déclaration du président Poutine est en écho avec ce qu’a écrit en 2002 M. Zbigniew Bzezinski dans son livre « Le grand échiquier ».
On peut se demander pourquoi la presse occidentale est-elle si hostile à Poutine alors que des dictatures bien réelles comme l’Arabie Saoudite ou le Qatar font l’objet d’une grande bienveillance de la part des « défenseurs des droits de l’homme ». La réponse est sans doute dans l’ouvrage de Brzezinski. Quand on veut connaitre le programme de domination du monde d’Hitler, on lit « Mein Kampf ». Quand on veut lire, le programme de domination du monde des dirigeants américains (à ne pas confondre avec le peuple souvent isolationniste), on lit Bzrezinski !
Selon celui-ci, (page XIV Introduction ; Bzrezinski, the Grand Chessboard, basic books, 1997) : « il est impératif qu’aucun concurrent n’émerge, capable de dominer l’Eurasie, et de concurrencer l’Amérique ». En effet, Bzrezinski pense que « qui contrôle l’Eurasie contrôle le monde » : l’Eurasie comprend plus de 4 milliards d’habitants contre 380 millions pour l’Amérique du nord et son PNB fait 34 000 billions de dollars contre 8 pour l’Amérique du nord. L’angoisse des responsables américains est qu’un bloc uni eurasien se forme surtout par une alliance entre l’Europe et la Russie. Car alors, ils pourraient perdre le leadership mondial. Donc pour l’auteur, « la politique étrangère américaine doit employer son influence en Eurasie pour créer un équilibre stable, avec les USA comme arbitre. »
Dans sa conclusion, Bzrezinski dit que l’alternative à la domination mondiale américaine est l’anarchie et donc que l’Amérique est la nation indispensable ! En page 198, il écrit que « La priorité est de gérer la montée de puissances régionales de telle façon qu’elles ne puissent menacer l’hégémonie amércaine (..) il faut utiliser a manipulation pour empêcher l’émergence d’une coalition hostile qui pourrait menacer la primauté américaine (.. ) la tâche immédiate est de s’assurer qu’aucun Etat ou aucune coalition d’Etats soit capable d’expulser les USA de l’Eurasie ou de diminuer sa puissance supérieure d’arbitrage ».
« Il est vital que l’Amérique travaille avec la France et l’Allemagne pour faire une Europe viable liée aux USA ».
En page 202 Bzrezinski va jusqu’à écrire que l’élite russe ne doit pas chercher à reconquérir un statut de puissance mondiale pour la Russie et il ajoute qu’il faudrait diviser la Russie en trois : Russie européenne, Sibérie et Extrême Orient afin d’éviter « toute mobilisation impériale des Russes » (sic)
Il compte en outre sur l’Ukraine et sur l’Ouzbekistan pour être des verrous face à la Russie au sud !
Dans le même esprit, il souhaite que la Turquie adhère à l’Union européenne et crée une zone panturque avec l’Asie centrale face à la Russie !
Ce programme explique pourquoi tout est fait pour discréditer le président actuel de la Russie dans les medias occidentaux (voir mon livre : l’Europe colonisée éditions Apopsix 2014).
La politique étrangère de la Russie
Elle repose sur quelques grands principes qui sont la charte de l’ONU et la souveraineté des Etats, ce qui n’est pas compatible avec un droit d’ingérence permanent de l’Occident sur les Etats tiers. Par ailleurs, la Russie cherche à développer l’Union douanière devant devenir l’Union eurasienne avec la Biélorussie, le Kazakhstan, l’Ukraine (qui n’est qu’observateur) et plus tard le Kirghizistan ou l’Arménie. C’est l’équivalent à l’est de l’Union européenne. La Russie souhaite aussi un rapprochement avec l’Europe occidentale.
L’armée
Celle-ci a été très affaiblie à l’époque d’Eltsine. Aujourd’hui, elle reçoit des crédits budgétaires accrus. D’après le monde du 4 février 2014, les USA dépensent 582 milliards de dollars pour leur armée. La Chine est deuxième avec 139 milliards. La Russie est troisième avec 69 milliards et a dépassé le Royaume Uni, quatrième avec 59 milliards. Le Japon est 5ème ( 56 milliards) et la France 6ème (53 milliards). L’Inde et l’Allemagne suivent. Mais les budgets américains, japonais, français et allemands diminuent. Dès 2015, les budgets cumulés et en forte croissance de la Russie et de la Chine vont dépasser les budgets de l’Union européenne. Les budgets des Etats arabes, notamment l’Arabie saoudite, sont aussi en forte croissance.
Les puissances nucléaires autorisées par le Traité de non-prolifération nucléaire sont la Russie, numéro 1 avec 11 000 têtes dont 2427 actives puis les USA avec 8500 têtes dont 2150 actives puis la France avec 300 têtes dont 290 actives. Le 4ème est le Royaume Uni (225 têtes dont 160 actives) et la Chine avec 240 têtes
En effectifs, la Russie est 4ème derrière la Chine, l’Inde et les USA ;
Outre cet aspect matériel, la Russie a rétabli les régiments de cosaques et les écoles de cadets gratuites. L’enseignement patriotique et militaire supprimé en 1991 ; Le 1er septembre un défilé militaire a lieu dans chaque école en présence des anciens combattants. Un organisme Rospatriotisme a été créé en 2012 pour développer les valeurs patriotiques.
Pendant ce temps en France, on a supprimé en 2006 le service militaire (créé en 1798 : cinq ans) ; 60 % des Français voudrait son rétablissement.
La Russie attache de l’importance à la formation civique et militaire des citoyens, ce qui est différent du monde occidental très attaché au matérialisme.
L’économie est aussi en croissance forte et sera traitée par mon ami Denis Pluvinage.
La cause motrice d’Aristote : les hommes
La démographie russe a été en berne après la chute de l’URSS et la population a reculé de 150 à 143 millions d’habitants. Mais depuis trois ans, la tendance s’est inversée et on est à 143, 5 millions d’habitants. Le Président Poutine a développé une politique familiale importante
La politique pro-familiale du gouvernement russe
Une politique familiale pour sauver l’avenir donc comprendre des aspects matériels mais aussi des aspects symboliques. Le pays qui semble avoir fait le plus grand effort en Europe est la fédération de Russie. D’après l’agence de presse Ria Novosti, « 3.240 femmes russes ont déjà déposé des demandes de ce que l’on appelle le «capital maternité» attribué pour la naissance d’un deuxième enfant et plus. La loi est entrée en vigueur cette année. Pour ce qui est de l’importance de la prime à la naissance du deuxième enfant, (soit 7 700 euros indexés sur l’inflation) la Russie est désormais en tête du hit parade mondial. Mais cette mobilisation démographique décrétée par l’Etat élèvera-t-elle la maternité au rang de mode ?
L’aspect symbolique est important. En Occident, où la famille n’est pas particulièrement honorée, s’est répandue la pratique de la gay pride, fête de la fierté homosexuelle. Il n’y a pas de fête pour les familles hétérosexuelle ou ayant beaucoup d’enfants. Les premières gay pride ont eu lieu à New York et à Londres en 1970. En Russie 77% de la population est pour l’interdiction de cette fête qui fait étalage de « moeurs non traditionnelles ». Les maires russes interdisent ces défilés. En outre, une loi récente interdit la propagande homosexuelle auprès des mineurs. La cour européenne des droits de l’homme a condamné la Russie le 21 octobre 2010 pour l’interdiction des gays prides à Moscou de 2006 à 2008. A saint Petersbourg, la gay pride autorisée par le maire le 4 juillet 2012 a été interdite le lendemain suite aux protestations de la population.
La Russie a par contre institué une nouvelle fête le 8 juillet, la « fête de la famille, de l’amour et de la fidélité. Cette fête est présentée comme une alternative à la Saint Valentin considérée comme occidentale et commerciale. Au Japon la saint valentin a été introduite par les fabricants de chocolat !
La fête russe est une fête d’Etat avec un comité présidé par madame Medvedev, qui distribue des décorations. Toutefois, elle est placée sous le patronage des Saints orthodoxes Piotr et Fevronia dont l’icône est placée dans les lieux officiels lors des remises de décorations aux couples fidèles. Un fonds des initiatives socio culturelles qui soutient cette fête a aussi lancé une campagne « Offre moi la vie » contre l’avortement. Il s’agit de combattre dans les mentalités l’attitude « childfree » (libre d’enfants c’est-à-dire sans enfants). Childfree est un terme né aux USA qui s’oppose à childless (sans enfants) pour marquer la liberté de choix de ne pas avoir d’enfants, liberté que l’on tente de valoriser moralement. 30% de femmes disent qu’elles ne veulent pas d’enfants en Occident. Ce chiffre serait moitié moindre en Russie.
Le 12 juin, fête nationale a été déclaré fête des bébés patriotes et les femmes qui ont accouché ce jour-là ont reçu de certains gouverneurs un réfrigérateur ou un 4/4 !
La politique russe donne des résultats et la chute démographique s’est arrêtée depuis trois ans. Comme le précise « la voix de la Russie », « depuis ces cinq dernières années, le nombre global des enfants nés en Russie a augmenté d’un quart. Le directeur du département de démographie de l’université de Moscou Anatoli Antonov explique : « du point de vue de la science, la famille idéale se compose de quatre enfants. Son institut compare la Russie et l’Occident et il note que l’infécondité volontaire est plus rare en Russie qu’en Allemagne, en Scandinavie, en France ou en Grande Bretagne. « Dans ces pays l’attitude envers l’infécondité volontaire est bienveillante ».
La population russe a atteint son plus faible point en 2008 avec 142 742 000 habitants contre 143 213 000 en 2012. Le taux de natalité est passé de 8,27 naissances pour 1000 habitants à 13,3 en 2012. De 1990 à 2006 le taux d’avortement est passé de 3,4 à 1,2 par femme. De 2005 à 20010 l’espérance de vie a augmenté de quatre ans pour atteindre 69 ans pour les hommes. En 2012 la natalité a augmenté de 7% et la mortalité a baissé de 2%.
On est donc en Russie dans un contexte financier mais aussi moral très différent de celui de l’Occident. Récemment, le président Poutine a évoqué devant la Douma le suicide des Etats-Unis, de la Hollande de la Grande Bretagne et de la France en précisant qu’en Russie les minorités devaient s’adapter à la culture russe et que la notion de discrimination est mal venue en l’espèce.
L’éducation
La quantité des hommes importe mais aussi la qualité : l’éducation et la formation sont des choses importantes. Dans ce domaine, l’Union soviétique était assez efficace ; le taux d’alphabétisation est de 100% ; l’enseignement préscolaire, élémentaire général et secondaire professionnel est gratuit. Les régions établissent les programmes et le financement.
Dans l’enseignement supérieur, les dépenses publiques ont chuté de 36% de 1991 à 1996. Mais le nombre d’établissements est passé de 519 établissements accueillant 2,7 millions en 1993 à 1039 établissements (dont 384 privés) accueillant 5,9 millions d’étudiants ( 700 000 dans le privé) en 2004
En 2001, Poutine en a fait une priorité. La Russie dispose d’une main d’œuvre qualifiée de très haut niveau ce qui est important pour l’économie. La culture générale, élevée à l’époque soviétique, semble toutefois décliner.
Religions et valeurs transcendantes*
L’exemple russe
La société russe a connu un période d’anomie (absence de normes) au moment de l’effondrement de l’URSS. La morale socialiste n’avait plus cours. Les Russes voulaient emprunter ce qui leur paraissait bon en Occident (technique, économie, droit) mais ne voulaient pas en importer les vices (délinquance, matérialisme, égoïsme effréné). Les dirigeants se tournèrent vers l’Eglise orthodoxe, gardienne des traditions millénaires de la culture russe, pour chercher une troisième voie. L’Occident a du mal a comprendre cette démarche car il raisonne de façon binaire : si vous ne copiez pas l’Occident, c’est que vous êtes restés communistes !
Le patriarche de Moscou et de toute la Russie Cyrille II a déclaré dans son livre « l’Evangile et la liberté[2] que la laïcité de l’Etat n’excluait pas une présence religieuses dans la sphère civile (notion de laïcité positive chez le Président Sarkozy) : « aujourd’hui, la recherche d’une nouvelle forme de présence de la religion dans la sphère publique est entravée, non plus par l’ennemi d’antan, l’athéisme d’Etat mais par le libéralisme humaniste militant souvent soutenu par des structures nationales et internationales. Malheureusement, ses principaux commandements sont les droits de l’homme interprétés de façon unilatérale. » Le patriarche approuve les droits de l’homme comme libertés fondamentales mais ne peut tolérer qu’ils aboutissent à éliminer la morale ou à exclure toute personne non politiquement correcte. Il cite l’exemple de l’Italien Rocco Buttiglione qui a eu le malheur de dire à titre personnel mais public que l’homosexualité était pour lui un péché : il a été éliminé de la commission européenne. Le patriarche conclut : « ainsi, l’humanisme libéral se transforme en une sorte de religion qui ne tolère pas de désaccord et le punit même ». Dans le document de l’Eglise orthodoxe russe « la doctrine sociale », il est écrit : « le principe de laïcité d’un Etat ne doit pas être interprété comme une exclusion radicale de la religion de toutes les sphères de la vie du peuple. Ce principe suppose simplement la séparation précise des domaines de compétence de l’Eglise et de l’autorité et leur non-ingérence mutuelle. L’Eglise proposede définir un système de collaboration entre elle et l’Etat qui supposerait la réalisation de projets communs dans les domaines suivants : l’action pour la paix, la préservation de l’éthique sociale, l’éducation et la formation spirituelle, culturelle, éthique et citoyenne ; la bienfaisance et la charité, le développement des programmes sociaux communs, la conservation la restauration et le développement du patrimoine historique et culturel ; le dialogue avec l’Etat pour les questions concernant l’Eglise et la société y compris pour l’élaboration des lois, ; la pastorale de l’armée et de la police et leur formation spirituelle et éthique ; la prévention des crimes et la pastorale des personnes détenues ; la science, la santé, la culture et l’art ; le travail des medias ; la protection de l’environnement ; l’activité économique pour le bien de l’Eglise, de la société et de l’Etat ; le soutien de la famille, de la maternité et des enfants ; la prévention à l’égard des structures pseudo religieuses qui présentent une menace our la personne et pour la société.
Le patriarche précise que l’Eglise peut élever sa voix contre des phénomènes dangereux comme l’avortement, les drogues, l’alcoolisme, le clonage, la propagande de l’homosexualité et du libertinage sexuel. Il pense que ces problèmes avec le temps peuvent susciter la destruction de la personne et de la société. Cela dit, l’Eglise n’a pas à s’impliquer dans les mouvements politiques.
On voit que la société russe s’est engagée dans une direction différente de la notre. Alors que le gouvernement français assure la promotion du mariage entre homosexuel et réduit les allocations familiales, le gouvernement russe, assisté de l’Eglise, assure des primes de 7700 euros à la naissance du 2ème enfant, offre des cadeaux aux parents de « bébés patriotes » nés le jour de la fête nationale et interdit la propagande homosexuelle auprès des mineurs. Le président Poutine a mis en garde la Russie contre l’autodestruction de la société en France, en Angleterre, aux USA et en Hollande notamment où l’identité nationale est menacée par l’immigration de minorités qui ne s’intègrent pas et réclament des droits spécifiques.
L’Eglise relaie l’Etat dans la défense de l’identité nationale mais l’Etat coopère avec l’Eglise par exemple en construisant des églises dans les casernes ou les aéroports.
[1] Un parti pro pédophile a été créé en 2006 aux Pays Bas, le parti de la charité, de la liberté et de la diversité. Il a gagné un procès contre une association de protection de l’enfance qui voulait l’interdire. 80% de néerlandais voudraient l’interdire mais on ne fait pas de référendums au Pays Bas !
[2] Cyrille II ; l’Evangile et la Liberté ; les valeurs de la tradition dans la société laïque », Cerf, 2006
[3] La même idée est développée sous le nom de « laïcité positive » par Nicolas Sarkozy dans son livre « La République, les Religions, l’Espérance », Cerf, 2004
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Extraits de la doctrine sociale de l’Eglise orthodoxe russe
« Aujourd’hui, la recherche d’une nouvelle forme de présence de la religion dans la sphère publique est entravée non plus par l’ennemi d’antan, l’athéisme d’Etat, mais par le libéralisme humaniste militant, souvent soutenu par des structures nationales et internationales. Malheureusement, ses principaux commandements sont les « droits de l’homme » interprétés de façon unilatérale. Dans la « Doctrine sociale », nous avons clairement affirmé que l’Eglise orthodoxe russe ne s’oppose aucunement aux droits de l’homme, mais au contraire, les considère comme un acquis primordial dans le domaine politique et culturel, parce qu’ils sont fondés sur « l’enseignement scripturaire au sujet de l’homme comme image et ressemblance de Dieu, comme un être ontologiquement libre. » Toutefois, il ne faut pas nier que « dans la conception contemporaine humaniste et séculière des droits des citoyens, l’homme est traité non pas comme image de Dieu mais comme sujet autosuffisant et autonome. » (…)
« Ainsi, l’humanisme libéral se transforme en une sorte de religion qui ne tolère pas de désaccord et même le punit. C’est cette prétention à l’universalité de l’humanisme libéral qui ne peut être tolérée par l’Eglise.
L’Eglise russe n’appelle pas à une nouvelle vague d’étatisation des Eglises chrétiennes. Nous ne comptons aucunement substituer le projet universaliste de l’humanisme libéral par notre vision chrétienne par des moyens étatiques. Au contraire, notre Eglise souligne que l’Etat ne peut prétendre à aucune valeur absolue puisqu’il est passager. La Doctrine sociale stipule que l’absolutisation de toute idéologie est une idolâtrie. Les chrétiens y sont amenés involontairement lorsque les normes existantes les obligent à se soumettre à un système des valeurs qui va à l’encontre de leur foi. Si l’Etat exige des chrétiens qu’ils reconnaissent des valeurs ou accomplissent des actions qui contredisent les commandements du Christ, l’Eglise a le droit d’appeler ses membres à la désobéissance civile. En introduisant cette affirmation dans la Doctrine sociale, notre Eglise n’a rien apporté de nouveau. Elle n’a fait que traduire dans la langue moderne l’exploit accompli par des multitudes de martyrs qui, sans inciter à des révoltes, ont humblement mais fermement, souffert pour leur foi. »
« En même temps, notre Eglise a souligné dans la Doctrine sociale que le principe de la laïcité est un élément important du système politique contemporain, parce qu’il garantit l’autonomie aussi bien de l’Etat que des organisations religieuses. Mais le document insiste sur la façon dont il doit être compris : « le principe de laïcité d’un l’Etat ne doit pas être interprété comme une exclusion radicale de la religion de toutes les sphères de la vie du peuple[3] : ce principe suppose simplement la séparation précise des domaines de compétence de l’Eglise et de l’autorité, et leur non-ingérence mutuelle » (Doctrine sociale III, 1). L’Eglise propose de définir un système de collaboration entre elle et l’Etat qui supposerait la réalisation de projets communs dans les domaines suivants :
– l’action pour la paix sur les plans, international, interethnique et national, la contribution à une meilleure compréhension et une collaboration plus étroite entre les hommes, les peuples et les pays ;
– la préservation de l’éthique sociale ;
– l’éducation et la formation spirituelle, culturelle, éthique et civique ;
– la bienfaisance et la charité, le développement des programmes sociaux communs ;
– la conservation, la restauration et le développement du patrimoine historique et culturel, y compris la préservation des monuments ;
– le dialogue avec les organes de l’autorité étatique pour les questions concernant l’Eglise et la société, y compris pour l’élaboration des lois, des actes législatifs et des décisions relevant de ce domaine ;
– la pastorale de l’armée et de la police ; leur formation spirituelle et éthique ;
– la prévention des crimes et la pastorale des personnes détenues ;
– la science ;
– la santé ;
– la culture et l’art ;
– le travail des médias civils et ecclésiaux ;
– la protection de l’environnement ;
– l’activité économique pour le bien de l’Eglise, de la société et de l’Etat ;
– le soutien de la famille, de la maternité et des enfants ;
– la prévention à l’égard de l’activité de structures pseudo-religieuses qui présentent une menace pour la personne humaine et la société.
Au sujet de ces activités, la « Doctrine sociale dit ceci (…) : « Tout en respectant le choix de pensée des non-croyants et leur droit d’influer sur les processus sociaux, l’Eglise ne peut en même temps évaluer positivement une organisation qui reconnaîtrait comme unique centre, la personne humaine atteinte par le péché. Pour cette raison, laissant ouverte la possibilité de collaborer avec les non-croyants, l’Eglise cherche à affirmer les valeurs chrétiennes dans le processus de prise de décisions sociales importantes aussi bien au plan national qu’au plan international ». (Doctrine sociale, XVI, 4).