Faits non divers / Le Japonais cannibale !« Si j’avais eu un congélateur, vous ne m’auriez pas retrouvé. “

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« Si j’avais eu un congélateur, vous ne m’auriez pas retrouvé. »

Voilà ce qu’avait dit Issei Sagawa aux policiers venus le cueillir dans son appartement du XVIe arrondissement de Paris en juin 1981. Il n’aura pas eu à regretter bien longtemps ses économies d’appareil électroménager. De fait, malgré l’atrocité d’un crime dont il a toujours reconnu être l’auteur, l’homme n’a fait qu’un rapide passage entre les murs des prisons françaises. Un an après avoir assassiné et dévoré une de ses camarades de promo à l’université de la Sorbonne, il est extradé vers le Japon. Trois ans plus tard, il est libre. Il vit aujourd’hui dans la banlieue de Tokyo, seul, sans contrôle judiciaire ni suivi médical. Voici l’invraisemblable histoire du « cannibale japonais ».

A la veille de l’été 1981, Issei Sagawa n’est encore qu’un étudiant étranger venu, comme tant d’autres, faire reluire son cursus universitaire sur les bancs mythiques de la Sorbonne. Il a 32 ans, vient d’une famille très riche de Kobe, au Japon, est un élève brillant. Il a aussi un fantasme étrange, qui le poursuit depuis l’enfance : il rêve de manger une femme. Victime d’une encéphalite à l’âge de 2 ans, il en a conservé un physique chétif et disgracieux : 1,50 m pour seulement 35 kg, une tête étrangement imposante pour son corps de garçonnet. Complexé par son apparence et par ses pulsions secrètes, il est très renfermé et ne se lie pas avec ses camarades.
Excepté avec une jeune Néerlandaise de 24 ans qui suit les mêmes cours de littérature comparée que lui.

Renée Hartevelt est l’opposée d’Issei Sagawa : belle, grande, solaire et chaleureuse. Elle se prend d’affection pour le timide Japonais et accepte de passer du temps avec lui. L’occasion rêvée pour Issei de mettre enfin à exécution ses pulsions cannibales. Il invite la belle Renée à venir lire chez lui des poèmes allemands. Alors qu’elle est assise au bureau de l’appartement cossu, récitant d’une voix calme les vers de Johannes Becher, le Japonais lui tire dessus avec une carabine. Elle meurt sur le coup.

Déclaré irresponsable

Issei, bien décidé à immortaliser son crime, a pris la peine d’enregistrer la scène avec un magnétophone. Sur la bande que les policiers saisissent lors de son arrestation, on entend la voix douce de la jeune femme qui lit les mots d’un des plus beaux textes de l’expressionnisme allemand. Un seul coup de feu, puis le silence. Le cannibale assouvit alors son fantasme. Il mort dans la fesse du corps sans vie, tente d’atteindre la chair avec ses dents mais n’y parvient pas. Il arrache un petit morceau de viande avec ses doigts et l’avale, cru. Il mange sa langue, un morceau de sa bouche et le bout de son nez. Il viole le cadavre de sa victime et prélève ensuite près de 7 kg de chair. Une partie qu’il consomme immédiatement en la cuisinant, le reste étant stocké en petits paquets qu’il garde dans son réfrigérateur pour les manger plus tard. Pendant tout ce temps, il prend une série de photos où il se met en scène en train d’avaler de la chair humaine.
Il faut bien, cependant, se débarrasser des restes de la jeune fille qu’il ne peut pas garder chez lui. Il achète donc deux valises en carton bouilli qu’il remplit du corps débité en morceaux et entreprend d’aller les cacher au bois de Boulogne. C’est ce qui le perdra.
Repéré par un couple d’amoureux intrigués par cet étrange petit Asiatique traînant deux lourdes valises dans un chariot de supermarché, ils l’interpellent. Issei Sagawa prend alors la fuite en abandonnant son chargement morbide derrière lui. Les enquêteurs ne tardent pas à retrouver sa trace, grâce au chauffeur de taxi qui l’a conduit de son domicile au bois de Boulogne. Arrêté, il ne nie pas les faits, mais explique que son dévorant désir n’est que le prolongement de son amour des femmes.

Ne dit-on d’ailleurs pas « belle à croquer » ? se justifie le cannibale. Emprisonné pendant un an à la Santé, où il lit Crime et châtiment, il est déclaré irresponsable pénalement par les trois experts psychiatres chargés de l’examiner. Jean-Louis Bruguière, magistrat chargé de l’instruction du dossier, suit l’avis des médecins et prononce un non-lieu. Ne pouvant être jugé, Issei Sagawa est donc envoyé dans une unité pour malades dangereux de l’hôpital de Villejuif. Son riche industriel de père lui paie un avocat français de première classe en la personne de Me Philippe Lemaire. Le ténor du barreau plaide finement l’injustice financière que représente l’internement du « cannibale japonais » pour la bourse des contribuables français. Dont acte : son client est renvoyé sur son île natale.

Mais au pays du Soleil-Levant, l’obligation de soins psychiatriques n’existe pas, et, après un passage éclair en institution, Issei Sagawa est libéré le 13 août 1985, soit quatre ans après son crime et sans jugement.

Livres, recettes, films pornographiques

Pris en charge par une famille ravagée par la folie dont il a fait montre, le petit cannibale continue à vivre entouré de ses parents et de son cadet. Il ne fait pas profil bas pour autant. Exempté de suivi psychiatrique, il devient une célébrité dans son pays, où on le surnomme l’« étudiant français ». Tirant profit de son sordide quart d’heure de gloire, Issei Sagawa fait fructifier la curiosité malsaine qui l’entoure. Avec succès, car c’est finalement à lui que le crime profite le plus. En vingt-cinq ans, il publie une quinzaine de livres aussi subtilement intitulés que J’aimerais être mangé ou Ceux que j’ai envie de tuer. Il vit aussi des recettes des nombreux produits « artistiques » dérivés de son meurtre anthropophage : peintures de femmes nues, publicités pour des restaurants de viande, films pornographiques, chroniques dans des magazines spécialisés, etc.
Le cannibale se revendique en tant que tel et veut rester la bête de foire qu’il est devenue. Il se livre donc volontiers à l’exercice de l’entretien, où il donne complaisamment tous les détails du meurtre de Renée Hartevelt, et son propre cheminement intellectuel et affectif avant et après son passage à l’acte.
« Bien sûr, je regrette », lâche-t-il du bout des lèvres et l’air froidement détaché à une équipe de télévision française venue prendre de ses nouvelles en 2008. Pour autant, il avoue sans réserve que ses pulsions cannibales ne l’ont pas quitté, qu’il a toujours envie de manger les jolies filles, « surtout l’été, parce qu’elles portent moins de vêtements », même s’il préfère désormais les Japonaises aux Européennes. Docile, il accepte même de se faire conduire chez un expert psychiatre sous l’œil de la caméra. Après une petite discussion, l’expert livre son diagnostic : « C’est un psychopathe. » Un malade mental qui devrait être soigné, mais qui balade son spleen d’ogre chétif dans les rues de Tokyo, où il vit seul depuis la mort de ses parents.
L’an dernier, il confessait à un magazine japonais qu’il rêvait de manger une dernière fois de la chair humaine avant de mourir. « Si je peux aller jusqu’au bout de ça, je n’éprouverai aucun désarroi à être guillotiné ou pendu, peu importe », concluait-il.

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