Le Conseil constitutionnel n’est pas une institution téméraire mais il a le mérite, de temps en temps, de remettre l’État à sa juste place. Vendredi 6 avril, les sages ont rendu une décision venant abroger certaines dispositions législatives relatives à l’expropriation qui bafouaient le droit de propriété privé.
Des dispositions spoliatrices
Le Conseil constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Ces dispositions déterminent les règles de droit commun relatives à la prise de possession à la suite d’une expropriation pour cause d’utilité publique. Ainsi, l’article L. 15-1 permet à l’autorité expropriante de prendre possession des biens qui ont fait l’objet de l’expropriation dans le délai d’un mois soit du paiement ou de la consignation de l’indemnité, soit de l’acceptation ou de la validation de l’offre d’un local de remplacement.
L’article L. 15-2 indique quant à lui que, lorsque le jugement fixant les indemnités d’expropriation est frappé d’appel, l’expropriant peut prendre possession des biens moyennant le versement d’une indemnité au moins égale aux propositions qu’il a faites et consignation du surplus de celle fixée par le juge.
L’exigence constitutionnelle du respect de la propriété privée
En d’autres termes, les pouvoirs publics avaient la possibilité d’exproprier un propriétaire privé, et de prendre possession de ses biens, y compris avant un appel éventuel, moyennant le versement d’une indemnité égale aux propositions qu’il avait faites et inférieure à celle fixée par le juge de première instance. Le problème est que l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen vient garantir le respect de la propriété privée par les pouvoirs publics. Celui-ci énonce que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».
La conséquence est que le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel ces dispositions relatives à l’expropriation au motif qu’elles méconnaissaient l’exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
Un grand nombre de questions prioritaires de constitutionnalité ont pour fondement la Déclaration libérale de 1789. Le Conseil constitutionnel, conscient du pouvoir que lui octroie cette Déclaration, a décidé, en 1971, de l’inclure dans le « bloc de constitutionnalité ». Dès lors, il se sert de celle-ci à l’appui de ces décisions. Nombre d’entre elles concernent le droit de propriété que l’État est venu contrarier. Il faut bien reconnaître qu’en ce domaine, le Conseil constitutionnel a fait œuvre utile, tant il garantit la propriété des personnes privés contre la toute puissance des pouvoirs publics. La décision QPC du 6 avril est en une preuve supplémentaire.