Par Charles Chaleyat
Beaucoup de gens savent que pour y être nommé, il faut être candidat à l’Académie Française et de ce fait rendre visite aux Académiciens afin de solliciter leurs votes mais peu savent qu’un de ses sièges est par privilège et en reconnaissance du Cardinal de Richelieu, fondateur de l’auguste assemblée, offert à l’Eglise de France qui y place qui elle souhaite (Bossuet, Lacordaire, jadis). Parmi les écclésiastiques qui firent honneur à cette institution s’est distingué le RP Carré, qui succéda au cardinal Daniélou en 1975 et auquel succédera René Girard.
Né en 1908, le RP Carré appartenait à l’ordre des Dominicains (communauté de La Tour-Maubourg). Ecrivain, il entre dans la Résistance (où il se trouve aux côté de Pierre Messmer et Roland Dumas) et sauve nombre de personnes persécutées ce qui lui vaut La Légion d’Honneur et la Croix de Guerre à la libération.
Confesseur du monde artistique comme aumônier de l’Union Catholique du théâtre et de la Musique, il côtoie Maurice Chevalier, Louis de Funès, Jean Cocteau, Ionesco et bien d’autres…
A la demande de SS Paul V, il donne des exercices spirituels au Vatican et prêche souvent en France, sur France culture mais aussi à Rouen (commémoration de la mort de Jeanne d’Arc). Grand prédicateur il a écrit aussi nombre d’ouvrages sur la foi catholique. Une place de Paris lui a été dédiée en 2011 à l’unanimité du Conseil de Paris.
Toute sa vie – si bellement remplie – s’est écoulée dans le souvenir de l’expérience mystique qu’il connut dans sa jeunesse. C’est ce que raconte le Père dans ses écrits qui frappe le plus les esprits.
“Un soir dans la petite pièce qui me servait de chambre, je ressentis avec une force incroyable, ne laissant place à aucun hésitation, que j’étais aimé de Dieu et que la vie /… /là devant moi était un don merveilleux. Suffoqué de bonheur, je suis tombé à genoux”.
Il avait quatorze ans et fut marqué pour la vie.
Un lancinant regret et un perpétuel appel afin de la revivre l’accompagna toujours ; appel accompagné de tristesse, d’un sentiment d’échec, et de récriminations contre ce Dieu silencieux. Nous, croyants modernes, ne nous contentons jamais de ce que le Ciel nous envoie.
Mais, comme il le reconnut à la fin de sa vie, le Père se rendit compte que cette expérience l’avait protégé et qu’il n’avait pas besoin de plus que cultiver modestement la grâce de sa jeunesse. Ce n’est pas Dieu qui l’a plongé dans l’incertitude mais son ambition excessive. Le souvenir de la grâce passée peut être une nouvelle grâce…
Celui qui avait sur son bureau un gros panneau, de dix centimètres, avec écrit en gros caractères sa devise : « Souviens-toi d’aimer », repose depuis 2004 au cimetière Montparnasse.