https://youtu.be/cYR_0ANLz4A
Le danseur russe prodige Sergeï Polunin est interdit d’opéra de Paris pour délit d’opinion. Dans la post-démocratie macronienne, le culturellement correct est bien pire que la pudibonderie bourgeoise du XIXe !
Le danseur russe Sergeï Polunin vient de se voir signifier une interdiction de séjour à l’Opéra de National de Paris où il était invité à interpréter le rôle de Siegfried dans Le Lac des Cygnes. Les causes invoquées dans la presse pour cette rupture sont des propos homophobes et des propos grossophobes (sic) tenus par lui sur différents médias et réseaux sociaux. Circonstance aggravante, il serait un admirateur de Vladimir Poutine.
Ce jeune danseur (29 ans) d’origine ukrainienne, récemment naturalisé russe, est présenté par les médias comme un mauvais garçon, le bad boy de la danse classique. Seulement, il y a des limites à l’expression d’une “mauvaise vie”. Le XIXe siècle avait sa pudibonderie bourgeoise, les temps modernes ont inventé, pour la remplacer, le culturellement correct. Il y a de nouveaux tabous dont la transgression entraîne la mort sociale du coupable, même dans un monde artistique qui se veut souvent transgressif. La condamnation est sans appel, d’ailleurs il n’y a pas de tribunal, pas de jury, même pas de débat, juste une sanction arbitraire.
Au-delà de l’apparence provocatrice et parfois contestable que Polunin aime à adopter, il faut tout de même savoir que l’on est en présence d’un des artistes les plus extraordinaires de sa génération. Afin de s’en faire une idée, j’invite le lecteur à se rendre sur Youtube pour regarder une vidéo qui totalise à ce jour vingt-six millions de vues : Polunin dansant “Take me to church”.
Sergeï Polunin a quelque chose de plus que les autres. On n’y peut rien, c’est comme ça, il crève l’écran et il brûle les planches. Il fait sienne l’histoire qu’il raconte en dansant, au point de sembler précéder la musique qui l’accompagne, comme s’il la créait en même temps qu’il la danse. Jamais en pause, il est en perpétuel mouvement guidé par une pensée et des sentiments qui n’appartiennent qu’à lui au moment où il danse, tout cela servi par une technique époustouflante dont les sauts prodigieux ne sont qu’une des multiples facettes.
Mais, en France, de nos jours, il y a plus important que d’être artistiquement génial, il faut d’abord être culturellement correct. Alors, sans débat, sans confrontation avec l’intéressé, on le rejette encore plus violemment que lui-même ne critique les homosexuels et les gros. Ses propos sont souvent ineptes, voire blessants, mais si l’on interdisait de scène tous les artistes qui profèrent publiquement des inepties…
En ce qui concerne les homosexuels, Polunin aurait dit, en substance, qu’il y a suffisamment de ballerines dans un ballet classique pour que les hommes s’y comportent en hommes et pas en femmes… Il y a pour le moins un manque d’élégance à stigmatiser ainsi certains de ses collègues, mais est-ce un motif valable d’exclusion ? On peut voir dans la sanction qui lui est infligée un effet direct de la théorie du genre, devenue “loi et prophétie” dans une société soumise à une nouvelle religion dont la tolérance n’est pas la première vertu. Il est donc désormais interdit de dire qu’un homme doit agir en homme. Censurons vite Frédéric Mistral qui fait dire au père de Mireille : “Un père parle en père, un homme agit en homme” !
L’exclusion dont ce danseur est frappé en raison de ses opinions et de ses idées politiques n’est pas seulement incongrue, elle est terriblement angoissante quant à l’état de la liberté d’expression dans notre pays. On est moins exigeant avec certains rappeurs qui tiennent ouvertement des propos racistes et lancent des appels au meurtre. Deux poids, deux mesures pour une indignation sélective et une sanction arbitraire. Heureusement, le talent de Polunine est tel qu’il faudra beaucoup plus coriace que la petite bien-pensance politico-médiatique française pour l’empêcher de s’exprimer mondialement dans un art qu’il maîtrise à la perfection.
Paul Rignac -Polémia