En ce début d’année, certains esprits chagrins mettent en garde contre une « dérive identitaire » qui serait incompatible avec la foi catholique (voir l’article de Pierre Saint-Servant dans Présent du 18 janvier). « Identitaire » ? Derrière ce terme assez vague, il y a la défense de nos traditions propres, de nos héritages nationaux et locaux. Où est le mal ? C’est justement la question à laquelle les intervenants de la XVIe université d’été de Renaissance Catholique (juillet 2007) avaient tenté de répondre. Ces conférences prononcées par des intellectuels (dont Jean Madiran) viennent d’être publiées chez Contrepoints : Le Patriotisme est-il un péché ?
Poser cette question, c’est d’abord s’interroger sur la patrie et la nation, réalités menacées par une folle intégration européenne dénoncée par Bruno Gollnisch. Devant l’impossibilité d’un Etat planétaire, il faut se rendre à l’évidence : la nation, c’est la dimension naturelle de la politique, chère à « l’animal social » d’Aristote, vivant toujours dans des communautés, lesquelles sont nécessairement limitées dans l’espace. Mais quid des Ecritures ? Que disent-elles des nations ? Si le salut n’est pas réservé à un peuple (« Il n’y a plus ni Juifs, ni Grecs… »), les communautés d’appartenance ne sont pas niées pour autant par un sain universalisme chrétien. Le Christ lui-même pleure devant Jérusalem, cité chérie (Matt. 23. 37).
Mais c’est surtout sur le patriotisme français que se penchent nos auteurs. Un patriotisme que chaque famille politique (royaliste, républicaine, bonapartiste, libérale) a tenté de dater avec un acte de naissance bien particulier. Pourtant, il serait bien absurde de faire naître notre patrie en 1789 ! Que l’on remonte aux Gallo-Romains, au baptême de Clovis ou à l’élection d’Hugues Capet, il est clair que se développe, à la fin du Moyen Age puis sous l’Ancien Régime, un véritable patriotisme charnel et traditionnel, mâtiné d’amour courtois, de vertus chevaleresques et de fidélité dynastique.
Mais la fierté nationale mute ensuite, lorsque l’homme révolutionnaire prétend refonder l’humanité, la société et régénérer la nation. Feu l’abbé Schaeffer rappelle que c’est de là que découlent la divinisation de l’Etat et les excès du nationalisme moderne, que le Saint-Siège n’a eu de cesse de dénoncer, tout en louant la nation comme cadre efficace d’enracinement et de gouvernement. Au titre de la destination universelle des biens, la doctrine de l’Eglise ne peut pas condamner l’immigration en tant que telle, mais elle rappelle également les droits de l’Etat d’accueil à réguler ou à restreindre l’immigration, tout comme le droit des personnes à ne pas immigrer. Experte en humanités depuis 2 000 ans, l’Eglise a toujours loué l’enracinement et les identités : de quoi alimenter de saines réflexions, au-delà de la dictature de « Big Other ».
Le Patriotisme est-il un péché ? Contrepoints, 434 p.
Tugdual Fréhel – Présent