La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) examine le 7 janvier le cas du jeune tétraplégique, dont l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation avait été autorisé le 24 juin 2014 par le Conseil d’État. L’avocat des parents, Maître Jean Paillot, est interrogé dans Famille chrétienne.
Extraits :
“Vincent est handicapé. Il est placé dans une unité de soins palliatifs, alors qu’il devrait être dans une unité de vie pour personnes handicapées. Cette seule considération permet de comprendre que Vincent n’est pas à sa place. Malgré la qualité humaine de quelques membres du personnel médical qui l’entoure, Vincent ne bénéficie pas de tous les soins auxquels il devrait avoir accès en vertu du droit français, je pense ici à la confection d’un fauteuil adapté qui lui permettrait d’être sorti de son lit ou bien au bénéfice de la kinésithérapie, qui lui est sans raison refusée depuis plus de deux ans, ou encore au fait qu’il est enfermé pour éviter que quelqu’un vienne attenter à sa vie. Cette situation objective scandalise toutes les personnes qui ont l’habitude des soins aux personnes en état de conscience altérée, car elle est contraire aux bonnes pratiques médicales. Et pourtant, malgré cette mauvaise prise en charge, Vincent est apaisé. Il est entouré au quotidien par ses parents et régulièrement par sa famille. Il devrait bénéficier d’un projet de vie, à l’instar de toutes les personnes accueillies en établissement de soins en France. Mais il est enfermé dans le couloir de la mort, depuis l’arrêt du Conseil d’État. Ce qui est profondément attristant, c’est qu’il est possible d’agir autrement et que si Vincent était ailleurs, il se porterait sans aucun doute encore mieux.
La grande chambre de la CEDH examine le 7 janvier la requête des parents de Vincent Lambert. Quels sont les espoirs de réussite ?
À mes yeux, ils sont importants. Les éléments que nous invoquons à l’appui de notre demande sont extrêmement forts, qu’il s’agisse de l’absence de preuves sérieuses de la volonté de Vincent Lambert, du défaut de sécurité juridique induit, dans la loi Leonetti, par l’absence de définition des mots « traitements » et « soins », de la nécessaire distinction à réaliser entre les divers types d’alimentation artificielle, de l’illégitimité de retenir l’alimentation entérale comme un traitement, de la scandaleuse procédure dite « collégiale » qui doit précéder un arrêt de traitement d’une personne à la conscience altérée et qui est au demeurant fortement critiquée par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), et enfin de la contradiction intrinsèque dans la position du gouvernement français qui se déclare farouchement opposé à l’euthanasie, mais qui ouvre toute grande la porte à des pratiques euthanasiques en direction des personnes handicapées.
Un des médecins auditionnés par le docteur Kariger au cours de la procédure dite collégiale a publiquement déclaré que Vincent Lambert n’était déjà plus une personne, qu’il était « gommé ». Derrière cette affirmation scandaleuse d’un médecin cardiologue, qui au demeurant n’est pas un spécialiste des personnes en état de conscience altérée et qui n’a même pas rencontré personnellement Vincent Lambert avant de se prononcer pour sa mort, il y a l’idée terrifiante que certains êtres humains perdraient leur qualité de personne humaine et donc de personne juridique, parce que réduits à une simple « vie biologique ». Cette idée qu’un être humain puisse ne plus être considéré comme une personne est une abomination. Notre droit a interdit l’esclavage depuis 1848 et la mort civile depuis 1854, de sorte que tout être humain né est nécessairement une personne, et dispose par ce fait même d’une dignité et de droits fondamentaux. Or, certains sont en train de ressusciter cette distinction être humain et personne juridique. Si cette distinction, qui est sous-jacente aux débats autour de Vincent Lambert, devait se réaliser, alors tous les handicapés (physiques, mentaux, sociaux) auraient du souci à se faire, car leur propre dignité ne serait plus garantie par leur seul fait qu’ils sont un être humain. Ce serait une immense régression sociale.”