Politique migratoire européenne: formater les opinions!

LE COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (CESE) ORGANISAIT LES 24 ET 25 NOVEMBRE 2016 UN SÉMINAIRE POUR DES « ATTACHÉS DE PRESSE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE » DESTINÉ À REPÉRER LES BONNES PRATIQUES EN MATIÈRE DE COMMUNICATION SUR LE SUJET DES MIGRANTS. PARTANT DU CONSTAT QUE LA FAIBLE ACCEPTATION PAR LES CITOYENS DE LA POLITIQUE MIGRATOIRE EUROPÉENNE « OUVERTE » EST DUE À UNE PERCEPTION ERRONÉE, L’OBJECTIF EST DE LA CORRIGER GRÂCE AUX RELAIS D’INFORMATIONS EN CONTACT AVEC LES MÉDIAS.

Dans son livre, Assimilation : la fin du modèle français (édition du Toucan, 2013), la démographe Michèle Tribalat a mis en lumière les orientations de l’Union européenne en matière de politique migratoire. À partir, notamment, des communications du Conseil européen, en particulier celles du 19 novembre 2004 (communiqué de presse de la 2618e session du conseil, 19 novembre 2004, cité par M. Tribalat) et de l’Agenda 2011 pour l’intégration des ressortissants des pays tiers (communication de la commission européenne du 20 juillet 2011, citée par M. Tribalat), la démographe déduisait les postulats du Conseil Européen et de la Commission Européenne : l’immigration est inéluctable, elle a un caractère bénéfique sur l’économie, la cohésion sociale et le sentiment de sécurité pourvu que nous sachions la gérer correctement.

Le rapport de prévisions économiques de la Commission Européenne publié le 5 novembre 2015 va dans le même sens : l’afflux prévu de 3 millions de migrants d’ici 2017 devrait avoir un impact « faible mais positif » sur la reprise économique.

Mais les opinions publiques renâclent et de plus en plus d’électeurs portent leur voix sur des candidats hostiles à l’ouverture de frontières. Il importe donc pour le CESE d’agir sur les informations dispensées aux médias et de participer ainsi à la formation des opinions. En premier lieu en sensibilisant les journalistes et ceux qui leur fournissent des informations (Organisations Non Gouvernementales, organisations internationales, etc.).

C’est ce constat qui est à l’origine du séminaire des attachés de presse de la société civile organisé à Vienne (Autriche) les 24 et 25 novembre 2016, avec pour thème : « communiquer au sujet de la migration », organisé par le CESE.

Si le CESE ne représente pas l’Union européenne, étant un organe consultatif de cette institution, il se veut un « pont entre l’Europe et la société civile organisée », comme indiqué sur son site.

FORMER LES COMMUNICANTS

Les participants à ce séminaire sont « des journalistes, des professionnels de la communication et des experts de la société civile en matière de migration ainsi que des représentants d’institutions européennes et internationales exerçant une mission dans ce domaine ».

Le postulat est que « les médias ont joué un rôle majeur en diffusant des informations relatives à ce que l’on appelle la crise des réfugiés ou crise migratoire, à tel point que l’opinion publique et les actions politiques elles-mêmes en ont indubitablement été influencées ».

Il faut lire le programme du séminaire et des différents ateliers pour y trouver les constats et présupposés des organisateurs : « Les messages relatifs à la crise migratoire ont été diffusés par des journalistes, des décideurs politiques, des dirigeants, des personnes actives sur les réseaux sociaux, voire par la population – et parfois avec beaucoup d’inexactitudes », « Le Brexit n’est qu’un exemple d’un débat fondamental qui a été influencé par l’opinion publique en ce qui concerne la question migratoire et ce, à un point tel que nous pourrions nous poser la question suivante : le résultat du référendum sur le Brexit aurait-il été le même sans la question de la migration ? »

Les électeurs du référendum sur le Brexit auraient donc été influencés par des informations anxiogènes, capitalisées par les partisans victorieux de la sortie de la Grande Bretagne de l’Europe.

FORMATER LES OPINIONS

L’objectif du séminaire est de « formuler des conseils utiles pour une communication plus claire et plus ciblée, afin de lutter contre la polarisation au sein des sociétés européennes et de renforcer la solidarité avec les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants ainsi qu’entre les États membres de l’UE ».

L’avis du CESE d’avril 2016 sur « L’intégration des réfugiés dans l’UE » permet de mieux connaitre sa position sur le mouvement migratoire actuel : « L’UE et ses États membres sont confrontés actuellement à une arrivée massive de réfugiés en y étant, dans une large mesure, pas préparés. Toutefois, le nombre de ces arrivants ne représente qu’une petite partie des personnes en déplacement dans le monde, et un tel phénomène n’est pas inédit dans l’histoire récente de l’Europe. Tous les niveaux de gouvernement et de nombreuses organisations de la société civile doivent coopérer pour accueillir les réfugiés et garantir leur intégration une fois que leur statut de protection est accordé.».

L’avis du 11 septembre 2014 est plus explicite : « Le CESE considère que la nouvelle phase de la politique européenne d’immigration doit proposer une vision stratégique à moyen et à long terme. Elle doit veiller, d’une manière générale et globale, à prévoir des canaux d’entrée réguliers, ouverts et flexibles ».

Dans ce cadre, le recueil de bonnes pratiques en matière de communication devrait permettre de sélectionner les éléments de langage et informations « pertinentes » pour mieux faire accepter l’afflux de migrants que nous connaissons actuellement.

À titre d’exemple, un universitaire anglais participant au séminaire, Rafal Zaborowski, a mené une enquête sur le thème « crise migratoire dans les medias : fabrication ou reflet de la crise ? »

À partir de l’analyse de journaux de 7 pays européens, l’universitaire fait le constat que la narration de la crise migratoire met souvent l’accent sur les menaces sur le territoire, les valeurs, l’identité et la sécurité. Des informations seraient minorées, comme le contexte des migrants (histoire, guerre, géopolitique), leur humanité et ce qu’ils peuvent apporter à l’Europe.

L’Obs serait-il un précurseur en matière de « bonnes pratiques » ? On peut trouver sur son site une rubrique dédiée aux migrants, qui multiplie les exemples de parcours d’intégration réussie, de difficultés quotidiennes des migrants, etc. Autant de récits qui permettent l’identification et visent à développer l’empathie du lecteur. France Inter et France Culture ne sont pas en reste, comme nous l’indiquions dans un précédent billet.

Nous sommes donc bien loin d’une approche large et contextualisée, indiquant les enjeux de toutes natures, sociales, économiques et culturelles, pour les populations d’une Europe, qui compte – faut-il le rappeler – 21,4 millions de chômeurs et 29 millions de travailleurs pauvres.

Lu sur l’OJIM

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