En pleine tourmente internationale, entre Daech et Cop 21 et à quelques poignées d’heures des prochaines élections régionales, c’est qu’il s’en passe des choses autrement plus graves, au gouvernement et dans ses proches environs. Cet entretien, par exemple, accordé par Fleur Pellerin, ministre de la Culture au Monde, mis en ligne sur Internet en attente d’une publication sur papier, puis retiré avant d’être enfin amendé.
Motif du litige ? Ce titre : « Christiane Taubira cite René Char, moi je sais gagner mes arbitrages. » Ce alors que la phrase d’origine était : « Christiane Taubira cite Édouard Glissant ou René Char. Ma force à moi, c’est que je connais bien l’administration. Je sais gagner mes arbitrages », tout en évoquant ce « monde des artistes qui s’est beaucoup éloigné de la gauche », avant qu’elle « ne prenne ses fonctions. » Ce qui effectivement, change tout, à l’exception peut-être d’Édouard Glissant. René Char, on connaît à peu près. Poète, vaguement surréaliste, un brin communiste, très résistant. Mais qui es-tu, Édouard Glissant ? Un intellectuel martiniquais, adepte de la « créolitude » et qui manqua de peu le Prix Nobel de littérature en 1992.
Bon, jusque-là, pas de quoi égorger un mouton ou lapider un âne corse à coups de figues molles. Sauf que panique dans le célèbre quotidien vespéral de référence : « Nous avions publié intempestivement, sans discussion éditoriale, quelque chose dont nous devions discuter. (…) L’entretien a été retranscrit sous formes de questions réponses, mais cela n’avait pas été calé comme ça à l’origine », précise Jérôme Fenoglio, directeur du Monde à l’AFP.
Eh ben oui, Dugenou, le format « questions réponses », ça s’appelle tout bonnement une interview et il n’est jamais interdit de la faire relire aux principaux intéressés avant éventuelle publication. Du coup, échanges de tweets embarrassés entre Monde et Pellerin, donnant une idée plus que tartignole de la diversité gouvernementale : si les ministres d’origine sud-coréenne se mettent à railler leurs homologues issus de Guyane, où va la France ?
Pour tenter de s’en sortir, toujours botter en touche, du côté du FN, bien sûr, ce qui ne mange jamais de pain. Fleur Pellerin : « Où va le Parti socialiste, où vont Les Républicains ? Je vois bien, en revanche, où va le Front national. (…) On vit un moment révélateur de ce qu’on est idéologiquement. »
Par pitié, à l’approche des fêtes de Noël, prions pour que nos chers lecteurs mettent la main à la poche, juste histoire de se cotiser, afin que Fleur Pellerin puisse trouver, au pied du sapin, un bon gratuit pour des cours chez Acadomia, organisme de soutien scolaire, que viendront sûrement agrémenter quelques fiches de cuisine politicienne et de syntaxe française.
Résultat : ce qui n’aurait jamais dû quitter le circuit entre rédactions parisiennes et cabinets ministériels se retrouve désormais sur la place publique.
On appelle ça « l’effet Streisand », du prénom de la chanteuse Barbara, demeurée célèbre pour avoir voulu interdire, sur Internet, des photos aériennes de sa propriété privée. Résultat, les clichés volés ont fait le tour des réseaux sociaux.
En bon français, on appelle encore ça : pisser contre le vent. Ou qui s’y frotte s’y pique. Ou qui veut éviter de montrer son derrière, évite de baisser culotte sur Instagram.
Mais ne soyons pas trop sévères avec la petite Fleur. Depuis le jour où elle a avoué n’avoir pas le temps de lire des livres, elle se rattrape. Tenez, dans un récent hors-série de L’Express, consacré à la bande dessinée XIII, de Willam Vance et Jean Van Hamme, elle affirme avoir lu les dix premiers albums d’une série en comptant plus de trente. Petite précision pour notre ministre de la Culture, et ce dans un élémentaire souci de charité chrétienne, les vingt qui lui manquent ne sont pas des livres à colorier.