Otto Dix – Le retable d’Issenheim

À Colmar, le musée Unterlinden récemment rénové célèbre deux anniversaires : les 125 ans de la naissance d’Otto Dix (1891-1969) et les 500 ans du retable d’Issenheim. Près d’un demi millénaire les sépare et pourtant une exposition d’envergure les réunit avec l’objectif de montrer les multiples influences du retable sur l’œuvre du célèbre peintre allemand.


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Une confrontation pertinente

À travers une centaine d’œuvres dont de nombreux prêts de musées internationaux, le musée présente une exposition à la fois chronologique et thématique divisée en cinq sections. Le visiteur y découvre le lien étroit qui unit Otto Dix au retable d’Issenheim, peint par Grünewald entre 1512 et 1516. En effet, aucun artiste du XXe siècle ne fut autant séduit par ce chef-d’œuvre. Le peintre allemand qui fut incarcéré à Colmar, de 1945 à 1946, mêle tout au long de sa carrière, références, citations et réinterprétations du tableau de Grünewald.

Conservatrice et commissaire de l’exposition, Frédérique Goerig-Hergott, explique la démarche du musée : « Réputé pour sa collection de Primitifs rhénans et son chef-d’œuvre, le retable d’Issenheim, le musée Unterlinden a choisi de s’ouvrir à l’art moderne et contemporain au début des années 1960. Après l’inauguration du musée agrandi en janvier 2016, la première exposition d’art moderne se devait de présenter un artiste incontournable de l’histoire de l’art du XXe siècle : le peintre Otto Dix qui, tout au long de sa carrière, s’est référé au retable d’Issenheim. »

Otto Dix, artiste engagé, « artiste dégénéré »

Au début du XXe siècle, le retable d’Issenheim, considéré comme « l’apogée de l’art allemand », séduit les jeunes artistes dont le peintre allemand Otto Dix. Artiste engagé, ce « nouveau Grünewald » cherche à exprimer l’horreur de la guerre à travers un art réaliste et très critique. Il trouve dans le retable une inspiration nouvelle, tant symbolique que technique, pour créer son fameux Triptyque de la guerre en 1929-1932. Dans les années 1930, Otto Dix dénonce l’idéologie nazie sans fuir l’Allemagne pour autant. « Artiste dégénéré » et peintre de la « Nouvelle Objectivité« , il s’exile tout de même dans le sud du pays où il s’adonne à une peinture de paysage chargée de symbolisme. S’il n’est pas profondément croyant, il est très intéressé par la Bible dans laquelle il puise de nombreux sujets. Il utilise l’iconographie religieuse, notamment dans les œuvres représentant Saint Christophe ou L’Agression de saint Antoine pour dénoncer l’horreur de son époque.

Le retable, une œuvre « inexplicablement mystérieuse »

Otto Dix est incarcéré à Colmar pendant deux ans, de 1945 à 1946, dans un camp de prisonnier des Alliés. Déjà célèbre, le peintre allemand y est reconnu et bénéficie d’un traitement de faveur qui lui permet de sortir de son camp de prisonnier pour peindre dans l’atelier de Robert Gall. Il a ainsi l’occasion de venir contempler le retable qu’il décrit ainsi : « J’ai vu deux fois le retable d’Issenheim, une œuvre impressionnante, d’une témérité et d’une liberté inouïes, au-delà de toute composition, de toute construction, et inexplicablement mystérieuse dans ses différents éléments. » (Lettre d’Otto Dix à Martha, Colmar, le 15 septembre 1945.)

Après la guerre et de retour en Allemagne, il conserve toujours le souvenir de ce chef-d’œuvre. Inspiré tant par la symbolique de Grünewald que par l’horreur de la guerre et de l’obscurantisme, il peint un Christ martyrisé directement inspiré du retable d’Issenheim. À la fin de sa vie, Otto Dix continue à faire référence ponctuellement au retable dans ses œuvres. Alors que l’art abstrait est en plein essor, il refuse de s’y intéresser, devenant aux yeux de ses contemporains un « peintre du passé ».

Otto Dix – Le Retable d’Issenheim, jusqu’au 30 janvier 2017 au musée Unterlinden, Colmar.

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