Le très étrange portrait d’Antonietta Gonsalvus (Vidéo)

Au château de Blois, Rose découvre un tableau représentant une jeune fille poilue. Élisabeth Latrémolière, conservatrice en chef, lui raconte l’histoire de cette oeuvre et des anecdotes.

Petrus Gonsalvus, dit Pedro Gonzales, né à Ténérife en 1556 (dans les îles Canaries), a été le premier cas d’hypertrichose étudié et peint au XVIème siècle (période de la Renaissance durant laquelle les artistes pouvaient y exprimer librement leur art).

L’hypertrichose se traduit par une pilosité excessive de presque toutes les parties du corps, à l’exception des paumes et des plantes des pieds. Cette maladie génétique, donc héréditaire, est liée à un dérèglement hormonal  : on constate chez l’individu atteint une surproduction d’androgènes, des hormones libérées dans le sang qui stimulent le développement des caractères physiques masculins (donc la pilosité), et qui sont normalement fabriquées en faible quantité par les glandes surrénales situées juste au-dessus des reins.

Très jeune, Petrus Gonsalvus a été offert en cadeau à la cour d’Henri II ; vif et intelligent, il y faisait fureur comme curiosité amusante. Henri II en fit un de ses plus importants ambassadeurs et Petrus Gonsalvus se retrouva à la cour de Margaret de Parme dans les Flandres.

Il eut avec sa femme, non atteinte, deux filles, dont Antonietta, et un garçon, Horatio, tous atteints de cette maladie héréditaire.

“L’Homme sauvage des Canaries” et ses enfants ont été exhibés dans de nombreuses cours d’Europe, où on s’étonnait de la vivacité d’esprit de ces “hommes-singes” (ou “hommes-chiens”).

En 1592, le médecin et professeur Ulysse Aldrovandi examina les Gonsalvus et décrivit leur cas dans son livre illustré de gravures sur bois : “Monstrorum historia cum paralipomenis historiae omnium animalium Bartholomaeus Ambrosinus” (1642).

Lavinia Fontana​ (1552-1614), connue aussi sous le nom de Lavinia Zappi (son nom marital), est une femme peintre italienne maniériste.

Le maniérisme : style artistique qui se développe en Italie au XVIème siècle et qui représente la transition entre la haute Renaissance et le baroque. La peinture maniériste est caractérisée par des silhouettes esquissées dans des postures exagérées, un traitement irréaliste de l’espace donnant un aspect mélodramatique ; le maniérisme recherche élégance, raffinement, insolite, effet de surprise.

Lavinia Fontana est formée à la peinture par son père Prospero Fontana, peintre lui aussi, dont elle imita les coloris. Elle peignit des scènes religieuses, mythologiques, pour des retables ou des autels, et aussi des nus, masculins ou féminins.

Elle fut l’une des plus importantes portraitistes de Bologne à la fin du XVIe siècle. Elle fut aussi l’une des premières femmes à exécuter de grandes commandes publiques.

Les toiles de Lavinia Fontana sont admirées pour leurs couleurs éclatantes et la précision des vêtements et des bijouxque portent ses modèles.

Le pape Clément VIII l’appela à Rôme en 1603 et la nomma peintre à la cour. Bénéficiant de cette protection, elle réalise le portrait de nombreuses figures de la cour papale. Elle voit son talent récompensé par son élection à l’Académie romaine Accademia di San Luca (1611), distinction rare pour une femme.

Lavinia Fontana s’éteint le 11 août 1614, à Rome.

Cette fillette au masque velu, présentant une lettre révélant son identité et l’histoire de son noble père, est Antonietta Gonsalvus. La fillette ainsi représentée sur cette huile sur toile de 1583 conservée au Chateau de Blois, paraît avoir moins de 10 ans, d’après l’expression de son visage ; elle est familière des cours de la Renaissance, c’est ce que montre l’élégance de son costume et de sa coiffure caractéristique de la cour de Florence vers 1580.

La date de naissance supposée d’Antonietta est 1574.

Un dessin, proche du présent portrait, est conservé dans un album de 19 dessins de Lavinia Fontana à la Pierpont Morgan Library de New York.

L’étrangeté de ce portrait est aussi un trait de la peinture maniériste, qui exprime dans des effets de déformation et de bizarrerie sa réaction au classicisme de la Renaissance.

Related Articles