La question n’est pas, ici, de se prononcer pour ou contre l’indépendance catalane, cela ne nous regarde pas…
Ce que j’observe, c’est la réalité politique : sur 700 maires catalans, environ 500 sont indépendantistes, ils ne sont pas sortis de nulle part.
L’Espagne unifiée est âgée de 500 ans – c’était déjà l’âge de la France à l’élection d’Hugues Capet – et l’on a longtemps parlé « des Espagnes ».
On sait encore que la Catalogne est différente, elle a été province carolingienne face à la péninsule « sarrasinée » ; elle abrite une population originale, quasiment la seule à avoir tenté en vrai l’expérience désastreuse de l’anarchie aux premiers temps de 1936 ; et elle appelle « église » une termitière géante.
Elle est, enfin, plus riche que la moyenne espagnole – 20 % du PIB pour 17 % de la population.
Face au projet du gouvernement indépendantiste, Madrid pouvait peut-être déclarer le référendum illégal si cela lui chantait – seule la voix populaire pouvait lui donner raison ou tort – mais n’avait pas d’autre choix que de laisser la province autonome l’organiser. En cas d’échec patent, les indépendantistes se ridiculisaient ; mais en cas de succès franc et massif, que faire ?
Plus rien, maintenant, en tout cas. Ce pays a l’avantage d’être une monarchie, donc de bénéficier d’un arbitre qui pouvait entrer en scène dans un deuxième temps, après le coup de fièvre.
Mais le roi a parlé avant l’événement ! Et pour dire quoi ? Pour appeler les Catalans « au respect de la Constitution » !
Comment cet héritier des siècles, issu de la plus antique dynastie du monde où l’on règne depuis les Robertiens en 888, a-t-il pu se laisser ensabler dans cette utopie ? La Constitution de quoi ? De qui ? De l’Espagne, et des Espagnols, en 1978 (« Espagne indivisible »). Mais justement, les Catalans veulent en sortir ! Et dans ce cas, eux qui n’en composent que 17 %, comment les contraindre à accepter que les 83 autres pourcents, les Galiciens, les Canariens, décident de leur avenir autant qu’eux-mêmes ?
Madrid a envoyé 10.000 policiers – dix mille ! une armée, en somme – bloquer les bureaux de vote en matraquant, non pas des gens qui cassent des vitrines et incendient des voitures, non, des jeunes et vieux qui voulaient déposer un papier dans une urne municipale ! Que pense donc le pouvoir ? Que les hommes sont faits pour les lois ? Ce sont les lois qui sont faites pour les hommes ; ainsi, dans cette circonstance, c’est la police qui a été délinquante, pas ces gens pacifiques.
Résultat : de nombreux bureaux de vote bloqués par la police, donc 47 % de participation seulement, mais 90 % de « Oui » ! Résultat, encore : 900 blessés et l’ONU qui, évidemment, demande une commission d’enquête sur les violences de l’État espagnol. Si les indépendantistes sont plus adroits, ils sauront exploiter la faille devant le monde indifférent à leur cause, et pourquoi pas…
Du côté madrilène, une contre-performance, qui devient un cas d’école dans les cours de gestion de crise.
Yves-Marie Adeline – Boulevard Voltaire