Richard Ferrand, le président du groupe La République en marche (LREM) à l’Assemblée nationale, va-t-il prendre la présidence de l’Assemblée nationale, place laissée vacante par François de Rugy, nommé ministre de la Transition écologique ? Cette hypothèse est à même de provoquer l’indignation de l’opinion publique, l’ex-ministre et ex-secrétaire général de LREM étant ciblé par une enquête sur un montage financier immobilier. Elle pourrait en tout cas compromettre les ambitions de transparence et de moralisation de la vie publique du président Macron, formalisées dans le projet de loi visant à restaurer «la confiance dans la vie politique» adopté en juillet 2017.
Outre cette casserole, Richard Ferrand devra faire face à la concurrence d’autres candidats LREM au perchoir : la présidente de la commission des Lois de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet et la députée de l’Isère Cendra Motin, ont d’ores et déjà postulé.
Les prétendants LREM ont jusqu’au soir du 5 septembre pour se faire connaître, avant un vote interne le 10 septembre dans le cadre d’un séminaire de rentrée pour les départager. L’ensemble des députés voteront ensuite le 12 septembre lors de l’ouverture de la session pour élire leur président, des candidatures de plusieurs bords étant alors possibles. Le vote aura lieu avant ou après les questions au gouvernement.
L’affaire Ferrand
Les révélations du Canard enchaîné en mai 2017 au sujet de Richard Ferrand avaient été le premier couac du mandat d’Emmanuel Macron, contraignant le ministre de la Cohésion des territoires à démissionner. L’affaire porte sur le bien immobilier acquis par la compagne de Richard Ferrand, l’avocate Sandrine Doucen, puis loué aux Mutuelles de Bretagne, dont il était alors le directeur général (1998-2012). L’association anticorruption Anticor accuse Richard Ferrand d’avoir profité de sa fonction pour favoriser sa compagne, qui aurait financé l’acquisition de locaux, d’une valeur de 375 000 euros, par les loyers des Mutuelles de Bretagne.
Une enquête préliminaire a été classée sans suite en octobre 2017 par le parquet de Brest, en raisno de la prescription des faits. Par la suite, Anticor a déposé à Paris une plainte avec constitution de partie civile, procédure qui permet de passer outre le refus du parquet d’entamer des poursuites pénales. Partant, le juge du pôle financier de Paris, Renaud Van Ruymbeke, a ouvert le 12 janvier 2018 une information judiciaire pour «prise illégale d’intérêts». Mais la défense de Richard Ferrand et de sa compagne a dénoncé en mars dernier un «conflit d’intérêts», le vice-président d’Anticor Eric Alt, présent lors d’une première audition, étant aussi premier vice-président adjoint au tribunal de grande instance de Paris. La Cour de Cassation a donc décidé de confier l’enquête au tribunal de grande instance de Lille «afin de garantir l’impartialité objective de la juridiction saisie». Affaire à suivre.
Saal, Pénicaud, Nyssen : des ombres sur la République exemplaire
Le cas de Richard Ferrand n’est pas le seul à menacer l’image d’exemplarité que comptent incarner Emmanuel Macron et la majorité présidentielle.
Le 22 mai 2018, la ministre du Travail Muriel Pénicaud était convoquée chez le juge comme témoin assisté dans l’affaire Business France. Ce dossier, devenu politique, est lié à l’organisation, en janvier 2016, d’une soirée de promotion de la France à Las Vegas autour d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, tandis qu’elle était directrice générale de Business France. Malgré son coût élevé – près de 290 000 euros après renégociation – l’organisation de l’événement avait été confiée à l’agence de communication Havas sans passer par un appel d’offres. Cette procédure est pourtant prévue par le code des marchés publics pour de telles sommes.
Françoise Nyssen, la ministre de la Culture, a quant à elle été épinglée par le Canard enchainé le 22 août 2018 pour avoir réalisé des travaux d’agrandissement des bureaux parisiens de la maison d’édition Actes Sud «sans autorisation de travaux ni déclaration au fisc». Elle est suspectée d’avoir ainsi ajouté 150 mètres carrés aux locaux sans respecter le code de l’urbanisme, ni en référer au fisc, échappant ainsi aux augmentations substantielles de taxes immobilières. L’enquête est en cours et la police vient de réaliser une inspection des locaux.
Enfin, l’opinion publique s’est indignée de la prestigieuse évolution de la carrière d’Agnès Saal. Elle s’était vue contrainte de démissionner de la tête de l’INA en 2015, pour avoir dépensé des sommes démesurées en taxi au cours de son mandat à la tête du Centre Georges-Pompidou, puis de l’INA. Les sommes représentaient quasiment 48 000 euros de frais de taxis, courses dont une partie était réservée à ses enfants et à sa tante. Agnès Saal avait été condamnée en janvier 2016 à deux ans de suspension de la fonction publique, dont six mois fermes, pour cette infraction assimilable à dudétournement de fonds publics.
Mais ces abus n’ont pas empêché Agnès Saal d’intégrer le ministère de la Culture en été 2016, en tant qu’attachée au secrétariat général du ministère sous la présidence Hollande. Sous la présidence Macron cette fois, en août 2018, Agnès Saal a été nommée haut fonctionnaire à l’égalité, la diversité et la prévention des discriminations auprès du secrétaire général du ministère de la Culture. De plus, Agnès Saal bénéficie d’une hausse de son traitement qui pourra atteindre au maximum 6 138 euros mensuels et de nouvelles indemnités, selon un arrêté signé par le Premier ministre.