Dans la série « Déboulonnons-les tous », voici l’école catholique qui bannit ses saints. Qui dit mieux ? Relayée par plusieurs sites d’information chrétiens, la nouvelle a suscité une certaine émotion sur les réseaux sociaux. Il est vrai que l’on a franchi un palier non négligeable dans le processus psychologique : il est d’usage de vouloir démolir les égéries de ses adversaires. Pas ses propres icônes. La démarche, on en conviendra, est assez, euh… originale.
Certains ont tenu l’inventaire : Saint-Dominique – puisque c’est le nom de cette école privée catholique de San Anselmo (Californie), qui se trouve être la plus ancienne d’outre-Atlantique – a déjà fait disparaître 18 statues sur 180, Vierge Marie en tête qui, de la cour, a dégringolé, telle une reine déchue, à la cave. Pour la direction de l’école, avec 20 % (seulement) d’élèves croyants, cette décision « inclusive » visant à ne pas chiffonner les autres s’imposait.
Restent quand même à dézinguer 162 traces de la vocation initiale de l’école – de quoi ouvrir une brocante ou un musée folklorique – et puis une ou deux petites choses encore un peu voyantes : le nom de l’établissement – quand on aura enlevé la mention « saint », il restera encore la racine latine de « Dominique » – et, pire, celui de la ville où il est sis : les racines, décidément, sont tellement profondes qu’elles sont devenues consubstantielles.
On ricane, – « Ah, ces Américains ! » -, on hausse les épaules en évoquant la Californie, cette folle. Oubliant qu’en France, on ne vaut pas tellement plus cher. Et quand je dis « tellement », c’est pour être gentille.
Si on parlait, en ce jour de rentrée, du groupe scolaire Saint-Quelconque ou Saint-Auhasard, et de toutes ces écoles catholiques de France et de Navarre, qui ont fourgué leur Thérèse de l’Enfant-Jésus chez Emmaüs et les crucifix dans le fourbi d’un cagibi, et qui n’osent plus « rien » proposer ? Ou enfin si, un atelier théâtre et un ciné-club en anglais. Mais surtout pas du « caté ».
Parfois, ils parlent des cathédrales. Puis, la semaine suivante, avec la même neutralité, des mosquées. C’est de l’histoire religieuse. Ce n’est pas sans intérêt, mais ce n’est pas du caté. Du caté dispensé par des gens formés : on ne peut transmettre que ce que l’on possède. Laisserait-on enseigner l’anglais sans vérifier au préalable que le prof sait (vraiment) le parler ?
Du caté pour tous, pour que chacun, une fois dans sa vie, en ait entendu parler : comment aimer ce que l’on ne connaît pas ? Si l’amour de Dieu, comme elle l’affirme, est le trésor de l’Église, pourquoi exclut-elle certains de la « table du partage », selon les mots du cantique éculé ? Ils ne sont pas obligés, cela va sans dire, d’apprécier, mais au moins ils auront eu le droit de goûter. Et pourquoi les parents en seraient-ils fâchés ? Quand ils poussent la porte du « Shang Palace », ils ne font pas la gueule parce que, sur la carte, il y a des nems et du canard laqué. Rien ne les a forcés à entrer, il y avait une autre crèmerie, de proximité et plus économique qu’on appelle l’école publique.
Parce qu’il faudrait peut-être se demander si ces islamistes qui ont fait leur scolarité dans des écoles catholiques privées (confer « Les Français jihadistes, David Thomson) n’aspiraient pas, alors, à une certaine verticalité, ensuite dévoyée faute d’avoir trouvé dans ladite école chaussure à son pied, si pour lutter contre cette lente glissade vers la dhimmitude volontaire il ne faut pas autre chose qu’une évangélisation molle et velléitaire. Si la fin du boxon ne sonnera pas quand, enfin, chacun d’entre nous se décidera à jouer vraiment sa partition.
Les islamistes, eux, l’ont toujours fait. On ne peut le leur dénier.
Gabrielle Cluzel- Boulevard Voltaire