Le Service de santé 1914-1918 de Marc Morillon

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Par Alain Sanders

A la différence des troupes d’élite, ils n’ont guère eu droit à de nombreux livres à eux seuls consacrés. Eux ? Les hommes et les femmes du Service de santé de la Grande Guerre : médecins, dentistes, pharmaciens, brancardiers, infirmiers, au secours des corps, aumôniers et « cornettes » au secours des corps et des âmes. Et pourtant…

Si la geste héroïque et le sacrifice indicible des combattants du front méritent le respect et l’admiration, le rôle quotidien de ces hommes et de ces femmes, eux aussi sous le feu plus souvent qu’à leur tour, relève d’une même héroïcité.

Un livre vient de paraître, Le Service de santé 1914-1918 (Bernard Giovanangeli éditeur), qui rend hommage à tous ceux-là dont le dévouement permit d’atténuer des souffrances, de sauver des vies et de rendre à tous les soldats meurtris dans leur chair une vie sociale. Il est dû à Marc Morillon, un médecin général inspecteur, ancien de la Colo, professeur agrégé au Val-de-Grâce, aujourd’hui président du conseil scientifique du Comité international de médecine militaire. Et à Jean-François Falabrègues, chirurgien-dentiste de réserve (il a participé à trois opérations extérieures et travaillé au recrutement d’infirmiers de réserve).

Cet ouvrage très illustré (photos d’époque, objets, uniformes, peintures et dessins dus à des artistes combattants) permet de comprendre mieux le rôle du Service de santé et de suivre le parcours des blessés depuis leur relèvement sur le champ de bataille et des premiers postes de secours jusqu’aux hôpitaux de l’arrière (situés, pour ne pas engorger le front, le plus loin possible des zones de combat).

Des héros, ces combattants sans armes ? Oui. Au même titre que les hommes de première ligne. Préfacier de l’ouvrage, le médecin général des armées Jean-Marie Debonne rappelle : « Les combats récents dans lesquels ont été engagées les forces françaises ont confirmé la confiance des combattants et de leurs chefs envers le Service de santé. Son soutien est maintenant une assurance devenue indispensable lorsque se prépare une opération militaire. Le mouvement avait été amorcé il y a cent ans… »

Ces combattants sans armes ont eux aussi payé du prix du sang le prix de la victoire. Les chiffres de leurs pertes (rappelées et inscrites sur quelques monuments consacrés au seul Service de santé) sont éloquents. Médecins : 1 605. Pharmaciens : 149. Infirmiers et brancardiers : 9 213. Infirmières : 150. On y ajoutera le martyrologe des aumôniers militaires : 1. Clergé séculier : 3 428 mobilisés, 3 101 morts ; 2. Clergé régulier : 9 281 mobilisés, 1 517 morts. On y ajoutera 450 pasteurs et 37 rabbins (dont 19 ont été cités).

J’ai déjà eu l’occasion, via la haute figure de sœur Julie de l’hôpital de Gerbéviller (Meurthe-et-Moselle), de rendre hommage aux religieuses des différentes congrégations (et j’y reviendrai) qui sont sorties de leurs couvents pour venir renforcer aussi bien les équipes hospitalières de l’intérieur que certaines formations de la zone armée. Elles furent plus de 12 000 engagées dans la guerre. Plus de trois cents furent tuées ou moururent de maladies contractées en service (nombre d’entre elles furent citées ou décorées).

Un mot encore des brancardiers qui, au début, furent un peu chahutés par les Poilus qui les traitaient d’« embusqués ». Leur bravoure de tous les instants fit taire très vite les moqueries pour laisser la place au respect. Dans le no man’s land, sous le feu, ils allaient chercher pour les ramener – quand eux-mêmes n’étaient pas tués – les blessés. Des hommes de l’autre siècle, d’un autre siècle et, peut-être, d’une autre France…

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