Marlène Schiappa ou l’agenda chargé d’un sous-ministre…
Rassurons tout d’abord les progressistes de tout poil qui pourraient voir dans le titre une sorte de propos forcément sexiste puisque concernant une femme : l’expression de sous-ministre pour un secrétaire d’Etat était déjà largement usitée en des temps plus anciens où ces postes n’étaient occupés (abusivement bien sûr) que par des représentants de la gent masculine.
Marlène Schiappa défraie souvent la chronique et c’est peut-être à la fois son premier talent et son premier objectif. Le souci de valider certaines informations a conduit à consulter le site de son secrétariat d’Etat et à nous intéresser à son agenda et à ses activités.
Première surprise : son agenda prévisionnel, proposé encore en consultation ce 4 juin 2019, s’est arrêté à la semaine du mardi 8 janvier 2019 au jeudi 10 janvier 2019. Une semaine de trois jours, ça ne sent pas la sueur. Et rien depuis, voilà qui donne à penser que le secrétariat de Madame le secrétaire d’Etat est peut-être légèrement défaillant.
Deuxième surprise : on y apprend que Madame Schiappa aurait le titre de « Présidente du Conseil de Sécurité des Nations-Unies » : c’est ce qui est dit dans la légende d’une belle photo de la grande salle de l’Assemblée des Nations Unies, avec deux écrans géants diffusant la photo de Mme Schiappa en train de discourir et en titre « La France adresse son soutien à Nasrin Sotoudeh ».
Pour comprendre cette nouvelle promotion, on se rend sur le site du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Son porte-parole explique que la présidence du Conseil de sécurité (présidence tournante sur un rythme mensuel et par ordre alphabétique entre les différents membres du Conseil), était assurée par la France en mars 2019 avant l’Allemagne (« G » pour Germany) en avril. Il décrit les objectifs retenus pour ce mois de présidence : hélas, rien ni sur l’égalité femmes-hommes, ni sur Mme Schiappa comme présidente !
D’où l’on conclut que Mme Schiappa, à l’occasion de la 63èmesession de la Commission de la condition de la femme, a sans doute présidé une séance et prononcé le discours d’ouverture commençant (avec ce qu’on aurait appelé en des temps anciens et non-genrés de mâle assurance) par : « C’est pour moi un honneur de m’adresser à la Commission de la condition de la femme pour sa 63ème session en tant que présidente du Conseil de sécurité des Nations Unies ».
On est rassuré par ce rôle certes éminent de président de séance mais néanmoins plus limité quand on se rappelle que, tout récemment, Mme Schiappa réagissait à une manifestation hostile, désagréable et propre à provoquer la peur, qui avait eu lieu nuitamment devant son domicile. Mais était-ce une raison pour, deux jours après l’événement, écrire « Peu avant une heure du matin, nous avons été violemment tirés du lit par une quarantaine de gilets jaunes furieux.. » (quand il eût fallu pour être exact écrire : « peu avant une heure du matin, nous avons été brusquement réveillés par le bruit d’une quarantaine de gilets jaunes furieux… ») et citer des menaces de mort qui ne semblent pas avoir été prononcées et des dégradations qui semblent avoir été très largement surestimées ?
Quand on sait que la première mission du Conseil de sécurité des Nations Unies est de maintenir la paix et la sécurité internationale, on préfère quand même que le stage de Mme Schiappa au siège de la présidence n’ait pas duré trop longtemps.
Revenons au discours de Mme Schiappa ce 11 mars 2019. Elle déclare en particulier : « Je souhaiterais désormais dire quelques mots en ma capacité nationale» (sic) et rappelle : « C’est pourquoi la France mène, depuis un an, une dynamique nouvelle : une véritable diplomatie féministe, pour que l’égalité femmes/hommes devienne une grande cause mondiale ». Elle se félicite d’actions fortes et courageuses. D’autant plus nécessaires, bien sûr, puisque pour Mme Schiappa « en 2019, le Monde (sic. Le journal ?) maltraite encore une moitié de l’humanité». Cela sans exagération aucune bien sûr.
Elle profite aussi de l’occasion pour adresser
« depuis la tribune de l’ONU un salut de sororité et de soutien de la France à toutes les courageuses militantes féministes qui se battent parfois au péril de leur liberté, comme Nasrine Sotoudeh, Iranienne actuellement en prison ».
Finalement, la bonne nouvelle de ce discours serait peut-être sa conclusion : « Etre féministe, c’est trouver intolérable pour les filles des autres ce que l’on ne tolèrerait pas pour nos propres filles ». Cela signifierait-il que Mme Schiappa va enfin nommer la charia islamique et dénoncer sa propagation sous diverses formes dans la société française ? On se rappelle quand même qu’elle avait déclaré dans un entretien à Valeurs actuelles : “Je ne mets pas sur le même plan la Manif pour tous et les terroristes islamistes, mais je souligne l’existence d’une convergence idéologique” !…. Et peut-être aurait-elle pu commencer par dire que Nasrin Sotoudeh, cette avocate iranienne, spécialiste de la défense des libertés individuelles, avait été arrêtée en 2018 après avoir défendu plusieurs femmes jugées entre décembre 2017 et janvier 2018 pour avoir enlevé leur foulard en public afin de protester contre l’obligation de porter le voile dans l’espace public et venait d’être, en mars 2019, condamnée à 10 ans de prison et 148 coups de fou. Bon, n’oublions pas que Mme Schiappa se concentre sur les actions fortes et courageuses.
Mais revenons à l’agenda de Mme le secrétaire d’Etat.
Le 10 mai, après des négociations menées de main de maîtresse, Mme Schiappa a obtenu un accord du « G7 Egalité » (sic) pour faire de l’égalité femmes-hommes cette grande cause mondialequ’elle annonçait en mars. Le communiqué d’annonce est de facture assez grossière :
« Faire de l’égalité femmes-hommes une grande cause mondiale, c’est l’objectif de la ministérielle qui s’est tenue hier et aujourd’hui à Bondy et à Paris ».
Bien évidemment, une réunion d’une telle importance devait être accompagnée de la publication d’une Déclaration (Declaration on Gender Equality, G7 Ministers, Paris). C’est à peu près aux “droits des femmes” ce que l’accord de Marrakech est aux droits des “migrants” : une longue autosatisfaction des parties prenantes (« les signataires reconnaissent l’expertise et le leadership du conseil consultatif pour l’égalité femmes hommes du G7 » ), une longue litanie de la victimisation (Point n°11 : Gender stereotypes affect women and girls in their enjoyment of social and economic rights), et une longue suite de coups de mentons volontaristes pour changer le monde, qui seront peut-être un jour ajoutés à l’interminable corpus des droits de l’homme par quelque magistrat zélé pour participer à l’état dit de droit.
Faute de syntaxe, présentations manquant de cohérences, usage de l’anglais (« œuvrer pour l’empowerment des femmes en Afrique » ; la déclaration commune sur le site du secrétariat d’Etat n’existe qu’en anglais) caractérisent aussi le communiqué du secrétariat d’Etat : le problème de secrétariat de Mme Schiappa a décidément plusieurs facettes.
Ensuite, le 28 mai (et seuls les populistes lépreux peuvent ignorer que ce jour est la journée mondiale pour l’hygiène menstruelle des femmes), sous l’impulsion de Mme Schiappa, « le Gouvernement lève le tabou de l’hygiène menstruelle ». Auriez-vous deviné que ce sujet était en fait politique et éminemment interministériel ?
Ainsi, le ministère de la Transition écologique et solidaire travaille, autour de Brune Poirson, à l’introduction, dans le projet de loi sur l’économie circulaire, de mesures relatives aux produits d’hygiène. Celui des Solidarités et de la Santé travaille, autour de Christelle Dubos, à améliorer l’accès aux protections hygiéniques pour les femmes les plus précaires. Et enfin, celui de l’Économie et des Finances travaille, autour d’Agnès Pannier-Runacher, à améliorer la sécurité, l’information aux consommatrices quant à la composition et à l’utilisation des protections menstruelles et l’accessibilité des produits.
Les parlementaires étaient bien évidemment partie prenante. C’est ainsi que le député des Hauts-de-Seine Céline Calvez s’est exprimée sur la start-up de sa circonscription qui développe des coupes menstruelles ergonomiques sans tige (?) ; et que le député de l’Essonne Laëtitia Romeiro-Dias est missionnée par la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale pour une mission relative aux menstruations, dont on attend les conclusions et la proposition de loi qui les accompagnera avec impatience.
Enfin, lors du Women’s Forum Americas, qui s’est tenu les 30 et 31 mai à Mexico (encore un peu de kérosène brûlé et d’auto-congratulations, mais toujours pour la bonne cause), Mme Schiappa a déclaré : « qu’il fallait en France relever à 50% les quotas de femmes existant dans tous les domaines… Il n’y a pas de raison de laisser des quotas à 30% ou 40% alors que nous représentons 52% de l’humanité. 50% est déjà un compromis » (la loi Copé-Zimmermann de janvier 2011 fixe à 40% la part des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées et la loi Sauvadet de mars 2012 a étendu ce système des quotas aux postes de la haute administration).
Comme le faisait remarquer le Salon beige, voilà une bonne occasion d’abroger la loi Taubira pour retrouver la parité dans le mariage.
Et au final, on a une meilleure compréhension de la raison pour laquelle on paie pour un secrétariat d’Etat à l’égalité femmes-hommes. Et pas pour un chef de bureau.