Dans une dizaine de jours, Leo Varadkar deviendra le nouveau Premier ministre de la République d’Irlande. La nomination de ce jeune métis homosexuel devrait faire l’effet d’une bombe dans cette nation traditionnellement catholique et endogame. Et pourtant, cela ne surprendra pas les observateurs les plus avertis, conscients du nouveau virage pris par le Tigre celtique depuis une trentaine d’années.
Cette volonté de « faire avancer l’Irlande » (slogan du candidat Varadkar) s’explique par les mêmes raisons que dans le reste de l’Europe : le traumatisme d’une guerre, le rejet de valeurs traditionnelles supposément responsables de ce conflit et la perte de vitesse de la religion structurante.
Si la France ou l’Allemagne ont subi rapidement les conséquences du concile Vatican II, l’Église d’Irlande a, elle, conservé son rôle de lobbying politique jusqu’aux années 1990. Mais soucieuse de donner l’image dynamique d’une religion Bisounours, de plaire à l’Homo festivus, le clergé irlandais s’est peu à peu déchaussé de son rôle politique.
Le résultat est sans appel : là où la religion catholique fondait l’identité irlandaise – en opposition à l’anglicanisme des Britanniques – et structurait la société en imposant un principe de précaution bienvenu, là où 88 % de la population assistait à la messe dominicale au début des années 90, il ne reste plus rien. Ou, plutôt, il est né autre chose.
La sphère politique ayant été désertée par les responsables religieux, et la nature ayant horreur du vide, une autre idéologie est apparue.
Aujourd’hui, 16 % des Irlandais assistent régulièrement à la messe ; en 2015, les Irlandais ont voté pour le mariage homosexuel, avant de voter en 2016 pour la reconnaissance des identités de genre. Et si l’avortement reste le dernier bastion du catholicisme, les assauts des chemises roses du progrès devraient bientôt changer la donne. On remerciera les idéologies et concepts importés par les grandes entreprises américaines (fer de lance de l’ubérisation) que sont Apple, Google, Facebook ou Airbnb.
Mais, finalement, comme le résume The Irish Times, c. L’Irlande a donc son Macron, son Trudeau, son Magnette, son Obama ou son Kennedy. L’Irlande s’est trouvé un bon copain, un young leader trendy, et dynamique… Un homme de son temps.
Mais le problème de ces hommes, c’est justement qu’une fois « leur temps » passé, ils ne sont plus rien et n’ont rien laissé. Et si la politique est l’art d’œuvrer pour ses successeurs, alors le progressisme est la mort de la politique.
Pierre Terrail- Boulevard Voltaire