« User de son veto, le dernier jour de son exercice, pour refuser de transmettre l’Initiative “Un de Nous” au Parlement et au Conseil européens, ce serait, pour la Commission, abuser d’un pouvoir que les citoyens lui ont déjà retiré et agir de façon antidémocratique ». Ce que redoutait Grégor Puppinck, président de l’European Center for Law and Justice (ECJL) est finalement arrivé. Le 28 mai dernier, la Commission européenne a mis à la poubelle les deux millions de signatures recueillies dans le cadre de l’initiative citoyenne « Un de nous » pour demander l’arrêt du financement public des pratiques impliquant la destruction d’embryons humains.
La démocratie selon la Commission européenne
La possibilité de recourir à une initiative citoyenne avait été introduite par le traité de Lisbonne, le 13 décembre 2007, pour, selon les mots de la Commission européenne, « encourager une plus grande participation démocratique des citoyens aux affaires européennes ». « Un de nous » avait recueilli près du double du million de signatures requis et remplissait toutes les conditions de recevabilité. Cela n’a pas empêché la Commission européenne de rejeter la plus grande pétition de l’histoire des institutions européennes, et cela le dernier jour du délai qui lui était imparti.
La Commission a publié un document (à lire ici) expliquant les motifs de sa décision. Comme bien souvent, le rapport en question est dénué de tout esprit de synthèse, volontairement alambiqué dans sa formulation, ce qui achève de décourager tout citoyen désireux de savoir pourquoi son avis intéresse si peu les dirigeants européens. On y apprend malgré tout que la recherche sur l’embryon serait conforme au droit à la vie et au droit à l’intégrité de la personne garanti par le Traité sur l’Union européenne. On y apprend également que les bénéfices thérapeutiques permis par la recherche sur l’embryon humain justifieraient la destruction de ce dernier. Les alternatives à la recherche sur l’embryon, notamment grâce aux récentes découvertes du professeur Yamanaka ne seraient-elles pas arrivées jusqu’aux oreilles de décideurs de Bruxelles ? Il semble également que ceux-ci n’aient pas conscience du peu de résultats permis jusqu’ici par de telles pratiques.
Ainsi, dans le cadre du programme européen pour la recherche et l’innovation Horizon 2020, un budget est alloué à des travaux scientifiques impliquant la destruction d’embryons humains. La commission européenne se défend de toute dérive éthique en assurant que ce programme de recherche obéit à des règles éthiques et qu’il interdit d’ailleurs toute recherche sur le clonage humain… Maigre consolation pour les deux millions de citoyens qui s’étaient mobilisés à travers toute l’Europe.
Les vraies raisons du refus
Pourtant, ce n’est pas seulement à Bruxelles qu’il faut chercher les raisons de l’échec de « One of us ». Tout, en réalité, se trame à New York, dans les bureaux de l’Organisation des Nations unies (Onu), là où furent adoptés en 2000 les « Objectifs du millénaire pour le développement ». Il s’agit de huit résolutions mises en œuvre à échelle mondiale et auxquelles sont soumis les 51 pays signataires de la Charte de l’Onu. Bien évidemment, la mise en œuvre, d’ici 2015, a valeur contraignante pour tous les États, sommés d’aligner leur législation propre sur celle de l’Onu.
On découvre ainsi dans le rapport de la Commission le fin mot de l’histoire : « L’objectif sous-jacent de l’initiative citoyenne est la réduction du nombre d’avortements pratiqués dans les pays en développement. (…) La Commission considère que l’Union doit honorer ses engagements internationaux visant à réaliser l’objectif n° 5 du Millénaire pour le Développement. Malgré les progrès spectaculaires en matière de recours à la contraception, on déplore le nombre élevé de mères qui décèdent encore, chaque année, des suites d’un avortement pratiqué par une personne ne possédant pas les qualifications requises ou dans un environnement dans lequel les normes médicales élémentaires font défaut. D’après l’OMS, en améliorant la sûreté de ces services de santé, on pourrait réduire considérablement la mortalité? et les maladies maternelles. »
L’Objectif n°5 du Millénaire, sobrement intitulé « Améliorer la santé maternelle » prévoit en réalité l’accès généralisé à la « santé reproductive » et à la « planification familiale », c’est-à-dire à l’avortement et la contraception (les détails de ce programme sont à lire ici). Inutile de dire que les Objectifs du Millénaire ont été adoptés par une poignée d’oligarques sans que les citoyens des nombreux pays concernés aient été consultés : ceux qui déplorent donc le déni de démocratie que constitue le rejet de l’initiative citoyenne par la Commission européenne ne doivent pas oublier que la démocratie est de toute façon illusoire dans la mesure où Bruxelles prend ses ordres à l’Onu…