L’homme aux mille visages est un drame historique espagnol. Les noms des protagonistes ont été changés pour des raisons juridiques évidentes, mais l’action se veut scrupuleusement insérée dans la réalité historique. L’homme aux mille visages dont il est question est un agent occulte des services espagnols, qui s’était distingué dans les années 1980 en menant des actions contre-terroristes à l’étranger contre l’ETA. L’organisation paramilitaire sécessionniste basque a en effet ensanglanté l’Espagne durant des décennies, avant comme après, et en fait davantage après, la disparition du régime franquiste en 1975. Cet agent a mené des tâches de l’ombre, mais essentielles, consistant à détourner des livraisons d’armes destinées à l’ETA, ou à assécher ses financements situés à l’étranger, et en particulier en Suisse. Ce serviteur officieux de l’Etat espagnol est vite devenu encombrant ; il n’a jamais reçu ni les honneurs, ni les récompenses financières substantielles promises pour ses services. Aussi a-t-il décidé de se payer lui-même en saisissant une occasion, quelques années plus tard, au milieu des années 1990. Un directeur de la Garde Civile, l’équivalent de la Gendarmerie, a pris la fuite à l’étranger, en France, en emportant les abondants fonds secrets de son institution.
L’homme aux mille visages, uniquement pour les spectateurs vraiment très patients
Dévoué à la cause du fuyard, en apparence du moins, L’homme aux mille visages cherchera évidemment à se rembourser, voire davantage. Le voleur peut-il faire confiance à ses complices et recéleurs ? Telle est l’éternelle question de bien des films policiers, que pose encore L’homme aux mille visages. Le film se situe aux confins des films policiers et d’espionnage. Le problème réside, pour l’intérêt des spectateurs, dans le parti-pris de réalisme et de reconstitution soigneuse. Une telle histoire ne donne nullement lieu, dans le monde réel, à des scènes d’action flamboyante, mais plutôt à des attentes interminables. Le spectateur le mieux disposé, qui travaille son espagnol – le film est à voir en VO évidemment -, tout en mobilisant ses souvenirs pour essayer de rattacher les faits présentés à des réalités de l’époque, est quand même guetté tôt ou tard par l’ennui. Le film est tout simplement trop long. Avec des coupes significatives, il aurait pu être bon. Se pose aussi la question de la morale, pour le moins floue, avec un mauvais voleur novice qui étale la nullité de son caractère et sa bêtise, tandis que le manipulateur habile aura bien davantage de chances de s’en sortir. Certes, il est montré aussi que la fréquentation de milieux louches raccourcit l’espérance de vie, ce qui peut à la rigueur tenir lieu de morale.
L’homme aux mille visages s’adresse exclusivement aux spectateurs curieux du sujet, et vraiment très patients.
Lu sur Réinformation TV