Mais le dessinateur a annoncé mardi soir lors d’une conférence de presse que la direction du groupe Bayard avait “décidé au dernier moment de ne pas sortir l’ouvrage en raison d’une de ses caricatures” sur le thème de la pédophilie au sein de l’Eglise catholique.
Les éditions Bayard ont demandé à Plantu de retirer le dessin jugé problématique. Lui a refusé de voir “paraître censuré un ouvrage, portant précisément sur la censure”. La maison d’édition a donc décidé d’envoyer les 8.000 exemplaires imprimés au pilon. Seuls subsistent les 50 livres envoyés en service de presse.
Cette image du dessinateur attitré du “Monde” met en scène Benoît XVI en train de sodomiser un enfant. En surtitre : “Pédophilie : le pape prend position”. “Quitte à se faire enculer, autant aller voter dimanche !”, dit le bambin. Plantu précise sur la même planche, intitulée “Jean-Paul et Benoît, une croisade des moeurs qui n’en finit pas”, que ce dessin est un canular : “J’ai voulu faire une blague à la directrice de la rédaction à la veille des élections régionales ; je lui envoie ce dessin, lui faisant croire que c’était le dessin du jour : elle a failli tomber dans les pommes”.
A noter que ce dessin, déjà paru dans “Le Monde” et dans “Le Monde magazine” en 2010, a provoqué en 2011 une plainte portée par l’Alliance générale contre le racisme et le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif). Le procès qui devait se tenir en septembre 2013 a été reporté au 1er juillet 2014.
“Insultant, déplacé et injuste”
Contacté par “Le Nouvel Observateur”, le groupe Bayard reconnaît un “dysfonctionnement” et souligne se trouver “dans une logique d’apaisement”. “Le combat de l’association Cartooning for Peace est honorable et nous le soutenons, d’autant que nous organisons un concours de caricatures avec le magazine ‘Phosphore’ que nous éditons.”
Mais cette caricature-là nous paraissait impossible à publier, étant donné que nous sommes un groupe catholique. C’est une question de respect envers notre public et envers Benoît XVI. Ce dessin nous a semblé insultant, déplacé et pour tout dire, injuste, car Benoît XVI a beaucoup oeuvré contre la pédophilie dans l’Eglise.”
De son côté, Plantu dit se trouver dans “la stupeur et l’incompréhension”, d’autant que l’objet du livre est précisément d'”imprimer des dessins casse-gueule”. “Nous sommes apparement tombés sur une crispation de dernier moment et j’ai eu le sentiment d’une frayeur téléguidée, raconte-t-il. Et cela ne concerne que deux ou trois personnes chez Bayard. Rien à voir avec l’ensemble du personnel. Aujourd’hui, les peurs s’installent pour un oui ou pour un non.”
J’ai le sentiment que Bayard a voulu faire un livre avec nos ‘brûlots’ et quand ils ont le livre en main, ils disent ‘Ouah ça brûle !’. On aurait dû faire un livre sur les mollusques en Franche-Comté, on n’aurait eu aucun problème !
“Ce n’est pas un cas de censure”, affirme-t-on encore chez Bayard. “Nous ne sommes pas une autorité gouvernementale ou une institution chargée de passer en revue les différentes formes d’expression. De plus, nous n’entravons pas la publication de l’ouvrage et nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour qu’il sorte le plus rapidement possible”.
Le recueil paraîtra finalement chez Actes Sud. “Nous visons une sortie autour du 19 mai, jour de la projection du film à Cannes”, indique la maison d’édition au “Nouvel Observateur”, expliquant que “si Plantu s’est tourné vers Actes Sud, c’est parce que nous réfléchissons depuis plusieurs mois à une série de livres avec Cartooning for Peace. ‘Caricaturistes : Fantassins de la démocratie’ sera donc le premier volume de cette série.”
Une démarche qui rassure Plantu : “Quand je vois la réaction d’Actes Sud, je me dis que l’espoir est toujours possible”.