Fantin-Latour. À fleur de peau

C’est le plus célèbre peintre grenoblois du XIXe siècle: Henri Fantin-Latour (1836-1904) est honoré à partir de samedi d’une rétrospective ambitieuse au musée de sa ville natale, pour dépasser la vision simpliste d’un maître des compositions florales.
“Fantin-Latour. À fleur de peau” réunit plus de 150 œuvres, peintures, dessins, gravures et photographies de sa collection personnelle pour une “exposition ambitieuse en terme de prêts”, coproduite avec la Réunion des musées nationaux et le Musée d’Orsay. La première depuis 1982.

“De nombreuses toiles viennent de l’étranger car Fantin-Latour a d’abord eu du succès en Angleterre et aux États-unis”, rappelle Guy Tosatto, directeur du Musée de Grenoble. Henri Fantin-Latour apprend les bases avec son père, lui-même peintre, puis passe sa vie au Louvre où ses copies des maîtres italiens du XVIe siècle, “qu’il vend plutôt bien, seront son premier moyen de subsistance”, raconte le conservateur.

Le refus de ses premiers envois au Salon en 1859 le pousse à accepter l’invitation d’un ami à Londres. “Il sort du cocon familial bourgeois, rencontre le couple Edwards qui devient son marchand et sa carrière s’enclenche”, raconte Guy Tosatto. “Il va se spécialiser dans les natures mortes de fleurs, à son corps défendant d’ailleurs, mais c’est ce qu’on lui réclame et ce qui le fait vivre”, explique le conservateur.

Il va donc “s’astreindre à transcender le genre, relevant le défi de les restituer dans leur dimension vivante et de rendre le terme de +nature morte+ inapproprié”, poursuit-t-il. Jusqu’à devenir “le plus grand peintre de fleurs du XIXe siècle”, célèbre pour ses bouquets et compositions, comme celle qu’il offrira à sa fiancée Victoria Dubourg, peintre comme lui et rencontrée… au Louvre.

Fantin-Latour, c’est aussi, comme en attestent ses tout premiers autoportraits de jeunesse, l’art de rendre les visages. Et pour s’approcher de ses maîtres, il veut faire de “grandes toiles”. Parmi les plus célèbres, l'”Atelier aux Batignolles” (1870) où l’on voit au chevalet “Manet, entouré de jeunes artistes pas encore connus comme le jeune Renoir, le jeune Monet (ou l’écrivain) Émile Zola”, souligne Guy Tosatto. Ou encore, dans la pièce suivante, “Le coin de table”, hommage aux Parnassiens, “unique représentation du couple Verlaine-Rimbaud, alors qu’ils n’étaient pas encore reconnus”, souligne Guy Tosatto. “Fantin voit et côtoie les artistes importants de son époque, ceux qui vont révolutionner la peinture, la poésie, mais il ne s’accorde pas cette liberté pour lui-même”, relève le conservateur.

Sans être académique, Fantin-Latour reste “classique”. L’artiste a toujours été très attaché à sa ville natale, comme en attestent des écrits, même s’il l’a quittée à cinq ans et n’est jamais revenu y vivre. Sa veuve a d’ailleurs légué au musée de Grenoble en 1921 tout le corpus photographique de son mari. Ce fonds de 1.400 clichés est “dédié au nu, en grande partie féminin”, détaille Isabelle Varloteaux, attachée de conservation, qui explore ce fonds depuis 2008. Cet ensemble a connu un meilleur destin que le fonds photographique de Gustave Courbet, lui aussi largement consacré au nu mais détruit par sa soeur qui en était l’héritière.

“Fantin a une appétence pour ce support. Il a créé des albums photo thématiques, de manière très méthodique”, ajoute Isabelle Varloteaux devant certains d’entre eux. Ils permettent de mieux approcher l’œuvre de l’artiste dont “toute la sensualité est transférée au monde des fleurs” dont il a peint “les pétales comme de la peau”, selon Guy Tosatto. Éprouvait-il une gêne devant le nu réel ? En tout cas, la photographie permet de passer outre la contrainte de séances de poses. Et certains de ces nus de papier se retrouvent idéalisés dans ses compositions d’imagination féériques comme “le Réveil”.

 

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