Protégeons Amborella, l’ancêtre de toutes les fleurs !

Par Charles Chaleyat

Les tyrannosaurus rex et autres diplodocus occupent en général avec Homo le devant de la scène de l’évolution sur Terre comme si les plantes qui nous environnent et dont on se nourrit, toujours là, n’avaient connu aucune histoire depuis le continent d’origine (La Pangée) et son éclatement en divers morceaux.

Ainsi, pourquoi les plantes à fleurs ont-elles proliféré sur  Terre inopinément, il y a des millions d’années ?

Pour lever une partie du voile sur cette énigme, un grand nombre de chercheurs se sont penchés sur Amborella, arbuste néo-calédonien, car il est le dernier vestige de la plus ancienne lignée des plantes à fleurs. C’est une sorte de témoin de ces temps anciens. Le séquençage de son génome a permis de reconstruire celui de l’ancêtre commun de toutes les plantes à fleurs, montrant que ce dernier a vu son genome multiplié par deux il y a 200 millions d’années. Cela signifie que son ADN a été « dupliqué », c’est-à-dire entièrement copié, jusqu’à dénombrer 14 000 gènes codants.

Ce mécanisme appelé « duplication », constitue l’un des moteurs de l’évolution. En effet, parmi ces 14 000 gènes codants, beaucoup ont par la suite évolué au cours des temps, pour permettre aux plantes à fleurs de nouvelles fonctions, comme, par ex., la capacité des graines à stocker les réserves nutritives. Ces travaux révèlent que c’est ce doublement du génome de leur ancêtre commun qui a ensuite permis aux plantes à fleurs d’atteindre le nombre de plus de 300 000 espèces observée aujourd’hui.

D’autres chercheurs ont analysé la variabilité génétique au sein des populations d’Amborella en Nouvelle-Calédonie, afin de reconstituer son histoire dans son aire naturelle. Les génomes montrent que leur ancêtre commun remonte à moins de 2 millions d’années. On observe également une série de réductions des effectifs, il y a environ 320 000 ans, suivie par d’autres plus ou moins importantes.

La question de savoir pourquoi elles ont ainsi décliné reste en suspens. Les chercheurs soulignent l’existence de deux massifs montagneux ayant  pu servir de refuge lors des dernières périodes glaciaires (il y a ~21 000 ans) et à partir desquels Amborella aurait par la suite recolonisé de nouvelles étendues. Sans la présence de ces deux refuges glaciaires, elle n’aurait pas survécu jusqu’à nos jours pour, entre autre, permettre aux scientifiques de remonter dans le passé des plantes à fleurs.

Découverte majeure supplémentaire : certains chercheurs ont contribué à mettre à jour chez Amborella un mécanisme très original de transfert depuis d’autres espèces végétales de génomes dits « mitochondriaux »*. Les chercheurs ont séquencé celui d’Amborella , révélant qu’il a intégré ceux de six autres espèces, dont d’autres plantes à fleurs apparues après l’arbuste néo-calédonien.

De tels transferts « horizontaux », autrement dit d’espèce à espèce sans passer par la voie sexuée, ont déjà été mis en évidence pour de simples gènes isolés. Mais c’est la première fois que les scientifiques observent ce mécanisme à l’échelle de génomes mitochondriaux entiers !

Protéger Amborella, menacée par la dégradation de son habitat, et améliorer sa préservation locale, est devenu une responsabilité mondiale.

* L’ADN mitochondrial, ou « ADNmt », est distinct de l’ADN contenu dans le noyau de la cellule. Cet ADN spécifique permet de retracer la lignée maternelle dans les arbres phylogénétiques des espèces. Il est donc très étudié par les généticiens des populations.

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