Nous le craignions. Nous l’avions même dit à plusieurs reprises dans ces colonnes. C’est désormais chose faite : au nom du fameux « esprit du 11 janvier » et de la défense de la liberté d’expression, la France socialiste a publié, le 6 février dernier, un décret permettant d’en finir avec la liberté d’expression sur internet, sans passer par une décision de justice.
Les médias des pays développés contemplent, effarés, cette décision et ne mâchent pas leurs mots pour critiquer ce remarquable recul des libertés publiques.
Même l’Arcep (autorité de régulation des communications électroniques et des postes), pourtant autorité administrative française, a émis de cinglantes réserves.
En gros, ces réserves sont de deux ordres. D’une part, le blocage administratif sera aisément contournable par les terroristes. D’autre part, il risque d’entraîner « de possibles effets secondaires non souhaités » – en clair, la fin de nos libertés.
C’est très exactement le problème. Cette prétendue lutte contre le terrorisme ne luttera, en réalité, que contre les honnêtes gens qui auraient le tort de ne pas être de l’avis du pouvoir.
Les lois françaises actuelles sont déjà dangereusement liberticides.
L’immense majorité des sites internet français contrevient à certains éléments du droit ubuesque que nous subissons. Ce qui fait que toutes les personnes qui s’expriment publiquement, notamment sur internet, sont des condamnés en sursis. L’arbitraire pèse comme une épée de Damoclès sur tous les dissidents.
Mais, enfin, il demeurait une dernière digue : pour condamner réellement, il fallait passer par la justice. Et le pouvoir y regardait à deux fois, car faire condamner un opposant est une décision politiquement lourde.
Désormais, il sera donc possible de bloquer administrativement – c’est-à-dire sans décision de justice – les sites internet qui déplairont à la nomenklatura.
Oh, certes, pour le moment, il ne s’agit que des sites faisant l’apologie du terrorisme. Mais qui fixera la limite, sinon le pouvoir en place ?
Quand vous voyez qu’une simple déclaration « Je ne suis pas Charlie », qui pouvait signifier une grande variété de positionnements idéologiques, a pu être interprétée comme une « apologie du terrorisme », le pire est à craindre.
Nous vivons décidément des temps orwelliens, où la langue ne sert plus à désigner la réalité, mais à manipuler les esprits. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la nouvelle promotion de l’ENA se soit intitulée, juste après les attentats de Paris, promotion Georges Orwell. Nos nouveaux oligarques, comme dans le magistral roman « 1984 », édictent des principes et imposent le contraire de ces principes, selon le modèle des slogans d’Orwell.
On ne dit plus désormais : « La liberté, c’est l’esclavage. » Mais on le pense toujours et on le met en pratique ainsi : « L’esprit du 11 janvier, c’est le blocage administratif des sites internet. » Pour défendre la liberté d’expression attaquée par les islamistes, nous allons la supprimer sous les lois gauchistes. Il fallait y penser !
Il est vrai que, si le sectarisme socialo-communiste supprime les libertés publiques, le terrorisme islamiste n’aura plus qu’à disparaître, puisqu’il n’aura plus rien à faire.
On se souvient que, voici quelques mois, Christophe Barbier, éditorialiste de « L’Express », avait déclaré : « ça se régule aussi, internet. Entre nous, les Chinois y arrivent bien. Si les dictatures y arrivent, il faut que les démocraties fassent l’effort, aussi, de faire respecter la loi. »
Nous y sommes.
À ceci près qu’on voit mal pourquoi maintenir cette distinction périmée entre démocratie et dictature. En Chine, nous avons une dictature démocratique ; en France, une démocratie dictatoriale. La nuance est subtile et risque fort d’échapper aux grossiers réactionnaires que nous sommes, amis lecteurs !
Il reste que Mme Taubira n’est pas Brejnev. Elle peut certes envisager le blocage administratif de sites internet selon son bon plaisir. Mais elle aura quelques difficultés à fermer les frontières numériques de la France (il serait d’ailleurs cocasse que ce gouvernement allergique aux frontières ne les rétablisse que pour internet !) et elle pourra difficilement empêcher qu’un vent de liberté souffle sur notre malheureux pays.
Lois liberticides ou non, les socialistes ont déjà perdu : leur vision archaïque du monde ne résistera pas à la reprise en main de son destin par la société civile – reprise en main largement facilitée par les nouvelles technologies !