Quand l’État instrumentalise les esprits

 

Par Gerbert  Rambaud*

Déjà sous la Grèce antique, le théâtre est politique, civique et religieux. Il affermit l’unité de la cité et enseigne au citoyen. Même la comédie a un rôle social sur les problèmes de la cité. Chez les Romains, le théâtre poursuit ce rôle de conscience politique sous des aspects plus variés. Ainsi, dès l’Antiquité, le pouvoir se rend compte de la force politique de la culture, sous toutes ses formes.

Mais depuis la dernière guerre, l’art est capté par l’État non plus pour sa puissance mais par et pour une idéologie. Désormais, l’artiste se doit d’être engagé, donc évidemment marxiste, libertaire ou anarchiste. La culture est désormais politique et les socialistes l’ont bien compris. Quand Herzog et Malraux, avec le général de Gaulle, créent les maisons des jeunes et de la culture, ils pensent aider au développement de l’art et à sa vulgarisation. Or, très vite, les MJC sont captées au seul profit de cette idéologie dominante. Et depuis ce temps, la droite, gaulliste, libérale ou non, est exclue du monde des arts et de la culture.

Désormais, le moindre artiste doit être un militant sous peine d’être boycotté. Chaque comédien, chanteur, humoriste est obligé de prendre position devant certains journalistes qui l’interrogent sur ses engagements politiques ; il faut être un Fabrice Luchini ou un Gaspard Proust pour savoir remettre à sa place le grand inquisiteur…

Mais il y a pire, la culture est devenue, au-delà de l’arme, un mode de financement. Vivant des subventions publiques, le monde des arts dérape vers du pur copinage. Une exposition, un spectacle tournent alors dans les villes amies, facturés plein tarif. Une oeuvre est surpayée par une collectivité qui devrait plutôt faire des économies en période de crise. Mais à l’artiste engagé, bien-pensant selon les critères actuels, on ne peut décidément rien refuser.

La culture joue contre les valeurs qui ont fait l’histoire et la grandeur de la France. On préfère subventionner la Nuit blanche à Paris plutôt que de restaurer des églises. On préfère un festival du rap, du tag ou du slam plutôt que d’enseigner la musique classique en primaire, partant du postulat — méprisant — que les jeunes issus de l’immigration ne pourraient pas comprendre l’art classique.

Or, c’est par la culture que toute une génération est formée à la politique. Le cinéma a autant de pouvoir que les médias. Une BD fait plus qu’un long discours. Une chanson fredonnée marque plus qu’une tribune ! Une série à succès détrône la moindre encyclopédie. Et un sketch détruit plus qu’un essai philosophique ou politique.

Il est important de réorienter les aides publiques vers une culture non politisée. Si des artistes veulent un combat politique, libre à eux et à leurs soutiens privés de les financer. Il n’appartient pas à l’État d’être, lui, engagé et encore moins aux entreprises d’être taxées pour le régime des intermittents du spectacle qui coûte un milliard d’euros pour financer les acteurs, les techniciens !

Dans cette période de relativisme, osons encore s’en offusquer, dénoncer, se révolter et, pourquoi pas, reconquérir la culture !

*Gerbert Rambaud est avocat à la cour, expert en droit social.

Lu dans Valeurs actuelles

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