Par Adélaïde Pouchol
Après les plaidoyers enflammés de Caroline Fourest et les exhibitions répétées de ces militantes d’une cause aussi douteuse que leurs méthodes, les témoignages se multiplient sur les coulisses d’une organisation décrite par une ex-Femen comme une dictature. Éclairage.
Des actions coup de poings
Qui sont les Femen ? Que cachent-elles en dévoilant leur corps ? Les militantes venues d’Ukraine se sont illustrées en France à maintes reprises depuis l’année 2012 par des actions coup de poing menées seins nus dans des lieux qu’elles jugent emblématiques du « patriarcat » qu’elles entendent dénoncer. On les a ainsi vues le torse nu barré de slogans peints en noir faire irruption lors de la manifestation contre le mariage gay du 18 novembre 2012 ou hurler contre le pape dans la cathédrale de Paris le 12 février 2013. On a vu également le visage d’Inna Shevchenko, meneuse de la branche française du mouvement, prêter ses traits à la Marianne des timbres français. Complaisante satisfaction du côté de la classe dirigeante et progressiste, colère du côté de ceux qui jugent les méthodes des Femen non seulement incompatibles avec « les valeurs de la République » que défend pourtant la classe politique mais tout simplement violentes et insupportables.
Enquêtes révélatrices
Depuis qu’une jeune femme, Iseul Turan, a infiltré les Femen plusieurs semaines au début de l’année 2013 pour en savoir un peu plus sur la face cachée du mouvement, les enquêtes se sont multipliées pour dénoncer certaines zones d’ombre : comment sont financées les Femen ? Qui est réellement à la tête du mouvement ? Comment se fait-il que d’anciennes escort-girls militent aujourd’hui contre la prostitution ? Comment se passe, au quotidien, la vie de ces femmes qui se battent pour leur émancipation ? Iseul Turan a témoigné de ce qu’elle a vu au cours des réunions et séances d’entraînement au Lavoir moderne, célèbre local des Femen. Autoritarisme, manque de concertation, actions sans fondement doctrinal… La jeune infiltrée dépeint un mouvement d’activistes, de militantes jetées à corps perdu dans l’action pour défendre une cause qu’elles résument en un mot : le « sextremisme », la bataille pour l’égalité des sexes, la libération sexuelle, la chute du patriarcat et des religions.
Qui est Viktor Sviatski ?
Alors que fait Viktor Sviatski dans l’ombre de l’antenne ukrainienne des Femen ? Que fait cet homme au sein d’une organisation qui se revendique exclusivement féminine ? Son rôle au sein du groupe avait été révélé par le reportage « L’Ukraine n’est pas un bordel » de la réalisatrice australienne Kitty Green. Mécène, décideur, manipulateur : plusieurs thèses ont été évoquées, toujours démenties par les Femen qui affirment que Viktor n’est qu’un ami… Comment expliquer également l’emprise mentale d’Inna Shevchenko sur ses « filles », comme elle se plaît à les appeler, et l’autoritarisme avec lequel elle mène celles qui disent pourtant se battre pour la libération de la femme. Le 12 février dernier, Le Figaro publiait ainsi le témoignage d’une femme qui a milité pendant un an et demi avec les Femen et dénonce l’emprise mentale, la soumission et la contradiction entre le message officiel et ce qui se passe en interne. Quelques jours plus tard, une autre militante acceptait de livrer également son témoignage, qui vient confirmer le précédent. De quoi apporter de l’eau au moulin du député UMP Georges Fenech qui a saisi le 11 février dernier la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) pour demander l’expertise de la Mission sur les Femen ainsi que la dissolution du mouvement pour son caractère sectaire et haineux.
Un récit troublé
Depuis quelques mois, donc, les Femen sont loin de faire l’unanimité et c’est dans ce contexte troublé que Caroline Fourest a publié, le 29 novembre dernier aux Éditions Grasset, Inna, le récit des mois passés auprès de l’antenne française des Femen. Car l’essayiste Caroline Fourest, féministe notoire, a connu Inna Shevchenko dès l’arrivée de cette dernière à Paris alors qu’elle fuyait l’Ukraine. On y découvre le narcissisme de deux femmes qui appellent féminisme leur haine de la religion, spécialement chrétienne. On y découvre également la bataille contre le « mariage » homosexuel vu du côté de celles qui réduisent les défilés de la Manif pour tous à un ramassis de « nervis d’extrême-droite aux cheveux rasés ». Entre autojustification et étalage de la « romance » homosexuelle entre Caroline Fourest et Inna Shevchenko, le blason des Femen n’est pas aisé à redorer. L’auteur elle-même dénonce l’activisme des filles, relate les dissensions en interne. Caroline Fourest d’ailleurs a lâché les Femen en prenant de la distance avec le mouvement tout en s’en servant pour étaler ses propres états d’âme et se présenter comme celle qui sait, qui reste lucide, comme la victime de l’obscurantisme, celle qui a tout vu, celle qui est vraiment une femme libre. Les temps sont durs pour les Femen…