On va encore se faire tuer pour la sainte République » : ainsi parle le lieutenant Benoist, en janvier 1871, au combat d’Auvours. On y retrouve le parfum paradoxal de l’engagement des « Volontaires de l’Ouest » pendant la guerre de 1870. Ces derniers ne sont rien d’autre que les zouaves pontificaux, ceux-là même qui, créés dix ans plus tôt afin de défendre le trône de Pierre, se sont illustrés en Italie face aux libéraux et aux chemises rouges. Essentiellement composés de Français de l’Ouest (Bretons, Vendéens, Angevins…), les bataillons de zouaves pontificaux ont pour eux le prestige d’une noble cause et le panache d’un uniforme exotique. Leur popularité est telle qu’ils attirent à eux des volontaires venus de pays voisins (Belges, Néerlandais) mais aussi d’outre-Atlantique (Canadiens français, issus de l’actuel Québec). Chez de nombreux volontaires français, la cause pontificale a pris le relais du combat royaliste pour la légitimité. A défaut de pouvoir combattre pour le roi, on défend le pape…
Leur engagement en France est méconnu, épisode obscur d’une guerre oubliée. Cette amnésie fait du livre de Patrick Nouaille-Degorce (éditions Edilys) un ouvrage précieux.
En juillet 1870, alors que France et Prusse entrent en guerre l’une contre l’autre, le patrimoine du Saint-Siège est réduit au seul Latium. Les événements s’accélèrent et, sitôt Rome prise (le 20 septembre), la situation est claire pour les zouaves pontificaux français : leur pays les attend. Un premier navire débarque en rade de Toulon dès le 27 septembre 1870. La situation française est critique et confuse : le 1er septembre, les Prussiens ont remporté Sedan et fait prisonnier l’empereur. Le 4, la République a été proclamée à Paris. Les zouaves royalistes vont donc défendre non seulement la France mais aussi, par la force des choses, la toute jeune République. Dans ce contexte chaotique, les zouaves peuvent paraître encombrants. Pourtant, comme le rappelle l’auteur, les « soldats du pape » combattront joyeusement : on les surnommera même les « zouaves du vieux Crémieux » !
Les Volontaires sont rattachés au 17e corps d’armée du général de Sonis et marcheront, bannière frappée du Sacré-Cœur claquant au vent, comme lors de la prise du village de Loigny. Menés par de fortes personnalités (Charrette), les Volontaires de l’Ouest seront une lumière d’espoir dans cette guerre courte et désastreuse. L’auteur n’oublie rien des tribulations et des combats de ces guerriers méconnus, qui incarnent aussi une facette de la rechristianisation française : combattant pour les deux patries terrestre et céleste, ils sont consacrés en mai 1871 au Sacré-Cœur de Jésus. Une dévotion puissante à l’époque, quelque temps avant le « Vœu national » qui allait accoucher d’une basilique à Montmartre.
Tugdual Fréhel – Présent
Patrick Nouaille-Degorce, Les Volontaires de l’Ouest dans la guerre de 1870-1871, Edilys, 146 pages.