Le grand livre des Saints

La période de Noël voit tous les ans la publication de hors séries de revues généralistes à grand public ou spécialisées traitant du christianisme. En effet, Noël est la fête chrétienne par excellence, celle qui commémore le miracle de la naissance du Christ, Dieu fait homme. Son message, transmis par les Evangiles, nous est proposé sûrement par le magistère authentique de l’Eglise catholique, et elle seule. Ceux qui l’ont le mieux reçu sont sans aucun doute les saints, et leur exemple permet de mieux le percevoir. Ce que permet de faire – malgré le contexte laïciste de notre temps – une récente publication chez Oracom, Le grand livre des saints. Plus habituée des magazines de bien-être voire de spiritualités à la mode orientale, cette maison propose là une œuvre de vulgarisation à l’esprit plutôt sympathique.
 

Aborder le christianisme par les saints ? Une bonne idée

 
II y a une forme d’opportunisme éditorial qui explique la sortie de tant de numéros spéciaux et de gros dossiers consacrés à « Jésus » ou au « Christianisme ». De nombreux lecteurs restent curieux de retrouver les racines chrétiennes de la France, fondamentales pour comprendre notre culture. Ne pas les connaître, c’est se condamner à ne rien comprendre à une multitude d’œuvres peintes ou littéraires, et pas seulement celle des artistes et écrivains profondément croyants comme Georges de la Tour ou Racine ! Cela est vrai même pour des impies manifestes comme Victor Hugo ou Picasso. Cette soif d’apprendre est trop souvent détournée par des publications qui diffusent des idées fausses sur le plan historique, et volontiers contraires à la foi chrétienne.
 
La pratique n’est pas nouvelle : le séminariste apostat Renan s’en était même fait une spécialité dès 1863 avec sa scandaleuse Vie de Jésus. Elle se retrouve dans bien des revues contemporaines qui ne retiennent du Sauveur qu’un vague humanisme à la manière des « droits de l’homme »… Voici Jésus-Christ réduit à n’être plus qu’un homme – dont l’existence historique réelle est reconnue au grand dam des plus extrémistes des athées, ce qui permet de donner le change – au message fort sympathique, sans plus.
 
Pour une fois une publication grand public surnage au milieu de ces revues qui n’ont rien de catholique. Sobrement et justement titrée Le grand livre des saints, elle fleure bon l’ambition encyclopédique chrétienne du XIXe siècle. Pourtant, l’ouvrage ne comporte que 150 pages, entend définir la sainteté, présenter de nombreux saints, et les thèmes liés à leurs actions… Cette très vaste ambition condamne fatalement à bien des raccourcis – par définition toujours discutables. Mais l’esprit reste bon, de manière générale.
 

Un parti-pris de grande vulgarisation qui ne passe pas à côté de l’essentiel

 
Passons sur Jeanne d’Arc, la sainte de la patrie : elle fait les frais de ces raccourcis, peut-être délibérément par les temps qui courent. Mais pour le reste, les esprits catholiques les plus traditionnels pourront considérer cette œuvre, bien illustrée, historiquement presque toujours juste, avec une sympathique bienveillance. Signalons tout de même que le calendrier des fêtes correspond au nouvel Ordo, avec ses modifications qui touchent parfois à des dates millénaires. Sont aussi particulièrement à l’honneur des saints très récents, dans tous les sens du terme – certains pourraient le regretter. Il n’en reste pas moins qu’il est question de saints catholiques, et exclusivement de saints catholiques, avec une approche fidèle des traditions les concernant, du moins pour la très grande majorité d’entre eux.
 
Une exception : Luther devient dans Le grand livre des saints un « réformateur courageux », sans le moindre rappel de sa qualité d’hérésiarque. On déplore tout au plus qu’il ait aboli, radicalement, le culte des saints. Il est dommage que cette présentation ambiguë de Luther vienne ternir une publication par ailleurs recommandable. Mais hélas, cette attitude est dans l’air du temps au sein même de l’Eglise catholique. On se souviendra de propos récents non moins ambigus du pape François sur l’initiateur de la Réforme.
 
Notons aussi une préface qui se conforme un peu trop à l’esprit dominant anticatholique de notre époque – et que le lecteur peut facilement enjamber, pour profiter du bon esprit indiscutable régnant dans l’ensemble.
 

“Le grand livre des saints”, pour faire renouer le grand public avec la culture chrétiennne

 
Le plan proposé dans ce grand livre des saints suit une logique simple, avec trois grandes parties : une définition de la sainteté, la présentation de nombreux saints sous le titre « La vie des saints », et enfin des « focus thématiques » sur tel ou tel aspect de la sainteté.
 
La définition de la sainteté proposée est celle de l’Eglise catholique : les saints sont particulièrement proches de Dieu, et sont pour les croyants des modèles et des intercesseurs. Les qualités exigées par l’Eglise catholique sont répertoriées et expliquées dans leurs grandes lignes : pour être saint canonisé, il faut être martyr tué en haine de la foi ou avoir pratiqué héroïquement les vertus. Il est aussi justement précisé que certains des plus grands saints ont été des pécheurs repentis, à commencer par saint Paul, ancien persécuteur de l’Eglise. Saint Paul donne d’ailleurs une belle, simple et juste formule résumant la sainteté, qui doit être l’ambition de tout chrétien : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Les saints, pour être célébrés et faire l’objet d’un culte public, doivent être reconnus par l’Eglise, reconnaissance qui obéit à des procédures strictes. Il en a toujours été ainsi, de l’origine de l’Eglise à nos jours, même si certaines époques ont été plus sévères ou exigeantes que d’autres.
 
Est mentionnée aussi, en passant, la manière dont des chrétiens non-catholiques abordent la question de la sainteté et des saints. L’Eglise orthodoxe a développé ses propres règles. La communion anglicane a une pratique moins rigoureuse : elle propose à la vénération des martyrs chrétiens authentiques, de toutes dénominations – mélange surprenant de catholiques, d’orthodoxes, de protestants de très diverses obédiences –, mais aussi des personnalités politiques certes chrétiennes mais surtout très engagées à gauche voire à l’extrême-gauche, comme le pasteur noir américain Martin Luther King ou l’archevêque salvadorien Mgr Oscar Romero. On aurait apprécié davantage de recul et d’esprit critique sur ce point précis.
 

Une sympathique publication de grande vulgarisation sur l’Eglise et son histoire

 
Le grand livre des saints suit une progression chronologique, la plus simple, la plus claire, qui convient parfaitement à une œuvre de grande vulgarisation. Les thèmes abordés sont effectivement étroitement liés au sujet principal. La dévotion mariale, les ordres religieux, les saints papes, les saints dans l’art, sont intégrés harmonieusement à ce parcours temporel. Tous les plus grands saints sont présents. N’ont pas écartés les saints qui déplaisent fortement aux rationalistes, y compris dans l’Eglise, comme saint Christophe ou saint Georges, si priés l’un comme l’autre au Moyen-Age. Ce martyrologe va de saint Jean-Baptiste le Précurseur au Padre Pio, en passant par saint Jérôme, saint François d’Assise, sainte Thérèse d’Avila, saint Pie X, etc. On pourrait objecter que certains, comme saint Augustin, auraient mérité davantage de développements ; mais l’idée était de présenter la vie de très nombreux saints en quelques lignes ou paragraphes au plus.
 
Ce parcours chronologique du Grand livre des saints bénéficie d’une illustration riche et de qualité. Les images répondent précisément au texte en recourant largement aux trésors de la peinture religieuse occidentale, de l’époque médiévale au dix-neuvième siècle, souvent mésestimé et qui révèle ici ses richesses. Après 1850, la photographie prend le plus souvent le relais. Les auteurs ont eu le bon goût d’ignorer totalement l’Anti-Art contemporain.
 

Une vraie petite histoire de l’Eglise à travers ses saints

 
Ce Grand livre des saints propose en définitive, en abordant le sujet par l’action des saints dans son histoire, une petite histoire de l’Eglise catholique. Et qu’elle est belle, vue ainsi à travers ceux de ses membres qui ont le mieux cherché à imiter la perfection de Jésus-Christ ! Les ennemis de l’Eglise sont en revanche présents, en tant que persécuteurs des saints. On se surprend, lecteur adulte critique, à considérer que l’essentiel de l’histoire de l’Eglise est bien là. C’est la meilleure manière de répondre à la mise en évidence des faiblesses, réelles, supposées, ou très exagérées par la propagande anti-chrétienne qui donne le ton aujourd’hui en France, de tel ou tel homme d’Eglise. Les saints ont toujours montré l’exemple aux autres chrétiens. Même si l’Eglise catholique, dans sa dimension humaine, vit aujourd’hui des temps troublés, il est rassurant de songer qu’au Ciel une véritable armée de saints prie continuellement pour nous. De même que, même si nous ne les connaissons pas par définition, et qu’il faut par ailleurs se méfier des faux saints célébrés par le monde, il est hors de doute qu’avec l’aide de Dieu, bien des saints prient avec nous et pour nous chaque jour aussi sur cette Terre.

 

Lu sur RITV
 

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