L’actualité nous renvoie plus de 2000 ans en arrière avec les découvertes sous-marines faites en Égypte dans l’ancien port grec de Naucratis. Mais ce n’est pas un papyrus de cette Égypte qui me pousse à écrire, c’est un cadeau que m’a apporté le Père Noël, très au fait de mes goûts inavouables, Le Papyrus de César que les successeurs de Goscinny et Uderzo viennent d’offrir aux fans d’Astérix le Gaulois ; et plus précisément son titre. J’ai été tout de suite été intrigué par le texte dans lequel les lettres avaient été comme découpées :
C’était évidemment du latin, et j’ai très vite deviné le début de la seconde ligne « (IN)VADENTIBUS RESISTERE ETIAM SEMPER ».
À partir de là, avec l’aide du fantastique outil de recherche qu’est Google, j’ai d’abord trouvé une bonne part du texte sur Marginalia, site universitaire espagnol consacré à la vitalité du latin dans le monde contemporain :
La suite est venue, par morceaux successifs, pour aboutir au texte suivant, certainement connu des initiés depuis au moins 2009 :
Les trois lignes du titre PAPYRUS correspondent aux parties surlignées. La première phrase est authentiquement celle du premier chapitre des Commentaires de la guerre des Gaules de César, par lesquels l’auteur situe géographiquement le pays dont il va relater la conquête (Gallia est omnis divisa in partes tres. Quarum unam incolunt Belgæ, aliam Aquitani , tertiam qui ipsorum lingua Celtæ , nostra Galli appellantur. Hi omnes lingua, institutis, legibus inter se differunt. Gallos ab Aquitanis Garumna flumen, a Belgis Matrona et Sequana dividit.)
La suite est évidemment un pastiche « Anno A[nte]. D[ominum]. N[ostrum]. L.: Gallia est omnis divisa in partes tres… Gallia celtica tota a romanis tandem occupata est… totane ? Minime vero ! Vicus quidam, cuius invicti Galli incolae sunt, legionibus invadentibus resistere etiam semperque pergit. Neque autem vita facilis est legionariis romanis in castris vallo fossaque communitis. »
Ce qui donne, en français :
L’an 50 avant notre Notre Seigneur [admirer l’anachronisme !] : l’ensemble de la Gaule est divisé en trois parties… Finalement, la Gaule celtique fut entièrement occupée par les Romains. Totalement ? Pas du tout ! Un village, qu’habitent les invincibles Gaulois, a toujours persisté à résister aux légions d’envahisseurs. Et la vie n’était pas facile pour les légionnaires romains fortifiés dans les camps entourés de palissades et de fossés.
Soit, tout simplement, l’essentiel du texte du cartouche en bas et à gauche de la carte de la Gaule, p. 3 de l’album :
Mais cette carte de Gaule et son cartouche sont dans tous les albums depuis plus de 50 ans… et on n’y prête plus attention.
En transformant ce texte en devinette cachée dans le titre, les auteurs ont donc réussi à réveiller l’attention du lecteur, et à passer le portique de détection de la bien-pensance. Consciemment ou non, les vrais Français, ceux qui aiment leur patrie, ont bien reçu le message sans cesse répété :
Astérix est le héros et le modèle du Français résistant aux envahisseurs.
Vercingétorix né sous Louis-Philippe / Battit les Chinois un soir à Ronc’vaux…
Quelques lecteurs se souviennent sans doute de ces vers de la chanson Au lycée Papillon lancée en 1936, il y aura donc bientôt 80 ans. Pourquoi les rappeler ? Malheureusement pour lui, pas en mémoire de Vercingétorix, à qui aucune potion magique n’évita la défaite d’Alésia, mais pour évoquer le règne du roi Louis-Philippe (1830-1848), quand les censeurs ne voyaient aucun mal à ce que l’on exaltât la résistance aux envahisseurs.
Je rappelle seulement le récit enthousiaste par Scipion Marin de la bataille de Poitiers qui permit au maire du palais Charles Martel d’arrêter en 732 l’invasion musulmane menée par Abd-el-Rahman, récit publié en 1836.
Dans la même veine, est aussi remarquable la façon dont le Toulousain Lucien Mengaud rappelait la résistance victorieuse de sa ville aux Sarrasins, en 721. C’est dans La Toulousaine, chanson composé en 1844 et devenue célèbre dès 1845 quand le musicien Lucien Deffès lui eut donné un air ; adoptée comme hymne de la ville, elle y est toujours en honneur. C’est dans un recueil publié par l’auteur en 1845, au 4ème et dernier couplet :
De tous guerriés doun la noblo benjenço De tes guerriers dont la noble vengeance
Fasquéc plega le froun des Sarrazins, Fit baisser le front des Sarrasins
De ta fiértat et de l’independenço De ta fierté et de l’indépendance
Que de tout tens regnéc dins le pays. Qui de tout temps régna dans le pays.
Oh ! soun pla fiér de ma bile tant bélo Oh ! Je suis bien fier de ma ville si belle
Que tant rappélo Qui rappelle tant
De soubenis. De souvenirs.