Encyclopédie des changements de noms (tome III) d’Emmanuel Ratier

Par Caroline Parmentier

On change de plus en plus de noms en France! En dehors de ses compétences bien connues en matière politique (Encyclopédie politique française, Au cœur du pouvoir, Le Vrai visage de Manuel Valls, etc.), le journaliste Emmanuel Ratier est un authentique expert de l’onomastique, la science des noms de famille. Il vient de publier le troisième tome de son Encyclopédie des changements de noms.

— Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux changements de noms ?

— Il s’agit en fait d’un authentique « travail de mémoire » en hommage à Henry Coston, qui fut mon ami, mon témoin de mariage et qui me désigna, en particulier dans un entretien paru dans Présent avec Francis Bergeron, comme son « héritier spirituel ». Sous le pseudonyme de « l’Archiviste Jérôme », il avait publié deux volumes du Dictionnaire des changements de noms, couvrant la période 1803 (c’est-àdire depuis la loi de Germinal sur les noms de famille) 1956 et 1957-1962. Je me suis fait un devoir de poursuivre son travail sans me rendre compte qu’il s’agissait en réalité de l’œuvre d’un bénédictin insomniaque. Il faut en effet relever toutes les données (y compris les rectificatifs car il y a régulièrement des erreurs dans les noms publiés) dans le Journal officiel (ancien nom, nouveau nom, prénoms, date de naissance, date du décret, etc.) et les saisir en base de données dans un ordinateur. C’est un travail particulièrement aride et besogneux qui demande pour chaque volume des centaines, voire des milliers d’heures de travail. Ce n’est donc pas un hasard si parmi les centaines de milliers de généalogistes professionnels ou amateurs, aucun n’a réalisé ce travail. Par les vertus de l’ordinateur, j’ai pu compléter le travail d’Henry Coston.

— Ce qui est étonnant, c’est que vous en soyez au troisième tome ?

— On change de plus en plus de nom, essentiellement en raison de l’immigration grandissante et de la multiplication des naturalisations (plus de 180 000 par an). Par ailleurs, ce qui était considéré comme une exception est devenu beaucoup plus classique. De 1803 à 1962, soit environ un siècle et demi, il y a eu moins de 20 000 changements de noms. Mais de 1963 à 1982 (la période couverte par mon premier tome), soit 19 ans, il y en a eu 17 000. Ensuite, de 1982 à 1997 (mon deuxième tome), soit 15 ans, il y en a environ 20 000. Et de 1998 à 2012, soit 14 ans, on en trouve plus de 20 000.

— Pourquoi change-t-on de nom ?

— Il y a quatre raisons principales (dans l’ordre d’importance) : d’abord la francisation du nom (35 %). Dans la première moitié du XXe siècle (cela se poursuit toujours mais dans une moindre proportion), il s’agissait essentiellement de familles juives de l’Est européen (aujourd’hui, ce sont plutôt des familles sépharades). Depuis quarante ans, on voit les vagues d’immigration successives ou cumulées : noms à consonance arabe, africaine, malgache, pakistanaise, indienne, chinoise, etc.

Il y a ensuite les noms difficiles à porter (20 %). Il y a toujours des « Connard », dont on ignore qu’il s’agit d’un nom allemand qui veut dire « courageux, noble » et n’a aucune connotation pornographique. Mais il y a aussi les « Sida », tous originaires d’Afrique noire, et même des « Le Pen » ou des « Mégret ».

Ils sont suivis par les divorces, lorsque l’enfant reprend le nom de sa mère ou de son beau-père. Cela représente environ 18 % des demandes. On terminera par le relèvement d’un nom, souvent noble (8 %). La fausse noblesse se porte bien et est incluse dans cette catégorie avec les « Delannoy » ou « Dhondt » qui deviennent « de Lannoy » ou « d’Hondt », mais aussi tous ceux qui s’arrogent des noms véritablement « d’emprunt », tels les Giscard d’Estaing ou les Poivre d’Arvor. On assiste même, à la suite de la loi de 1993 (qui a remplacé l’excellente loi de Germinal de 1803), à la multiplication des relèvements de noms illustres de manière choquante. C’est ainsi qu’on a vu dernièrement (décret du 26 mars 2004) un « Baïri » obtenir de transformer son nom en « d’Artagnan » sans que son descendant en ligne indirecte, le sénateur Aymeri de Montesquiou-Fezensac, puisse s’y opposer.

— Comment expliquer ces abus choquants ?

— Vendus au mondialisme et au nomadisme, les derniers gouvernements successifs, de droite comme de gauche, se sont attelés à la destruction de la famille, de la lignée et donc du nom. Le nom est ce qui qualifie une lignée, qui caractérise un groupe ou une ethnie (il y a des noms français comme il y a des noms allemands et anglais). C’est évident quand on voit les convertis européens à l’islam changer à la fois de prénom et de nom. Les députés ont donc tout fait pour faciliter cette disparition du nom, rendant très difficile à trois générations les recherches généalogiques. Il est symptomatique d’abord que les changements de noms ne figurent pas dans l’édition électronique du Journal officiel et qu’il faille consulter son édition papier (à peine 2 000 abonnés, dont moi-même) qui va prochainement disparaître. Comment fera-t-on ensuite, nul ne le sait. Personne ne lit le JO papier et surtout la période de contestation n’est plus que de deux mois alors qu’elle était précédemment d’un an. Les noms sont donc beaucoup moins protégés que les marques (trois ans de possibilité de contestation, et beaucoup plus en cas d’usage antérieur) qui ne sont pourtant que des créations de l’esprit et non des êtres de chair et de sang. On a donc ce paradoxe que n’importe qui peut décider de s’appeler Bouygues, Saint-Laurent ou Balmain… alors même que la marque est strictement protégée.

— Il s’agit donc d’une entreprise programmée ?

— Oui, quasiment personne ne sait que la loi sur le mariage des paires (très incorrectement appelé le « mariage homosexuel ») comporte un article sur la dévolution du nom qui s’applique à tous les mariages. Il indique, qu’en cas de désaccord ou d’absence de choix des supposés « parents », l’enfant portera le nom des deux « parents » dans l’ordre alphabétique. Avec le « parent 1 » et le « parent 2 », c’en est donc totalement fini de l’adage romain : « la mère donne la vie, le père donne le nom ». De manière très significative dans la loi de 2002, on était passé du « nom patronymique » qui veut dire « le nom du père » au « nom de famille ». On assiste donc, comme en bien d’autres domaines, à l’effacement du père. Et maintenant du « nom de famille », au profit du seul « nom » tout court, celui du consommateur hors-sol rêvé par l’infâme accouplement du libéralisme économico-financier et du libertarisme gauchiste, symbolisé par les « bobos ». Vous voyez donc que l’onomastique et l’étude des noms est infiniment… politique.

• Encyclopédie des changements de noms, tome III, 424 p., Editions Faits & Documents, 24 € (en vente à la Librairie Facta, 4 rue de Clichy, 75009 Paris, où l’on trouve également les deux premiers tomes).

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