Il est, dans mon petit village de l’île de Ré, un homme qui vient de battre un record du monde tout à fait exceptionnel : il a reçu la semaine dernière, à Nouméa, sa vingt-quatrième coupe de champion du monde ! C’est l’homme le plus titré de la planète. Le Français le plus titré de l’Histoire ! Et pourtant, c’est le silence radio. Le silence gouvernemental et le silence des supposés organes d’information !
Ce champion hors pair s’appelle Antoine Albeau, c’est un Rétais de 45 ans. Sa discipline n’est peut-être pas très populaire et ne tient pas la place qu’elle mérite dans les émissions sportives. Je pense même que peu de journalistes dits sportifs ont jamais mentionné son nom. Qui d’entre eux se passionne, en dehors de ses vacances, pour la planche à voile ? Son père, Jean-Marie Albeau, qui l’a éduqué et formé sur les eaux rétaises, est très mécontent.
« Comment ? Il vient de monter pour la 24e fois sur la plus haute marche d’un podium de compétition mondiale et pas un mot, dimanche 26 novembre, sur les chaînes de télévision, sur la victoire d’Antoine, remportée pourtant haut la main lors de la Coupe du monde 2017 de windsurf, en Nouvelle-Calédonie ! » Et d’ajouter, alors que nous admirions un magnifique coucher de soleil sur une mer d’huile : « Vous vous rendez compte, il n’a jamais même reçu un télégramme de félicitations de la part d’un gouvernement. »
Les présidents de la République sont pourtant plus empressés les uns que les autres pour recevoir toutes sortes de champions : football, tennis, rugby, course, judo, etc. Mais Antoine Albeau, jamais. Pourtant, ce solide bonhomme de 45 ans, au sourire éclatant, a battu les plus grands surfeurs du monde, beaucoup moins âgés que lui et que l’on pourrait donc croire en meilleure forme physique. On peut sans doute imaginer que l’air marin de l’île de Ré est la cause de la santé et de la force de ce champion oublié !
Car en dehors de la presse locale, qui a parlé de ses victoires accumulées au fil des années ? C’est d’ailleurs au Phare de Ré, le journal local, qu’il a déclaré, dimanche dernier après son 24e titre de champion du monde : « Je suis super heureux de cette victoire. Remporter cet événement est la cerise sur le gâteau ! Nouméa est vraiment la plus grosse épreuve de la saison et on a eu de superbes conditions. » Antoine Albeau sait rester modeste. L’an dernier, il n’était arrivé que 5e, et malgré une blessure au genou, la naissance de son fils Alani, malgré l’école de voile qu’il dirige, avec son père, sur la plage de La Couarde-sur-Mer, il a su vaincre les plus grands surfeurs de la planète.
Alors, cher président de la République, Antoine Albeau ne mérite-t-il pas une Légion d’honneur, par ailleurs distribuée un peu à n’importe qui depuis des décennies ? Ou, à défaut, une petite invitation à l’Élysée ? Peut-être que ce dimanche, si Antoine est élu Marin de l’année – titre qu’il a déjà remporté en 2010 -, cela vous convaincra-t-il de penser à Albeau.