Aujourd’hui, c’est masturbation! Ca suffit!

 

Au Royaume-Uni, un projet de loi pourrait bientôt rendre obligatoire l’éducation sexuelle dans les écoles secondaires. The Guardian a assisté à un cours d’éducation sexuelle dans un établissement en Angleterre.

“Il est 13 heures et on va discuter de masturbation, lance la souriante Antonietta Moch, une petite femme musclée. La masturbation est un acte très intime, dit-elle à toute la classe. La masturbation, c’est du sexe avec vous-même. L’objectif est de vous donner du plaisir.” “Ne le publiez donc pas sur Facebook, ajoute-t-elle aux adolescents qui gloussent, mal à l’aise. Et quant aux rapports sexuels, ça relève de la vie privée aussi.”

Antonietta Moch donne un cours sur le sexe et les relations amoureuses à des adolescents dans un collège près de Milton Keynes, au nord de Londres. Elle se montre honnête et instructive, et tous les jeunes repartent en ayant appris quelque chose.

Sensibilisation aux violences faites aux femmes

Actuellement, tous les enfants britanniques ne bénéficient pas de cours d’éducation sexuelle à l’école. Certains types d’écoles, financés par le gouvernement central mais dont la gestion est indépendante, ne sont pas tenus de respecter le programme scolaire national et peuvent décider de s’abstenir. Les autres établissements, qui peinent à boucler le programme, ne donnent que des notions incomplètes voire inexistantes. Toutefois, la tendance pourrait s’inverser.

Le projet de loi de la député Caroline Lucas devant rendre obligatoire l’éducation sexuelle à l’école sera examiné en seconde lecture à la Chambre des communes au mois de février 2015. Si ce texte est adopté, l’éducation personnelle, sociale, économique et sanitaire – ce qui comprend l’éducation au sexe et aux relations amoureuses – sera obligatoire dans toutes les écoles publiques. Le projet prévoit également des cours de sensibilisation pour mettre fin aux violences à l’égard des femmes et des filles [comme la mutilation génitale dont sont victimes les filles dans certaines communautés islamiques].

Tordre le cou aux mythes de cour de récré

La semaine du 20 octobre, les députés de la commission sur l’éducation ont appris que la qualité de l’éducation sexuelle à l’école était extrêmement aléatoire. Certains jeunes grandissent sans recevoir la moindre information sur leur corps, tandis que d’autres ne comprennent pas les concepts de viol et de consentement sexuel. En l’absence d’éducation sexuelle complète et détaillée, les jeunes s’en tiennent aux mythes de cour de récré, et complètent de plus en plus souvent leurs lacunes avec la pornographie et Internet.

Antonietta Moch travaille pour Brook, une société qui propose des services et des cours relatifs à la santé sexuelle aux jeunes de tout le Royaume-Uni. Lors de son intervention, elle ne laisse rien au hasard et elle s’entoure de trois godemichés – bleus et marron – qui sont posés devant elle sur le bureau.

Alcool, pression et consentement

De nombreux sujets sont abordés pendant la séance : les raisons pour lesquelles les jeunes font l’amour – “Parce que ça fait du bien”, propose un garçon ; “Pour m’en débarrasser”, réplique une fille –, mais aussi l’impact de l’alcool et de la pression exercée par le partenaire et par l’entourage. Ils discutent aussi de préservatifs et de lubrifiant, de porno, de sexe anal, et consacrent beaucoup de temps aux notions de viol et de consentement.

Le consentement sexuel est une préoccupation de premier plan, car les cas de harcèlement sexuel dénoncés sur les campus américains et britanniques sont légion. Selon un sondage publié en septembre 2014 par la National Union of Students, un syndicat étudiant, 37 % des jeunes femmes ont déjà été tripotées ou touchées de façon déplacée.

Concours d’enfilage de préservatif

Antonietta Moch apprend aussi aux adolescents que trois personnes sur mille sont séropositives au VIH à Milton Keynes (“C’est pourquoi il est crucial de vous protéger”), qu’un préservatif ne peut pas se perdre dans un vagin et que le jus du poulet peut endommager les préservatifs, il faut donc bien se laver les mains après avoir mangé. Une fois que tout le monde a reçu des instructions détaillées sur la façon de mettre un préservatif, le cours se termine par une course : le premier qui en enfile un sur l’un des godemichés gagne un sous-vêtement.

“Certaines écoles sont très coopératives : elles nous ouvrent leur porte et nous laissent la liberté d’élaborer un cours adapté à l’âge des élèves, explique-t-elle. D’autres n’ont que très peu de temps à nous consacrer et nous laissent une demi-heure dans le meilleur des cas, uniquement pour aborder les fondamentaux – qui nous sommes et où trouver des préservatifs. D’autres ne nous laissent pas intervenir du tout.”

Les garçons se comparent aux “stars du porno”

Avant la leçon, Antonietta Moch se tient à disposition dans la salle commune, entourée de préservatifs et de brochures sur le sexe oral. Certaines filles viennent lui poser des questions. “Pourquoi est-ce qu’on peut se marier à 16 ans mais pas regarder de porno avant 18 ans ?” demande l’une d’elles. Une autre l’interroge sur l’anatomie du clitoris. Elles discutent aussi du frottis (“C’est dégoûtant, je ne ferai jamais ça !” affirme une adolescente) et du dépistage de la chlamydiose. Elles sont plusieurs à l’interroger sur l’impact du porno, ce qui semble beaucoup les préoccuper. Les garçons en regardent sur leurs téléphones dans la salle commune, affirme Antonietta Moch.

“Les garçons veulent ressembler aux stars du porno, explique une jeune fille. Ils disent qu’ils vont ‘se taper’ ou ‘niquer’ une fille. Quand on commence à leur faire l’amour, ils ont tendance à être agressifs et à mettre leurs mains autour de notre cou.” Ces jeunes femmes se sentent-elles de taille pour affronter ça ? Certaines disent qu’au moins elles étaient contentes d’avoir une discussion informelle avec une personne qui ne fait pas partie de leurs professeurs. “C’est trop gênant, confesse une ado de 16 ans, après on doit leur faire face tous les jours !”

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