Décédé dans la nuit de dimanche à lundi, Antoine Sfeir était, avec Antoine Basbous, Annie Laurent, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz et quelques rares autres, l’un des meilleurs spécialistes du Proche Orient et du monde islamique. Cette connaissance, il la transmettait par ses Cahiers de l’Orient, après une carrière de journaliste, tant au Liban qu’en France. Je l’avais connu en 1976, pendant la première guerre du Liban. Antoine avait vécu une expérience effroyable : il avait été enlevé par les Palestiniens du FPLP, ou Front Populaire de Libération de la Palestine, un mouvement marxiste qui combattait les chrétiens libanais au côté des Mourabitounes (islamistes libanais). Mais le FPLP était à l’époque dirigé par un chrétien, Georges Habache, paradoxe d’un temps déjà révolu.
Sfeir échappa miraculeusement à une mort certaine.
A son arrivée en France, nous avions eu un temps le projet d’écrire ensemble un livre sur la guerre du Liban, et de raconter la réalité de cet islamo-progressisme qui faisait se pâmer d’admiration la gauche française, tandis que les chrétiens maronites (Antoine Sfeir était l’un d’eux) étaient un peu considérés comme des héritiers du colonialisme.
Lors du soi-disant « printemps arabe », Antoine Sfeir n’avait été dupe de rien, ce qui lui fut parfois reproché. Mais l’Histoire lui a rendu justice. Sa mort a d’ailleurs été largement saluée. Car dans ses analyses concernant l’évolution au Proche-Orient, il avait eu raison avant tout le monde.
Francis Bergeron – Présent