Je viens de lire le dernier essai d’Arnaud Imatz paru ce mois-ci aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux. Il s’intitule Droite gauche – Pour sortir de l’équivoque. C’est un ouvrage d’utilité publique, et vous allez rapidement comprendre pourquoi.
Nous sommes à quelques mois d’une élection présidentielle qui s’annonce inédite dans la mesure où les vieilles écuries politiques ont perdu tout crédit et tout pouvoir rassembleur. Un seul parti est en mesure de jouer plus que les trouble-fête : celui que le catéchisme républicain nous a appris à vomir en le confinant à l’extrême droite. Or, toutes critiques mises de côté et à bien y regarder, le programme du Front national a aujourd’hui de quoi séduire aussi bien à droite qu’à gauche. Sera-ce bientôt l’occasion d’en finir avec une catégorisation éculée et stérile ? L’ouvrage d’Arnaud Imatz contribue à nous en convaincre.
À sa lecture, j’ai tout d’abord retrouvé cet esprit de mise au point jubilatoire qui animait Jean Sévillia il y a une douzaine d’années (dans des essais remis à l’honneur ce mois-ci également). Toutefois, Arnaud Imatz va plus loin.
Au-delà des démonstrations circonstanciées qui, comme chez son prédécesseur, font état du « terrorisme intellectuel » ambiant, son livre fait prendre conscience que tous, absolument tous les individus ou mouvements qui s’évertuent encore à sortir des pensées battues se retrouvent immanquablement et officiellement jetés dans les géhennes droitardes.
Ces anathèmes de la part de l’oligarchie et de ses nervis, les lecteurs de Boulevard Voltaire y sont accoutumés. Ce que ces derniers ont beaucoup moins à l’esprit, c’est l’extraordinaire guerre de chapelles qui a lieu au sein de la nébuleuse « antisystème ». C’est que la réaction à l’ordre établi a les défauts de ses qualités. Stimulée par la liberté de ton et le refus de se soumettre aux diktats, la politique alternative pourvoit elle-même dans son élan à de nouvelles dichotomies : retour à la monarchie ou démocratie directe ? Droit divin ou laïcité musclée ? État plus juste ou plus discret ? Identité ou souveraineté ? Nombreux sont les débats qui couvent. Est-ce un mal ? Certainement pas, mais l’oligarchie mise sur ces nuances de « rouge-brun » pour se maintenir au sommet.
Somme toute, Arnaud Imatz livre à tout lecteur soucieux de se déprendre de la propagande autorisée des clés de compréhension, non seulement de la facticité de l’opposition gauche/droite, mais aussi des différents courants qui alimentent la Réaction et de leurs intrications. Il aide à voir plus clair dans les affinités et les tensions à l’œuvre. À mes yeux, son ouvrage est l’actuel vade-mecum du citoyen déboussolé. Au seuil d’une période de grands bouleversements, ne boudons pas les occasions qui nous sont offertes de nous armer en conséquence.