Le réac de service selon Libé!

Il crie à l’ostracisation mais squatte les médias, dénonce la fin du débat d’idées mais ne supporte pas la contradiction… Les Morano, Onfray, Finkielkraut et De Villiers ont été omniprésents dans les médias cette semaine.

Portrait-robot du réac de service
Cette semaine, on n’a vu que lui. Il était partout. Sur toutes les radios, les chaînes de télévision, dans les journaux, sur les sites… Et ce n’est pas fini, il va continuer de squatter votre cerveau ce week-end. Lui, c’est le réac de service. On le masculinise uniquement pour respecter cette vieille règle grammaticale probablement obsolète qui donne priorité au «il» sur le «elle», mais le réac qui occupe les médias n’a pas de sexe prédéfini. Par contre, il a une odeur. Celle du soufre qui promet audiences, reprises, conversations de comptoir… Et sur cette promesse, il a table ouverte partout où il veut déverser sa rhétorique rodée.

Si l’on veut être objectif, cette présence n’est pas forcément une réalité comptable. Pris de manière individuelle, chaque média peut se prévaloir de respecter un certain équilibre des temps de parole. Mais quand tous se mettent à sortir en même temps les mêmes atouts populistes, à se refiler les mêmes profils réacs, tout en brandissant une exclusivité de la réponse à l’exclusivité du dérapage initial, le «mur du çon» est palpable. On ne peut pas y échapper et toute autre parole devient inaudible.

Alors à quoi et à qui ressemble-t-il, ce réac de service qu’on s’arrache ? Tentative de portrait global pas si imaginaire.

Il est obsédé par la question de l’identité.
Selon lui, nous sommes collectivement en train de fabriquer le creuset d’une «guerre de civilisation» sans précédent et tout ce qui fait notre identité, notre nation, va disparaître dans une sorte de «Kosovo islamique». Et lui est là, fier soldat prêt à affronter tous les obstacles qui se mettent sur le chemin de la vérité, car il souffre de voir «la France mourir», «s’effondrer de l’intérieur». Alors, parfois, il dérape et il surfe sur les peurs, mais c’est bien le moindre mal d’un «discours de vérité».

Il est achromate.
Le réac souffre d’un trouble de la vision qui lui fait percevoir les couleurs différemment des autres. Non pas qu’il les confonde, son problème est ailleurs : sa rétine n’est sensible qu’au noir et au blanc. Sur le fond et sur la forme. C’est pour ça qu’il n’hésite pas à coloriser de manière aussi binaire des concepts qui lui échappent, comme celui des races. Et globalement, le monde se partage entre les bons et les méchants. Il a fait sienne une devise sarkozyste qui permet de lire le monde à travers cette grille à deux entrées : on est avec lui ou contre lui.

Il est ostracisé.
La bien-pensance régnant en maître dans l’espace médiatique, le réac ne trouve plus le moyen de s’exprimer. Et en particulier sur les vérités qui dérangent. C’est donc pour cela qu’il court les plateaux télé, les studios radio, qu’il accepte les interviews et fait les «couvs» des magazines. Tant pis pour les contradictions. Tant pis s’il squatte ensuite tous les écrans en éructant que «nombre de questions sont désormais devenues impossibles à poser». Tant pis s’il s’insurge contre un dogme alors qu’il est en train de construire le sien. Au fond, il a envie d’en découdre et il regrette que le débat d’idées n’existe plus en France. Mais hurle au lynchage et à la haine quand on se targue de vouloir répondre sur ce terrain. D’ailleurs, il n’a même plus besoin de lire ce qu’on écrit sur lui pour savoir que c’est faux. Car on déforme sa pensée, il ne peut en être autrement. La faute aux médias qui, malgré toutes les heures de diffusion qu’ils mettent à sa disposition, parfois sans contradiction, sont bien loin de rendre compte de la complexité de son œuvre et de sa pensée.

Il n’a pas de tabou.
Le réac de service se revendique porte-parole d’une majorité silencieuse qui lui envoie «des mails de soutien» à chaque intervention. Il a beau avoir fait une haute école et profité de ses bienfaits sur sa carrière, il vomit cette «couveuse à têtes d’œuf du politiquement correct». Et c’est parce qu’il représente ce peuple silencieux qu’il n’a aucun tabou et qu’il pourfend le politiquement correct. C’est pour lui qu’il dénonce partout, où il peut, «qu’on ne peut pas nommer les choses car nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde».

Il pense que c’était mieux avant.
«Avant» se résumant à une période pré-1968, c’est-à-dire quand le général de Gaulle veillait à la destinée et à la grandeur de la France. Quand la peine de mort existait encore. Quand on ne connaissait que le divorce pour faute. Quand l’intégration se faisait à marche forcée dans d’immenses bidonvilles de la périphérie parisienne. Quand l’avortement était interdit. Et l’homosexualité un délit. Bref, quand la France était le symbole du vivre-ensemble.

Les phrases entre guillemets ont été prononcées cette semaine dans les médias par Nadine Morano, Philippe de Villiers, Michel Onfray et Alain Finkielkraut.

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 Illustration Laurent Blachier

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