Christophe Castaner, c’est en quelque sorte le cantonnier de la République. Là où, sur la route, il y a des creux, il comble et n’hésite pas à mettre la dose de goudron. En revanche, là où il y a des bosses, il rabote sec. Car la route des marcheurs doit être un doux et – si possible et affinités – long ruban, surtout pour Emmanuel Macron. Pas le moindre petit caillou ne doit pouvoir esquinter ses souliers ainsi que les escarpins de Brigitte. Pour ça, il est impeccable, Christophe Castaner. Des comme ça, on n’en fait plus. C’est simple, ils ont cassé le moule.
Des creux ? Prenez le mouvement des gilets jaunes. Par la magie du verbe castanérien et de sa pelle de cantonnier, les manifestations furent érigées en émeutes, les manifestants promus en séditieux. Pas de rouleau compresseur pour finir le travail mais des blindés comme on n’en avait pas vu dans Paris, peut-être depuis Mai 68. Il ne manquait plus que les engins chenillés et cela aurait été complet. Le discours du ministre de l’Intérieur coulait à grands flots bien chauds comme une répandeuse à bitume sur la RD 224 avant les élections départementales. Fallait le voir, le Christophe, encadré de son adjoint Nunez et du préfet de police, à la manœuvre, chaque samedi soir. Il ne lui manquait plus que le mouchoir noué aux quatre coins sur la tête. Par la suite, il s’était un peu calmé, par la force des choses, vu que les gilets jaunes étaient rentrés dans leurs tanières.
Puis cet été, il a bien repris un peu de service, malgré les grosses chaleurs, lors des « attentats » contre les permanences des députés de La République en marche. Oui, parce que c’est comme ça qu’on dit, pour l’attaque d’une permanence de député de LREM. On parle d’« attentat ». Il est vrai que c’est une sorte de sacrilège inédit, vu que chaque député de LREM porte en sautoir un morceau de la vraie croix de son maître à penser. Citons notre cantonnier en chef : « Cette dégradation [de la permanence du député LREM de Perpignan] est un attentat, puisque les auteurs ont acheté des bidons d’essence en amont. Ils ont tenté d’attenter à la vie d’un parlementaire qui était présent dans la permanence. » CQFD. Reste à prouver que c’était leur intention, mais peu importe. En revanche, dégrader les permanences du Rassemblement national, comme c’était encore le cas récemment dans les Côtes-d’Armor, ce n’est sans doute qu’un « fait divers ».
Des bosses, maintenant ? Samedi, un Afghan, qui n’avait rien à faire en France, comme le disait fort justement Christian Vanneste ici même, et qui tue un jeune homme, blesse très grièvement plusieurs personnes, à l’arme blanche, ce n’est pas un attentat mais seulement une « agression ». Et ce, grâce à la magie du verbe castanérien balancé sur Twitter et, bien sûr, de sa machine à aplanir les bosses pour que la route soit bien jolie, toute plate. Mais, bonnes gens, dormez en paix, Christophe Castaner précise, toujours dans ce tweet : « Je suis la situation. » Du verbe « suivre » et non « être », on l’aura compris. Dans ce cas, il aurait écrit : « Je suis l’homme de la situation. » Ce dont personne ne doute depuis bientôt un an qu’il a pris les fonctions de cantonnier en chef de la République.
Georges Michel – Boulevard voltaire