Ce mardi 2 septembre, une vidéo montrant l’exécution du journaliste Steven Sotloff a été diffusée par l’État islamique. Si la presse française a choisi de ne pas publier les images de cette décapitation, elles ont été diffusées par la majorité des médias d’outre-Atlantique. Comment expliquer cette différence de traitement ?
Alors que les médias français refusent en grande majorité de publier des photos de la tragique décapitation du journaliste américain Steven Sotloff, aux États-Unis, presque tous en publient. Comment expliquer ce très grand fossé entre nos cultures ?
Il y a deux pistes à explorer pour expliquer ce décalage.
1. Les Américains sont habitués aux images brutales
Malgré la globalisation, il persiste de grandes différences entre les peuples.Les Américains sont d’abord beaucoup plus habitués aux images de grande violence, largement véhiculées par les fictions, comme les séries violentes. Le voyeurisme télévisuel est plus développé aux États-Unis où le public ne s’offusque que rarement, alors que les Français sont vite choqués par la violence.
La série “24h Chrono”, par exemple, n’hésite pas à montrer des scènes de torture sans que cela ne pose de problème au public. La conséquence, c’est que la concurrence entre les médias et la fiction poussent ces premiers à créer des chocs visuels eux aussi. Et cette double décapitation est en fait pire, plus choquante que ce que la fiction peut inventer.
2. Les Français refusent de jouer le jeu des terroristes
Ensuite, en France et plus largement en Europe occidentale, on estime largement que regarder des vidéos ou des images véhiculées par des terroristes, c’est entrer dans leur jeu puisque ce qu’ils recherchent, c’est précisément la médiatisation de leurs actes. En Europe occidentale, la focalisation se fait sur le message transmis et le consommateur d’image se sent mis en relation avec l’émetteur de l’image.
Pour la récente affaire des piratages de photos nues de Jennifer Lawrence, le “Guardian” écrivait : “Si vous regardez ces photos, vous vous rendez complices des pirates.”
Et même si ces deux affaires sont évidemment très différentes, le fond est le même : pour nous, regarder des images n’est pas anodin.
Une alliance de forces politiques et commerciales
Aux États-Unis, l’argument commercial est le plus fort. “If it bleeds, it leads”, disent les Américains (“S’il y a du sang, ça fait la une”). De fait, les médias américains offrent une tribune libre à qui veut car le sang, c’est vendeur…
Publier ces images, c’est donc faire primer la logique commerciale, mais ça peut aussi servir des messages politiques.
Du côté de l’administration Obama, ces images peuvent avoir un impact positif comme négatif. Elles appuient à la fois les thèses des opposants à l’envoi de soldats en Irak que celles des partisans. Il est donc peu probable que le gouvernement soit impliqué de près ou de loin dans la publicité pour ce genre de vidéo.
En revanche, la droite reproche à Barack Obama de ne pas être assez interventionniste et elle peut utiliser ces images pour appuyer son propos. C’est à dire lui faire porter la responsabilité pour ce crime affreux. C’est donc une alliance de forces politiques et commerciales qui poussent vers la conclusion qu’il faut montrer ces images.
La liberté d’expression a aussi des limites aux États-Unis
Mais si la conception américaine de la liberté d’expression semble totale, elle a cependant quelques limites.
Lors des attentats du 11 septembre, les photos des personnes qui sautaient des tours ou celles des cadavres au sol n’ont pas été publiées, car jugées trop choquantes. Ici, l’intérêt national a primé sur l’intérêt commercial. Personne n’a vu le corps de Ben Laden mort non plus…
Visiblement, les décapitations de James Folley et de Steven Sotloff ont été jugées moins brutales ou choquantes.
Restent quelques rares publications alternatives qui ne publient pas ces images car elles évoluent hors de la guerre que se livrent les grand médias de masse ou elles considèrent que publier ces images n’est pas éthique. Une position malheureusement extrêmement minoritaire.
Source