La Mémoire du vin : entre héritage et transmission est le titre d’un ouvrage original, instructif et opportun du général (2S) Marc Paitier, reconverti en œnoconférencier.
Il nous rappelle que le vin est « un symbole et synonyme de culture » au propre comme au figuré. Son histoire « se confond avec celle des hommes » depuis les confins de l’Asie centrale il y a 8.000 ans, selon « un fil conducteur cépage-terroir-homme ». L’auteur nous livre sa vision des régions viticoles françaises à travers la présentation de quelques figures vigneronnes, ses héros. Car le vin est porteur de sens charnel, culturel, spirituel.
En phase avec cette approche instruite de ce condensé de civilisation, l’appel à la « défense du vin contre les pisse-vinaigre » est une cause nationale.
En effet, une étude scientifique du magazine britannique The Lancet sur « les méfaits du vin dès le premier verre » participe d’un combat idéologique. Bigre, 35 ans de consommation de ce breuvage feraient donc de votre serviteur, en excellente santé (du moins le croit-il), un survivant miraculé ! Bras armé de la mouvance hygiéniste en France, l’intransigeante Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) a coûté la bagatelle de 92 millions d’euros de subventions publiques en 2016.
Pour ces croisés d’une religion prohibitionniste, l’appel à la modération individuelle responsable ne suffit plus : il faut in-ter-dire par tous les moyens. Le chantier tous azimuts de déconstruction de la fertile civilisation européenne est décidément en marche forcée !
D’un côté, on dérembourse l’homéopathie, « médecine douce », malgré ses effets bénéfiques en arguant d’une économie en réalité minime, en attendant de la supprimer des cours de médecine. Coïncidence : on s’apprête en même temps à dépénaliser le cannabis présenté comme une « drogue douce » malgré ses effets nocifs. Double régression pour la santé publique !
À l’écart de ces débats urbains hors-sol, les amateurs du bien-vivre n’ont pas attendu que des lobbies alcooliers les manipulent, ni que des activistes déracinés leur fassent la leçon, pour apprécier le vin avec convivialité et mesure, en famille et entre amis. En exemples de tolérance qui savent voir et osent comparer les différences, toutes couleurs confondues – blanc, rouge, rosé, jaune, noir du Cahors, gris du Maroc, vert du Portugal… et même bleu d’Espagne !
Car le monde du vin, en évolution permanente, reste plein de ressources. Pour preuve, l’engouement de jeunes Français et la place croissante des femmes dans tous les corps de métier de la filière viticole.
En période d’Alzheimer collectif et d’automutilation mémorielle permanente, se replonger dans les origines de notre civilisation européenne du vin est un antidote. Avec ce général nantais ardent promoteur du mercurey comme du muscadet, on retrouve des repères et des raisons d’espérer. Conformément à la devise de Saint-Cyr « On s’instruit pour vaincre », ici, la tentation du découragement dans une société contaminée par le phylloxéra de la pensée.
Jean-Michel Lavoizard – Boulevard Voltaire